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Critique de cedratier


« LE BEL ÉTÉ » Cesare Pavese (Poche, 440 pages).
(Cesare Pavese, 1908-1950, traducteur d’auteurs anglais, enseigne la littérature anglaise à Turin, s’inscrit au parti fasciste en 1932, en est exclu à 1935, exilé pour quelques mois en Calabre ; après la guerre, s’inscrit au PCI, et se suicide en 1950).
Lu dans la première édition française de 1955, c'est un petit pavé qui rassemble selon le vœu de l’auteur trois romans écrits entre 1940 et 1949.
Le premier, « le bel été » nous raconte l’entrée en vie adulte de Ginia, jeune fille assez pauvre de 16 ans. Elle est en appétit de vie et d’amour, suit une amie plus âgée qui, posant nue pour des peintres, l’introduit dans ce milieu. Elle tombe amoureuse d’un peintre, Guido, qui la traite avec légèreté. Elle y perdra ses illusions.
Dans le second, « le diable sur les collines », Pavese emboîte le pas de trois jeunes hommes, étudiants de condition plus ou moins modeste, pendant un été. Par la bouche de l’un d’entre eux, nous les suivons entre sorties nocturnes à Turin, vacances « farniente » dans la famille paysanne de l’un d’entre eux, avant qu’ils ne s’installent chez un de leur ami, riche jeune homme dévoyé, qui cohabite séparément avec sa jeune femme, belle et libre de son corps. Le rythme est lent, on s’imprègne d’un parfum campagnard, parfois on a l’impression de longueurs ou d’immobilisme du texte, avant que le nœud se noue de manière plus complexe entre les amis, à la lumière de leurs désirs, des jeux plus ou moins dangereux de certains d’entre eux, au point qu’on en attend un dénouement dramatique. Mais c’est surtout d’une « insoutenable lourdeur de l’être » dont il s’agit ici, glacée, comme un périple dangereux dans un tunnel sans issue.
Dans le troisième, « entre femmes seules », Clélia, la narratrice, raconte son retour à Turin, où elle vient superviser, dans le quartier même où elle vécut une enfance pauvre, les derniers travaux d’installation d’une boutique de mode commandée par sa riche patronne romaine. Elle retrouve des connaissances, noue de nouveaux contacts avec des femmes et des hommes de la moyenne bourgeoisie désœuvrée. Témoin d’une tentative de suicide par empoisonnement d’une jeune femme aisée qui ne trouve pas de sens à sa vie, elle va l’accompagner dans ses sorties. Les dialogues plus ou moins futiles entre femmes ou avec des prétendants alternent avec les beuveries, les coucheries (plus suggérées que décrites), on croise un monde interlope, une sorte de société qui s’effondre (écrit en 1949, on se croirait pourtant plus dans un avant-guerre crépusculaire et désespéré que dans un après-guerre prometteur).
Le point commun entre ces trois courts romans c’est un pessimisme ambiant, une couleur grise qui nimbe les textes. Malgré une écriture le plus souvent assez vive et simple (mais que vaut la traduction, je ne sais pas), le temps s’étire dans ces histoires pleines de vides (mais c’est justement là le sujet), et j’ai eu parfois la sensation de m’enliser dans la lecture. Cesare Pavese dresse un portrait sans complaisance de cette micro-société, parsemant ici ou là ses textes de sentences éloquentes. Et l’on se dit que ce petit milieu tout boursouflé et fermé sur lui-même de l’immédiat après-guerre en Italie ressemble à s’y méprendre, par sa fatuité, à une certaine bourgeoisie commune à bien des pays aujourd’hui. Un assez bon livre, qui m’a intéressé sans m’enthousiasmer.
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