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Critique de Kirzy


Voilà un roman à l'ambition assumée : raconter sous forme romanesque les premières années de la décennie sanglante algérienne, en développant une thèse forte qui ferait de ces années 1990 la matrice du terrorisme islamiste contemporain. Entre tabous et secrets défense, le terreau historique brûle les doigts et appelle à la vigilance, questionnant une mémoire encore très douloureuse afin d'expliquer les mécanismes complexes de la logique terroriste. Il s'agir là du premier volet d'une trilogie.

Le roman commence en 1992 avec la rupture du processus électoral en Algérie par l'armée qui organise un putsch afin d'empêcher les islamistes du FIS - qui ont remporté les élections législatives – d'arriver au pouvoir, prétexte à l'installation d'une dictature qui ne dit pas son nom. Les généraux dits «  janviéristes » sont prêts à tout pour conserver le pouvoir dans un contexte de guerre civile lorsqu'apparaît le GIA, groupe terroriste djihadiste.

Frédéric Paulin choisit judicieusement de croiser plusieurs destins, des personnages fictifs croisant et côtoyant des personnes ayant réellement existé ( par exemple Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d'attentats ayant frappé la France durant l'été 1995 ), tous liés par la tragédie qui se noue au fil des pages.

Le récit est forcément foisonnant, extrêmement documenté, complexe de fait, mais tellement bien construit que jamais on ne perd le fil des diverses narrations, même si le lecteur a comme moi une piètre connaissance du sujet. Sans doute, le glossaire et la chronologie finale aident, ainsi que les habiles « points sur la situation » que font les personnages sous la forme de bulles de pensée. Mais ce qui raccroche le lecteur, ce sont justement ces personnages, tous d'une grande densité psychologique.

Notamment, le principal, le lieutenant Benlazar, très beau personnage d'agent français de la DGSE chargé de surveiller le DRS ( Département du renseignement et de sécurité – les services secrets algériens ). C'est à travers lui qu'on plonge dans le chaos. Tourmenté, déchiré entre ses origines algérienne et française, toujours au bord du gouffre, il vit la solitude opiniâtre de celui qui sait sans être cru lorsqu'il découvre l'implication des généraux au pouvoir et de leurs services secrets dans de sombres projets, entre collusion avec le GIA, exactions en tout genre et volonté d'exporter en France le terrorisme islamiste afin de conserver son soutien.

Tortures, enlèvements, attentats rythment des chapitres nerveux, sous tension permanente, pas très loin de l'ambiance macabre et paranoïaque des grands romans de James Ellroy sur l'histoire des Etats-Unis, notamment lorsqu'il dévoile l'existence de camps de rétention à la Guantanamo comme celui d'Aïn M'guel dans le Sud du pays. Ce récit qui navigue entre roman noir, d'espionnage et historique est puissant, sans excès démonstratifs et surtout sans manichéisme. Glaçant, souvent sidérant, toujours passionnant.
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