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La trilogie Tedj Benlazar tome 1 sur 3
EAN : 9782072853555
448 pages
Gallimard (12/03/2020)
4.03/5   439 notes
Résumé :
- PRIX DES LECTEURS QUAIS DU POLAR / 20 MINUTES 2019
- GRAND PRIX DU ROMAN NOIR FRANÇAIS 2019 AU FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM POLICIER DE BEAUNE
​- ÉTOILE DU POLAR 2018 LE PARISIEN
- PRIX MARGUERITE PUHL-DEMANGE 2019 au festival LIVRE À METZ, littérature et journalisme

~~Algérie, 1992. Après l'annulation des élections remportées par le Front islamique du salut, une poignée de généraux, les " janviéristes ", ont pris le pou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (86) Voir plus Ajouter une critique
4,03

sur 439 notes
Voilà un roman à l'ambition assumée : raconter sous forme romanesque les premières années de la décennie sanglante algérienne, en développant une thèse forte qui ferait de ces années 1990 la matrice du terrorisme islamiste contemporain. Entre tabous et secrets défense, le terreau historique brûle les doigts et appelle à la vigilance, questionnant une mémoire encore très douloureuse afin d'expliquer les mécanismes complexes de la logique terroriste. Il s'agir là du premier volet d'une trilogie.

Le roman commence en 1992 avec la rupture du processus électoral en Algérie par l'armée qui organise un putsch afin d'empêcher les islamistes du FIS - qui ont remporté les élections législatives – d'arriver au pouvoir, prétexte à l'installation d'une dictature qui ne dit pas son nom. Les généraux dits «  janviéristes » sont prêts à tout pour conserver le pouvoir dans un contexte de guerre civile lorsqu'apparaît le GIA, groupe terroriste djihadiste.

Frédéric Paulin choisit judicieusement de croiser plusieurs destins, des personnages fictifs croisant et côtoyant des personnes ayant réellement existé ( par exemple Khaled Kelkal, principal responsable de la vague d'attentats ayant frappé la France durant l'été 1995 ), tous liés par la tragédie qui se noue au fil des pages.

Le récit est forcément foisonnant, extrêmement documenté, complexe de fait, mais tellement bien construit que jamais on ne perd le fil des diverses narrations, même si le lecteur a comme moi une piètre connaissance du sujet. Sans doute, le glossaire et la chronologie finale aident, ainsi que les habiles « points sur la situation » que font les personnages sous la forme de bulles de pensée. Mais ce qui raccroche le lecteur, ce sont justement ces personnages, tous d'une grande densité psychologique.

Notamment, le principal, le lieutenant Benlazar, très beau personnage d'agent français de la DGSE chargé de surveiller le DRS ( Département du renseignement et de sécurité – les services secrets algériens ). C'est à travers lui qu'on plonge dans le chaos. Tourmenté, déchiré entre ses origines algérienne et française, toujours au bord du gouffre, il vit la solitude opiniâtre de celui qui sait sans être cru lorsqu'il découvre l'implication des généraux au pouvoir et de leurs services secrets dans de sombres projets, entre collusion avec le GIA, exactions en tout genre et volonté d'exporter en France le terrorisme islamiste afin de conserver son soutien.

Tortures, enlèvements, attentats rythment des chapitres nerveux, sous tension permanente, pas très loin de l'ambiance macabre et paranoïaque des grands romans de James Ellroy sur l'histoire des Etats-Unis, notamment lorsqu'il dévoile l'existence de camps de rétention à la Guantanamo comme celui d'Aïn M'guel dans le Sud du pays. Ce récit qui navigue entre roman noir, d'espionnage et historique est puissant, sans excès démonstratifs et surtout sans manichéisme. Glaçant, souvent sidérant, toujours passionnant.
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Un livre noir, très noir ! Peut-être trop noir, car à force de ne rechercher que la noirceur, on peut devenir ennuyeux et déprimant.

La plupart des événements prennent place en Algérie, entre 1992 et 1995, soit au début de la guerre civile qui fit plus de cent mille morts dans le pays, et qui prit fin quelques années plus tard, à l'arrivée à la présidence d'Abdelaziz Bouteflika. On rappelle que le conflit se déclencha lorsque l'armée algérienne, de conviction laïque et nationaliste, annula des élections sur le point de donner la victoire aux fondamentalistes du FIS, le Front Islamique du Salut. Au-delà de ce fait avéré, difficile de dire si le contexte historique dans lequel se situe l'intrigue du roman correspond à une réalité vérifiée ou s'il s'agit d'une thèse de l'auteur.

