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Critique de dannso


Padura n'était plus un inconnu pour moi (trois livres lus) mais son héros récurrent l'était encore. Ce livre était proposé par Netgalley, j'ai saisi l'occasion de découvrir Mario Conde. Et, je pense que j'aurais pu en deviner l'auteur dès le premier chapitre. Chapitre où j'ai retrouvé tout ce que j'aime chez Padura : l'élégance et la pertinence de son écriture, son amour pour son ile, Cuba, son désenchantement que partage son héros, vis-à-vis de l'état dans lequel elle se trouve aujourd'hui, encore et toujours.

Deux histoires alternent dans ce livre, procédé un peu déroutant au premier abord, un peu frustrant aussi, car on regrette à chaque fois de ne pas en savoir plus sur celle des deux que l‘on lisait avant de plonger avec finalement beaucoup de bonheur dans l'autre. Et finalement, ces deux histoires qui finiront par se rejoindre se complètent et s'enrichissent mutuellement. Elles sont témoins chacune d'une époque particulière, où l'effervescence règne, où l'espoir d'un changement n'est pas totalement mort, mais où ainsi que le dit Conde :
« C'est comme les ouragans tropicaux : ils passent, ils font un max de dégâts et puis ils s'en vont, ils se perdent… »

Mario Conde, jadis policier, jadis vendeur de livres d'occasion, aujourd'hui en 2016 vigile dans une boite de nuit, est appelé à la rescousse par un de ses anciens collègues. L'ile est sous effervescence : visite de Obama, concert des Rolling stones, les forces de l'ordre sont débordées. Et toute aide sera la bienvenue pour enquêter sur la mort aux circonstances bien surprenantes et sordides d'un ancien apparatchik, jadis censeur de la culture et pourtant propriétaire de nombreuses toiles d'artistes jadis portés plus bas que terre et contraints d'abandonner leur art.
En parallèle, nous voici en 1910, quelques années après l'indépendance de l'ile, dans une république qui trahit bien des idéaux de ceux qui ont mené la guerre d'indépendance, où la richesse de certains s'oppose à la misère de beaucoup, où la vie de certaines n'a pas beaucoup de valeur. Et c'est sur deux morts de ces femmes qui n'ont d'autre choix que de monnayer leur corps qu'un jeune inspecteur de police Arturo Saborit va enquêter. Va enquêter et se perdre quelque peu au contact d'un homme diablement séducteur, proxénète, attiré par la politique, au charme immense, au sourire éclatant, Alberto Yarini.

Les deux enquêtes se déroulent en parallèle, donnant l'occasion à l'auteur de peindre avec beaucoup de réalisme, beaucoup de détails, deux époques à un siècle de distance, mais où de façon récurrente, quelques privilégiés se partagent le gâteau, où l'argent coule à flots pour certains tandis que la majorité peine à trouver de quoi manger, où la liberté se trouve réduite par le contrôle exercé par le pouvoir, où la corruption règne.
Elles s'enlisent parfois, sont relancées par des hasards heureux ou des prémonitions et finiront par être résolues, même si parfois le meurtrier se révèle plus sympathique que la victime. Elles sont toutes les deux fort bien construites et j'ai aimé suivre la progression des deux enquêteurs.

Mais l'intérêt principal du livre réside pour moi dans tout ce que l'auteur partage avec nous en dehors, et qui revient dans tous les livres que j'ai lus de lui, la vie quotidienne si difficile quelque soit l'époque, son amour envers son île, sa lucidité aussi vis-à-vis de celle-ci et des conditions de vie qui y règnent, l'influence de l'histoire sur le présent, l'inutilité de vouloir nier ce qui a été. Les ravages de la période communiste sont encore bien présents et les changements récents sur l'ile ne peuvent les faire disparaitre :
« Et c'est la certitude que le passé ne se termine jamais. Même avec la mort. le passé est tout ce qui a été, chaque instant que nous avons été, et il est si obstiné que c'est toujours lui qui décidera ce que nous serons. Si le passé s'effaçait, nous cesserions d'exister. »

Merci à NetGalley et aux éditions Métailié pour ce partage #Ouraganstropicaux #NetGalleyFrance

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