Rien ne saurait être pire, au terme d'une longue journée consacrée à couvrir un assassinat, que de devoir avouer à son mari qu'on l'a trompé.
Cette histoire ne s'effacerait pas d'un coup de baguette magique. Je devais agir.
Quand on travaille sur le terrain, c'est ce qu'on redoute le plus. Vous entrez dans un fast-food avec vos gosses et vous tombez nez à nez avec un gars que vous avez serré quelques années auparavant.
C'est un amateur. Je le vois d'ici : il s'imagine qu'il efface ses traces au fur et à mesure, mais en réalité il pédale dans la semoule, il se plante. Et nous, on se rapproche de lui pas à pas.
Trop tard. Quand bien même je l'aurais souhaité, je ne pouvais plus faire machine arrière.
Certes, il avait un instant perdu la tête. Mais quel homme serait resté de marbre face à celui qui allait peut-être lui voler son épouse ?
Je m'étais délectée de cette souffrance dans laquelle sombrent les épouses quand elles comprennent qu'on vient de jouer avec leurs sentiments. Pathétique.
Seulement, imaginer était une chose.Rendre la pareille à son compagnon pour se venger en était une autre.
Vivre pour l'instant présent. Vivre une éternelle jeunesse. Vivre dans l'insouciance. Peut-être, qui sait, parviendrais-je un jour à faire mienne cette philosophie.
Celui ou celle qui a décrété un jour que les déménagements et les divorces constituent les événements les plus stressants auxquels on est confronté au cours d'une vie n'a jamais vu son conjoint assassiner son amant...
La Ducati, il l'avait déjà vue. Dans les pages centrales du magazine Fortune. L'un de ces joujoux de petit garçon à jamais inabordables. Un engin que seule une star de cinéma ou l'héritier trop gâté d'un richissime armateur européen avait les moyens de s'offrir.