La narration met aux prises des personnages des services secrets français et algériens, du haut commandement de l'armée algérienne, et du GIA, le Groupe Islamique Armé, l'organisation terroriste de sinistre mémoire qui sera mise en cause dans les attentats de 1995 à Paris et à Lyon. L'auteur mêle les personnages fictifs et des personnalités ayant effectivement existé : des hommes politiques français, des terroristes islamistes passés à l'action en France.

L'intrigue est extrêmement complexe et malgré de longues et répétitives explications, je ne suis pas certain d'avoir saisi les intérêts des uns et des autres, d'avoir compris qui manipule qui, ni d'avoir fait la part des ambitions secrètes, des compromissions et des retournements de vestes.

De quoi s'agit-il ? le personnage principal, Tedj Benlazar, est lieutenant à la DGSE. Ce Français d'origine algérienne a l'intuition d'une terrifiante conspiration imaginée par des officiers algériens. Leur projet serait d'infiltrer le GIA pour lui faire porter le chapeau de massacres qui, en discréditant les religieux, consolideraient le pouvoir de l'armée. Certains massacres pourraient même être programmés en France … pour des motifs tortueux dont je ne me souviens plus... Tant pis !

Conformément aux canons de la littérature policière de base, le lieutenant Benlazar ne parvient pas à convaincre ses supérieurs, des faibles ou des naïfs comme il se doit. Il est vrai que la plupart n'ont jamais mis le pied en Algérie. Pour ne rien arranger, Benlazar est lui-même aux prises avec des souvenirs et des tracas personnels dramatiques, qu'il occulte plus ou moins. Une partie romanesque plutôt tirée par les cheveux, où apparaissent des personnages secondaires, dans des rôles bancals, éphémères et sans utilité.

Très peu de mouvement dans ce livre qui se voudrait captivant. Les chapitres se suivent, sans rythme, sans surprise. Cela donne un texte sans âme, monocorde, constitué de phrases courtes et rudimentaires, au vocabulaire et à la syntaxe simplistes.

L'auteur a pu être inspiré par Pukhtu, un exceptionnel roman de guerre dans l'Afghanistan d'il y a une dizaine d'années. Malheureusement, La guerre est une ruse est loin d'atteindre le niveau de ce thriller romanesque complexe et très violent, qui m'avait passionné et tétanisé en même temps.

Je me méfie toujours – peut-être à tort ! – des thèses complotistes sur des manipulations « secret défense ». En tout cas, elles ne me fascinent pas. J'ai donc juste trouvé le livre ennuyeux et sinistre, avec une forte envie d'arriver vite à la fin, non pas parce que j'en attendais le dénouement avec fébrilité – j'aurais d'ailleurs été déçu ! –, mais simplement pour pouvoir passer à autre chose.

Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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Un polar, un thriller, un roman noir ou d'espionnage... peu importe le qualificatif que vous lui octroierez, il y a un peu ou beaucoup de chacun dans cet ouvrage aux vertus historiques et pédagogiques.
Car sous couvert de destins qui se croisent ( c'est un peu leur raison d'être ( sourire )), l'auteur profite de ces vies dont l'histoire avec une minuscule se heurte à celle avec une majuscule, pour nous "expliquer" l'incroyable imbroglio qui plongea l'Algérie des années quatre-vingt-dix dans une violente et sanglante guerre civile qui fit un nombre de victimes dont les chiffres varient entre 150 et 700 000 morts.
La difficulté dans ce genre de chronique, c'est que s'adressant à des générations différentes, il n'est pas évident de savoir pour certains ce que fut la guerre d'indépendance de l'Algérie, indépendance acquise en 1962 avec les Accords d'Évian, et si presque tout le monde a entendu parler des Pieds Noirs, moindrement des Harkis, il n'est pas simple d'expliquer ce que fut le FLN, l'OAS, qui furent Ben Bella et Boumédiène et ce que devint l'Algérie postcoloniale qui donna naissance à la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix au FIS, au GIA et un "état terroriste".
Vous le savez et si vous l'ignorez, laissez-moi vous rappeler que le pouvoir algérien ayant organisé en décembre 1991 des élections législatives, le FIS ( Front islamique du salut ) parti politique créé en 1989 par des islamistes tels Abbassi Madani, Hachemi Sahnouni, Ali Belhadj, Said Guechi, Adelbaki Sahraoui, et Kamel Guemazi ( que l'on retrouve dans le roman ), se trouve après le premier tour du scrutin sur le point de remporter les élections en question.
L'armée ( au pouvoir depuis l'indépendance ) prend peur, et au prétexte du danger du basculement du pays en un État islamique dont la constitution serait remplacée par la charia, priverait en plus les militaires des fruits de la manne du pétrole et du gaz... les élections sont annulées et le FIS dissout en mars 1992.
Le FIS devenu hors la loi, paria, ses militants traqués, arrêtés, torturés, exécutés, devient une organisation clandestine et "terroriste".
L'armée pour se refaire "la cerise", se donne le beau rôle en se présentant comme le seul rempart à l'islamisme et à sa terreur.
Pour cela il faut qu'elle sème elle-même la terreur, en la faisant endosser par le FIS et le GIA.
Des escadrons de la mort sont créés.
Des camps de concentration "secrets" sont ouverts dans le sud algérien.
Bref, "Au cours de l'année 1997, plus de 350 journalistes de la presse internationale se rendent en Algérie pour comprendre qui tue ? À l'effroi des récits de rescapés, le doute s'immisce quant à la responsabilité de ces massacres .
« Les massacres collectifs de cette année se sont déroulés dans…. Sont-ils l'oeuvre du GIA (groupe islamique armé), d'escadrons de la mort ? Comment expliquer la non-intervention des soldats de l'armée nationale populaire ? Ces doutes ont vite laissé place aux accusations.
Pour les uns, la responsabilité du GIA ne fait aucun doute, ce dernier ayant d'ailleurs revendiqué ces tueries. Pour les autres, le GIA est en fait un “Groupe infiltré armé” qui obéit aux services de l'armée et réalise la “sale guerre” que l'armée nationale se refuse à pratiquer.
Loin d'être un épiphénomène dans la guerre civile (quelques centaines de civils sur plus de 100.000 victimes), les massacres sont révélateurs de la nature de l'État, de l'imaginaire et de la stratégie des protagonistes ."
C'est dans ce contexte que nous faisons la connaissance de Tedj Benlazar, un agent tout cabossé de la DGSE, ancien para qui a survécu à l'attentat de Beyrouth contre l'immeuble Drakkar qui causa la mort de cinquante-huit parachutistes français en 1983, Benlazar qui n'a que des rapports téléphoniques avec sa femme et ses deux filles restées en France.
Avec Rémy Bellevue, son supérieur, surnommé "le Vieux", et qui a toujours un coup d'avance ; ce qui en clair signifie qu'il a compris les rapports consanguins entre l'armée algérienne et le GIA.
Il y a Gh'zala Boutefnouchet, une bellissime étudiante, fiancée à Raouf Bougachiche, un membre du FIS que l'armée a retourné, future belle-soeur de Slimane Bougachiche le frère, militaire devenu une bête à tuer ; Gh'zala dont va passionnément s'éprendre Benlazar.
Il y a Fadoul Bousso, enseignante tchadienne qui a quitté à N'djamena pour vivre avec Rémy Bellevue.
Ces personnages centraux ainsi que les "seconds rôles "sont des visions, des accroches de la question algérienne, du post et du néo-colonialisme des puissances qui rivalisent pour mettre la main sur le continent africain, de la France Afrique, de la place et du rôle des femmes tant en Occident et dans ses démocraties qu'en Afrique et dans ses pays totalitaires.
Benlazar et Bellevue, envers et contre tout vont tenter de prouver à leur hiérarchie ( Mitterrand, Balladur, Pasqua, Chirac...) l'implication de l'armée dans le terrorisme imputé aux seuls islamistes, et tenter de déjouer la guerre prête à s'exporter dans l'hexagone.
Malheureusement, je ne dévoile rien, vous vous souvenez du détournement et de la prise d'otages du vol d'Air France 8969 en décembre 1994, de l'attentat du RER en 1995 et un nom que vous n'avez pas oublié : Khaled Kelkal.
Pour les plus jeunes, je les renvoie au film de Xavier Beauvois - Des hommes et des dieux -, qui raconte l'enlèvement et l'assassinat des moines de Tibhirine en 1996... enlèvement et meurtre dans lequel il est quasiment sûr que GIA et armée algérienne ont oeuvré main dans la main.
C'est dans ce contexte très lourd humainement, politiquement et historiquement que se situe - La guerre est une ruse -.
J'avoue avoir été davantage intéressé par L Histoire avec un grand H que par les histoires des protagonistes peu approfondies, quelquefois tirées par les cheveux d'une nécessité romanesque moins à l'aise dans ce genre que lorsque Frédéric Paulin essaie de démêler les fils politiques du récit et d'offrir une thèse qui fait mieux que tenir la route.
L'écriture est celle d'un bon polar.
L'auteur ne se perd pas dans sa trame.
Les personnages ont de la consistance à défaut d'avoir tous et toujours de la crédibilité.
Cela étant, je ne me suis pas ennuyé une seconde à la lecture du premier tome de cette trilogie... qui a le mérite d'avoir été entreprise... car ce sujet s'il fut notre hier, est encore notre aujourd'hui, et sera inévitablement notre demain.
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Dès les premières pages, on est au jus : un agent français rencontre discrètement l'un de ses « honorables correspondants ». Enfin, discrètement… le commandant algérien a soudain l'impression d'être surveillé. Et, dans les jours qui suivent, les deux hommes disparaissent dans des accidents bien pratiques…

