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Critique de thedoc


A l’âge de 13 ans, Rithy Panh voit son monde basculer lorsque les Khmers Rouges entrent dans Phnom Penh le 17 avril 1975. La tragédie du génocide cambodgien a commencé et va entraîner la mort de près de deux millions d’êtres humains.

A partir de ses souvenirs toujours vivaces, Rithy Panh raconte la tragédie de sa famille et l’extermination d’un peuple. Il revient sur le lent processus d’élimination mis en place par les khmers rouges, guidés par une folle et radicale idéologie révolutionnaire. Rithy Panh a tout connu : l’évacuation de Phnom Penh et la déportation dans les campagnes où les citadins doivent être rééduqués, les longues séances d'endoctrinement politique et d'autocritique, les sévices, la famine, les « hôpitaux-mouroirs » où la mort vous guette… Le Kampuchéa démocratique, le nouveau régime dirigé par Pol Pot, souhaite créer un « peuple nouveau » et tout est fait pour déshumaniser et nier l’individu proprement dit : le système familial cambodgien est éclaté et le traditionnel respect vis-à-vis des anciens désavoué, le « pyjama » noir et la coupe unique sont de rigueur, la propriété n’existe plus et seul le collectif compte. L’individu n’est plus rien.
C’est dans ce contexte d’éradication systématique de l’individu que le cinéaste va perdre une grande-partie de sa famille. Lui, qui frôle la mort à plusieurs reprises, survit à cet enfer. Les descriptions sont glaçantes, les scènes hallucinantes. Et pourtant, Rithy Panh raconte avec justesse et sobriété.
Mais le cinéaste va plus loin qu’un simple récit autobiographique. Sa confrontation avec Duch, l'ancien responsable du centre de détention et d'exécution S21 à Phnom Penh, est fascinante. Rithy Panh cherche des réponses et il trouve en face de lui un homme qui voudrait se faire passer pour un simple exécutant. Mais Duch se trahit lui-même : en prison, il cherche toujours à façonner sa légende. Manipulateur et pervers, il montre un esprit retors. Alors que François Bizot (cf la critique sur « Le portail »), nous dit «Je n'ai pas vu un monstre, j'ai vu un homme, et c'est ce qu'il y a de plus terrible, justement, qu'il soit un homme comme moi.», Rithy Panh, lui, a deviné clair dans le jeu de l’ancien tortionnaire. Le vécu des deux hommes n’est effectivement pas le même…
Au-delà des faits concrets, cet ouvrage est également ponctué des réflexions méditatives de l’auteur qui dans le travail d’écriture, cherche certainement un apaisement à sa douleur.

« L’élimination » est un grand livre, au même titre que tous ceux qui témoignent des immenses tragédies du 20e siècle. C’est enfin un témoignage capital sur un génocide qui se perpétua dans l'indifférence totale des démocraties et avec le soutien d'intellectuels occidentaux.

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