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Critique de UnKaPart


Quand le poète t'invite au voyage, Fight Club envoie bouler les tour operators.
Fight Club, c'est l'histoire d'un mec, en moins drôle que quand c'est Coluche qui raconte mais aussi jubilatoire.
Le narrateur n'a pas de nom. Il a une vie pourrie. La même que 90% de la population. Sa vie se résume à ramasser des savonnettes dans une douche de prison, son quotidien l'ennuie, son taf l'ennuie. Pour soigner ses insomnies, il se retrouve à fréquenter des groupes d'entraide qui ne le concernent en rien. Plus tard il croisera Tyler Durden, qui est tout ce qu'il n'est pas, un type libre dans sa tête (comme Diego). Ensemble, ils fondent le fight club, un club de combats clandestins. On ne doit pas en parler.
Motus.

Fight Club ou le constat d'échec de la société moderne. Un roman de l'aliénation dans tous les sens du terme. Travail aliénant résultat d'un chantage au salaire… société de consommation où tu es moins ce que tu manges que mangé par ce que tu as… conventions qui te brident et te brisent, t'obligent à être ce qu'on attend de toi plutôt que toi tout court. Bienvenue dans un monde merveilleux, le nôtre.
Nul ne sera étonné que le roman soit sorti en 1996, quand les Trente Glorieuses paraissent loin et les lendemains qui chantent encore plus. Si la société de consommation a été critiquée depuis sa naissance, les années 1990 marquent un tournant dans la contestation, celui de la désillusion. Fight Club aurait pu être chanté par Nirvana.

Fight Club ou la révolte nihiliste. Pour lutter, il n'y a pas trente-six solutions : tout faire péter. En tout cas, dans l'optique du bouquin qui est une oeuvre de fiction, je le rappelle, et qui va au-delà d'une bête incitation à la sédition pulvérisatrice. le cantonner à un manifeste glorifiant les revendications à coups de bombe revient à donner dans le contresens.
Le roman se prête aux interprétations multiples sans qu'une soit plus valable qu'une autre. Chacun y verra le message qui lui parle, puisque Palahniuk s'abstient de trancher.

Le narrateur pourrait être n'importe qui, à commencer par le lecteur. On se glisse sans peine dans ses pompes. Sa situation initiale est celle de millions de personnes écrasées par un quotidien insipide. Que nous apprend sa trajectoire ? Ses insomnies sont une métaphore de cette société anthropophage qui le bousille et l'étouffe : il n'a plus de rêves au propre comme au figuré. Ses errances dans les groupes de soutien puis son entrée dans le fight club marquent une volonté de tisser du lien social. Sortir du troupeau tout en trouvant sa place dans un groupe, échapper à la solitude causée par un individualisme forcené tout en affirmant son moi, voilà la quête d'identité dans laquelle il se lance.
Dans notre société intolérante à tout autre modèle que le sien si parfait (sic), s'affranchir relève de la gageure. La démarche demande de se secouer et de se coller des baffes, une violence sur soi très littérale ici. le cercle du fight club officie comme une antichambre cathartique qui achève de te démolir. Table rase, reconstruction, tout ça, tout ça. Des rapports bruts, directs, qui t'obligent à oublier ton petit confort de vie et abandonner le superflu. Revenir à l'essentiel.

Derrière la clandestinité, la violence, la folie individuelle contre un monde qui marche sur la tête, le roman offre au choix une dystopie, une prophétie ou une synthèse historique. le fight club s'apparente à un mouvement de résistance contre l'ordre établi avant de basculer vers l'insurrection armée. Soit des révolutionnaires ou des terroristes, selon de quel point de vue on se place. Tu noteras que les sociétés en crise, sur le déclin ou décadentes – sémantique d'historien ou de moraliste – se réforment rarement en douceur. Encore moins en l'absence de volonté de changement en profondeur, quand les dirigeants se contentent de bricolages superficiels aussi efficaces que du mercurochrome sur une fracture ouverte. Sauf qu'avant, les mouvements et leaders révolutionnaires avaient un idéal, un projet ou au moins une vague idée de ce qu'ils voulaient mettre à la place de l'ancien régime. Démocratie, communisme, fascisme, ce ne sont pas les idées bonnes ou mauvaises qui manquaient. Mais aujourd'hui le désenchantement est roi et lui, on aura du mal à le guillotiner. La prochaine révolution majeure semble partie pour déboucher sur l'anarchie la plus totale – à prendre ici dans son sens de foutoir absolu. Chaos, confusion, savon. Les deux premiers, sûrs.
Palahniuk en est conscient, témoin le revirement du narrateur. le fight club échappe à son créateur, parce qu'il porte en lui une forme d'idéologie – l'anarchie – donc les germes d'une dérive sectaire. Parce que le no future ne peut le conduire nulle part, à l'image du mouvement punk qui n'a pas tenu cinq ans avant que l'industrie de la mode ne récupère ses codes vestimentaires. Dans le même temps, cette créature qui n'obéit plus à son créateur symbolise la contestation souterraine qui, le jour venu, sera impossible à juguler.

La fin du film est à mon avis meilleure que celle du bouquin. Plus réaliste face à l'inéluctabilité de ce qui nous attend. On y assistera en spectateur comme le narrateur, ou en acteur comme Tyler. Une fin ambivalente, l'un provoque la fin d'un monde quand l'autre le regarde s'effondrer. Manière de dire que tout s'écroulera quoi qu'il arrive. Cf. le krach de 1929 où personne n'a eu besoin de faire sauter des banques. le système financier actuel, comme celui de l'époque, est une bombe à retardement dont il a lui-même assemblé les composants. Combien de temps crois-tu qu'un système basé sur la consommation peut tenir face à une paupérisation galopante ? Paris ouverts…
Lien : https://unkapart.fr/fight-cl..
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