Et dès lors, tout s'enchaîne. Rémy de Bellevue se retrouve rapidement obligé de rentrer à Paris, privant le bureau en Algérie de son immense expérience du terrain et de ses réseaux. Tedj, après avoir dû retourner à Paris, après avoir mis un en danger de ses informateurs, revient à Alger. Et la situation continue à se dégrader.

Ce qui est impressionnant, dans ce livre, c'est à la fois la description assez « clinique » de la situation, des intrigues des services, de la concurrence entre les agents – on ne peut pas dire que la bienveillance soit vraiment de mise ! -, associée à une atmosphère très étouffante, autant du fait du climat que de l'angoisse de la population.

Ce qui est très malin, également, c'est la façon qu'a Frédéric Paulin de mêler la grande Histoire – les événements en Algérie, la montée du FIS et ses conséquences, la politique en France et son influence en Afrique… – avec l'histoire individuelle de ses acteurs. Ici, le roman nous fait partager la vie de Rémy de Bellevue, et celle de Tedz Benlazar, en particulier. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ce sont de sacrés personnages !

On suit également de nombreux autres personnages, des agents algériens, des agents français, de simples citoyens de chaque côté de la Méditerranée, broyés par un système…

Il y a un seul point, dans la construction, auquel je n'ai pas totalement adhéré. Par moments, alors que la narration passe d'un personnage à un autre, on se retrouve avec des retours en arrière dont on ne voit pas forcément la nécessité. Mais cela reste un épi-phénomène, même si, à au moins deux reprises, j'ai relu quelques pages déjà passées pour vérifier qu'il n'y avait pas confusion.

Une vraie histoire de barbouzes, sérieux, informé, et qui nous renvoie à des événements que – pour les plus de 35 ans, encore – nous n'avions probablement pas compris pour ce qu'ils étaient…
Lien : https://ogrimoire.com/2019/0..
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Zoom sur Frédéric Paulin en ce vendredi matin toujours confiné. A 48 ans, et après avoir changé de vie et tombé dans l'écriture voilà une quinzaine d'années, ce grand nom du polar récompensé par le prix des lecteurs Quais du polar – 20 Minutes, a changé de braquet il y a trois ans avec une formidable trilogie, qui marche dans les pas de James Ellroy .
Son roman," La Guerre est une ruse", disponible désormais en poche chez Folio ( juste avant que les librairies ne ferment) constitue le premier volet d'une trilogie replonge les lecteurs dans la « sale guerre » que l'Algérie a livrée au terrorisme islamiste au début des années 1990.
Frédéric Paulin nous offre une fresque d'une densité remarquable sur l'Algérie du début des années 90 quand le monde bascula dans le terrorisme et l'intégrisme.
Assurément politique - pour Paulin comme il l'a dit dans une longue interview à Libération, le roman noir doit être engagé et ne pas parler d'histoires de sérial killer, ce premier volet tient pas mal roman d'espionnage, dressant le portrait d'une Algérie meurtrie et rongée de l'intérieur.

