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Critique de Darkcook


Une symphonie stylistique de répétitions et d'abstractions dans la descente dans la folie du narrateur, et une enquête palpitante, voila ce que combine, comme d'habitude, ce roman de David Peace... Mais comme la plupart du temps, il sacrifie l'enquête lorsque le narrateur bascule vraiment, et c'est plus que jamais frustrant ici, alors que j'adhérais totalement au trip textuel et à l'intrigue!

J'ai longtemps repoussé la lecture de ce roman-là, mal noté sur Babelio, et qui me semblait moins délirant sur le plan de l'écriture... J'avais complètement tort sur ce dernier point, et sur 90% de Tokyo année zéro, je me suis ré-ga-lé des constructions phrastiques, des passages complètement hallucinés et répétitifs, en m'attachant à ce cher Inspecteur Minami, qui s'incline et qui s'excuse...

Mais le dernier chapitre fait tout sauter. Alors qu'on est depuis le début dans une intrigue similaire à celle de la tétralogie du Yorkshire de Peace (le tueur en série qui a réellement existé, Kodaira Yoshio, s'en prend aux jeunes femmes sous le climat apocalyptique du Japon post-bombes atomiques) et que comme dans cette saga, le doute est permis sur l'existence d'un autre ou d'autres tueurs, voire de possibles accidents... Peace se fiche de la résolution et nous offre une fin déliquescente à la Lewis Carroll où on ne sait plus du tout quoi penser FRUSTRATION. On est tellement happé par l'enquête, que forcément, on est déçu...

Alors certes, Peace dira s'attacher plus à la peinture d'une folie causée par l'horreur d'une époque, à la conception d'une écriture géniale descendante de Joyce, Faulkner et Beckett (et le roman accumule les passages grandioses grâce à elle, le début très fort, les voyages en train, la campagne, les errances de Minami dans Tokyo, le quotidien cyclique à la Un jour sans fin...) mais bon sang, ce serait bien qu'une fois de temps en temps, il évite de faire de l'anti-roman policier, de l'anti-Agatha Christie, et qu'il donne quelques réponses aux questions qu'il pose! Sinon, qu'il ne fasse plus du polar, mais purement du roman sur la folie à la Dostoïevski, et cela évitera les déceptions finales! Il atteint des sommets d'écriture ici, et ma déception sur le manque de résolution claire n'en est que proportionnelle...

Reste que le propos est évidemment passionnant. Le Japon post-1945 tient à coeur à l'auteur, et le dénuement absolu dans lequel se déroulent les investigations est tout bonnement stupéfiant, rappelant d'autres territoires aujourd'hui. Le pays n'est plus que ruines, on est au milieu d'un enfer beckettien dont la mort serait une délivrance, où l'occupant américain fait absolument ce qu'il veut, et où les japonais si fiers n'ont plus qu'à se soumettre et mourir, tout en perdant toute raison... L'idée des identités factices et provisoires est géniale, et ajoute au cauchemar généralisé (et bien évidemment à celui de Minami), à cette fresque de morts-vivants sans nom trébuchant sur leurs répétitions et humiliations...
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