Dans un style très documenté, factuel, à l'os, Paulin plonge ses lecteurs dans ce qu'on appelé " la sale guerre", celle que l'Algérie et son gouvernement plus que contestable livrait au terrorisme islamiste il y a désormais trente ans et qui selon Paulin aura amené les tragiques attentats des décennies postérieures, de celle du 11 septembre 2001 à celle du 13 novembre 2015.

"Les flics, les historiens, les journalistes et tous ceux qui écrivent l'histoire officielle retiendront que le 11 juillet 1995 la folie algérienne a traversé ‘‘la mer blanche du milieu''

Paulin, loin des livres d'histoire où les héros sont glorifiés préfèrent parler des politiciens, magistrats ou de policiers plus corrompus encore que les criminels .

L'auteur au physique de baroudeur ( et aux faux airs du chanteur un peu oublié Dominique Dalcan) livre une vision assez sombre des histoires nationales, en restant dans le domaine de la fiction , mais toujours très proche de la réalité des faits, Paulin s'appuyant sur une base documentaire particulièrement solide.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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critiques presse (1)
LeMonde
21 septembre 2018
La guerre est une ruse est la chronique des années de plomb algériennes. Un retour à la décennie sanglante, matrice, selon l’auteur, du terrorisme qui continue à frapper aujourd’hui. Très documenté, mettant en scène personnages imaginaires et historiques, le roman est solidement ancré dans la réalité.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (54) Voir plus Ajouter une citation
Benlazar observe ses supérieurs en essayant d’ouvrir son œil poché.
– Alors, ça y est : vous croyez que ça peut péter en France, c’est ça ?
L’idée lui paraît irréelle. Mais le visage de Bellevue ne laisse pas de doute.
– Tu n’as pas idée de ce à quoi on se prépare, Tedj.
– Enfin, disons que tous les scénarii sont envisagés, précise Chevallier dont le regard s’est troublé. Rien n’est certain et pour l’instant, messieurs, la position officielle est que la crise algérienne est bien un problème algéro-algérien, comme vous dites, commandant.
Bellevue referme lentement le dossier. Il avale sa salive comme si les mots à venir lui faisaient mal à la gorge.
– Il nous faut des preuves qui confirment ou infirment l’hypothèse que le pouvoir algérien pourrait avaliser cette traversée de la Méditerranée, tu vois ?
Chevallier transpire-t-il un peu face à ce qui se raconte devant lui ? A-t-il le sentiment qu’il va à l’encontre de la position officielle ?
Benlazar accepte de retourner en Algérie, d’essayer de trouver ces preuves, mais il a du mal à avaler que ses chefs, ces aveugles au milieu du champ de bataille, l’envoient au casse-pipe aussi facilement.
– Vous allez croire que je suis la proie des idées fixes, mais en ce qui concerne la double tentative de meurtre qui nous a visés, le commandant et moi, on en reste donc là ? Je vois. Que quelqu’un ait sans doute flingué Stein, essayé de t’avoir dans le parking de ta résidence et tenté de me descendre dans la Casbah, ça ne pose aucun problème ? Que ce quelqu’un soit peut-être la sécurité militaire ou le DRS, ça ne dérange personne, ici ou plus haut, à l’Élysée, par exemple ?
Bellevue et Chevallier fixent leur subordonné comme s’ils attendaient la fin d’une bonne blague.
– Deux ressortissants français se font tuer, on cible des agents de la DGSE, et on continue comme avant ? – On vous a dit ce que l’on savait, lieutenant, lâche le colonel en se dirigeant vers la sortie. Le DRS et la sécurité intérieure ne sont pas responsables de ces agressions. Pour nous, c’étaient de petits voyous, rien d’autre.
Benlazar éclate de rire. Ça ne plaît pas à Chevallier.
– Faites pas trop chier, parce que vous êtes sur la corde raide.
Il toise les deux hommes, le regard sombre.
– On est tous sur la corde raide, apparemment.
Il disparaît dans le couloir.
Lorsqu’ils sont seuls, Bellevue se lève de son fauteuil.
– Disons qu’ici et plus haut, à l’Élysée, par exemple, on n’a pas franchement la main. Ou plutôt que la main que l’on a, ce n’est pas vraiment une quinte flush et qu’on n’a pas envie de se retrouver à poil, tu vois ? Je veux dire : on ne sait pas qui a voulu nous descendre et c’est l’un des risques de notre métier.
Benlazar voit : la France, cette grande puissance diplomatique, laisse ses agents se faire flinguer et ça fait partie du jeu. Mais s’il regarde au fond de lui, l’affaiblissement de la puissance française n’a pas de prise sur lui : oui, il va risquer sa vie en retournant en Algérie, oui, ses chefs sont loin de maîtriser la situation. Mais il voit seulement le soleil au-dessus de Blida, le kiosque de la place Toute, le marché couvert de Placet Laârab… Il hume déjà le parfum des rosiers qui fleurissent la ville, des citronniers et du chèvrefeuille. Il a hâte.
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À l’ombre des murs de l’université, Djaber attend encore quelques minutes en jetant discrètement des regards alentour, dissimulé derrière ses lunettes noires. C’est inutile, sans doute, parce que les hommes de la sécurité militaire sont bien entraînés et savent disparaître dans la foule.
Il traverse la rue et vient s’asseoir à la table voisine de celle de Stein en espérant que la chance sera avec lui.
Les deux hommes ne se regardent pas. Comme d’habitude.
– Bonjour, commandant, dit le Français sans lever les yeux de son journal.
Djaber commande un café. Lui, il n’aime pas le lekhchef : l’eau de rose, la fleur d’oranger, la cannelle… tout ça dans une seule boisson, c’est trop d’Algérie. Trop de clichés algériens pour le commandant Djaber.
Lorsque le garçon dépose la tasse devant lui, il paye immédiatement.
– Vous avez quoi pour moi, commandant ? fait Stein, une fois qu’ils sont seuls.
La main devant sa bouche, Djaber continue de lancer des coups d’œil inutiles à droite et à gauche, derrière ses verres fumés.
– Bon, voilà : les généraux veulent mettre sur pied une action d’infiltration massive des maquis.
Stein note sur son journal, à la page des mots croisés, ce que vient de lui dire son honorable correspondant.
– Les généraux, qui exactement ?
– Smaïl, Médiène, Nezzar et d’autres encore, les janviéristes, quoi. Ils espèrent délégitimer les islamistes du FIS.
Stein a un rapide rictus, il passe une main dans ses cheveux blonds.
– Je ne comprends pas : comment ça, délégitimer les islamistes ?
– Ils veulent placer des hommes à eux au sein même des maquis pour que leurs crimes salissent le FIS et tous les islamistes.
Stein se racle la gorge, visiblement mal à l’aise.
– Vous dites que les généraux veulent commettre des assassinats en les faisant passer pour ceux du FIS ou de l’AIS ? Vous avez des preuves ?
– On m’a demandé d’établir un liste de personnalités de la société civile à éliminer. Une liste destinée à être transmise aux islamistes, sans que ceux-ci sachent que nous l’avons établie.
Le Français cesse d’écrire et ne peut s’empêcher de tourner les yeux vers le commandant Djaber.
– Arrêtez ça tout de suite, intime Djaber sans lever le ton. Vous voulez qu’on me repère ou quoi ?
Stein se penche à nouveau sur ses mots croisés, repousse son verre.
– Franchement, commandant, vos chefs ne sont pas des anges, je veux bien l’admettre. Mais de là à jouer aux docteurs Frankenstein…
Il sourit. Ce con de Français sourit.
Soudain, un éclair passe dans son champ de vision. Djaber ne tourne pas la tête mais il a le temps d’apercevoir un homme à l’arrière d’une voiture bleue garée non loin du café, qui utilise une longue-vue ou un appareil photo. Putain ! quelqu’un le file.
– Je vous laisse, murmure-t-il en se levant.
– Qu’est-ce qui se passe, commandant ? répond l’autre, sans élever la voix et sans cesser de remplir sa grille de mots croisés.
– C’est moi qui vous recontacterai.
– Il me faut des preuves, commandant, sinon jamais mes chefs…
Djebar quitte la terrasse sans écouter. Il ne se demande plus si la France est capable de sauver l’Algérie, il se demande seulement combien il lui reste, lui, à vivre.
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Ça fait trois jours que Chokri Saïdi-Sief s’est engagé sur la Transsaharienne à Médéa. Trois jours qu’il n’a plus donné signe de vie.
Tedj Benlazar s’est retenu de se rendre chez lui et d’interroger sa femme. Ce n’est pas dans le protocole, les agents de la DGSE doivent éviter autant que possible de mouiller les familles de leurs correspondants. Benlazar se tient à cette règle : les rencontres ont lieu dans des endroits neutres et discrets, dans des bars ou des parkings, tard le soir. Comme il n’est pas sous couverture, à l’instar de certains officiers de la DGSE, et qu’il travaille ouvertement avec le DRS et les services de sécurité algériens, il doit prendre beaucoup de précautions pour rencontrer ses indics.
Le week-end a passé. Le lieutenant Benlazar doit se rendre à Haouch-Chnou, comme chaque début de semaine. Suivre le protocole, quoi… Le lundi matin, il s’entretient avec Djebbar et Allouache. C’est en général follement passionnant : ils parlent de la pluie et du beau temps, de tout et de rien. De rien, surtout. On lui donnera quelques chiffres, peut-être un ou deux compte-rendus inutiles qu’il rapportera à l’ambassade à Alger. À l’ambassade, Bellevue haussera les épaules et remettra ces documents à l’une des secrétaires en demandant qu’on les classifie. Classifier ou foutre à la poubelle, c’est souvent pareil.
Le téléphone sonne.
– Lieutenant, faut m’aider !
Quelque chose dans la voix de Chokri tord les intestins de Benlazar, peut-être ce quelque chose qu’il a croisé dans son regard lorsqu’il s’est lancé à la poursuite du prisonnier et du colonel aux lunettes d’or.
– Tu es où ?
– Sur la route de Tamanrasset.
Le silence qui suit lui tord encore plus les entrailles.
– Chokri ?
– Faut que je vous laisse, lieutenant…
– Chokri, le prisonnier, ils l’ont emmené à Aïn M’guel avec les barbus du FIS ?
– Oui, mais je crois que…
– Tu as vu le camp, Chokri ?
Et la tonalité sonne occupé.
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La Casbah baisse la tête.
Elle n’est plus aussi bruyante qu’autrefois.
La vie continue, mais quelque chose dans le regard des gens, dans leur voix reste retenu, gardé pour plus tard. Quelque chose a changé, oui : ici, comme partout à Alger, les couleurs ne sont plus aussi gaies, le bleu du ciel est moins azur et le blanc des maisons chaulées, plus terne.
Les soldats patrouillent dans le dédale des ruelles, mais tout le monde sait que les intégristes sont tapis dans l’ombre de la douzaine de mosquées. Eux, ils se sont souvenus de l’Histoire, du FLN qui avait fait de la Casbah, la « forteresse », leur base à l’intérieur d’Alger. Le labyrinthe de rues étroites et tortueuses n’est d’ailleurs pas le principal atout du quartier : en sautant de toits en terrasses, il est possible de rallier la Haute Casbah et la Basse Casbah sans poser les pieds au sol. Ça, les habitants le savent, les flics et les soldats semblent l’avoir oublié.
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L'Algérie est riche. Nonobstant la terrible crise économique qui y sévit et la quasi tutelle du FMI, l'Algérie est très, très riche. Dans le Sahara se trouvent les troisièmes réserves de pétrole d'Afrique et le tiers de son gaz. L'Algérie est un coffre-fort ouvert dans lequel puisent les généraux et les ministres depuis longtemps.
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Vidéo de Frédéric Paulin
Après l'Algérie des années 90 dans la trilogie Benlazar, Frédéric Paulin revient dans La Nuit tombée sur nos âmes sur les événements qui ont accompagné le sommet du G8 à Gênes en 2001. Plus de 500 000 manifestants s'étaient réunis contre la mondialisation sauvage. Malheureusement, les violences policières firent aussi un mort, blessant et torturant de nombreux participants. Frédéric Paulin nous offre un roman noir, comme une leçon d'Histoire, au coeur d'un événement fondateur.
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