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Critique de Alfaric


Les éditions Dupuis sortent dans leur prestigieuse collection Aire Libre dédiée aux « romans graphiques » les 232 pages du tome 1 de "L'Âge d'Or" qui bénéficie d'un gros tirage et d'une bonne couverture médiatique (avec par exemple une prépublication estivale en partenariat avec France Inter). Pourtant, et cela arrive de temps en temps, j'ai le plus grand mal à me positionner : d'un côté on a une avalanche de critiques presse dithyrambiques assez suspectes qui parlent d'un chef-d’œuvre incontournable en des termes trop semblables pour ne avoir été piochés dans une interview promotionnelle voire un communiqué éditorial, d'un autre côté le résultat de Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil est impressionnant de travail et de talent ici mis au service d'un projet frais qui respire la bonne volonté et la bonne humeur...
Entre crépuscule du Moyen-Âge et aube de la Renaissance c'est après une longue fin de règne qu'on assiste à un « le vieux roi Rohan est mort, donc vive la jeune reine Tilda ! »... Sauf que Tilda est prématurément victime d'un énième game of thrones (attention un traître peut ne cacher un autre, puis un autre, et encore un autre), et elle échappe à l'exil pour se retrouver en cavale avec Tankred le vieux chevalier idéaliste d'origine nobiliaire et Bertil le jeune page pragmatique d'origine roturière. Ils partent tous ensemble vers la Péninsule retrouver le Seigneur Alabaret, fidèle parmi les fidèles de son père qui devait lui confier un important secret. La Forêt d'Aumale, le Phalanstère des moniales féministes, le manoir déserté d'Albaret, le Grand Soir de la Cité d'Ohman : on suit donc le schéma archétypal de la Quête du Héros aux mille et un visages, et la Team Tilda parcourt le royaume pour découvrir que ce n'est pas une révolte mais la révolution (et tout le monde est à la recherche d'un fabuleux trésor pour conquérir le pouvoir, le conserver ou le retrouver)... Qui est Abigaëlle l’abbesse anarchiste ? Qui est Hellier le Tabellion l'âme de la révolution ? Pourquoi Bertil et Tankred s’éloignent-ils l'un de l'autre alors que les événements font rejoindre leurs idéaux ? Pourquoi Tilda victime de visions, de transes et de stigmates renonce-t-elle à ses idées de changements et de réformes pour adopter le conservatisme de ceux qui lui ont tout prix ? Quelle est cette légende de l'Âge d'Or qui parle d'une époque où tous les homme étaient égaux et où il n'y avait ni serviteurs ni seigneurs, ni exploités ni exploiteurs ? Et quelle est cette Boîte de Pandore qui suscite le toutes les convoitises des homines crevarices : voudraient-ils s'emparer de l'Espoir pour tous nous amener et dans les ténèbres nous lier ??? L'utopie est à portée mains ou définitivement illusoire donc la suite et la fin de ce diptyque peut finir en apothéose ou en eau de boudin (et j'espère que les prescripteurs d'opinion ne vont pas l'utiliser pour opposer « romans graphiques » et BDs qui ne sont que pour les teubés)

Cyril Pedrosa abandonne donc les autofictions si chères aux « romans graphiques » et avec Roxanne Moreil ils racontent tous deux une véritable histoire de 500 pages découpée en deux parties : nous sommes dans un anti conte de fées car c'est dans une ambiance fantastico-onirique nous projetant dans les univers de Charles Perrault qu'il réalise un pur conte politique qui a été pensé durant la campagne présidentielle de 2017 (qui vit la victoire du président des riches Emmanuel Macron autoproclamé successeur de cette sorcière de Margaret Thatcher).
Du coup je ne sais pas si ce sont les auteurs, les éditeurs ou les critiques presse qui sont un peu naïfs :
- un moyen-âge de fantaisie, ça s'appelle de la Fantasy ^^
- il n'y a rien d'extraordinaire à s'inspirer du Moyen-Âge réel pour créer un Moyen-Âge fictif
- si tu veux éviter les hommes providentiels, évite de centrer ton histoire sur une princesse rebelle ^^
- le women's lib ne date quand même pas d'hier en bande dessinée, même s'il été bien trop long à se dessiner (et qu'il est toujours à développer parmi la profession, n'est-ce pas messieurs les éditeurs)
- la critique sociale et le côté antisystème, c'est ce que je vous indique dans tous genres et tous les médias possibles et imaginables depuis des années et des années donc rien de neuf sous le soleil...
- on suit des schémas très classiques (roman médiéval, conte de fée, récit d'apprentissage), et force est de constater qu'on reprend toutes les péripéties du cape et épée qui fit les beaux jours du cinéma populaire au XXe siècle et qui fit les beaux jours du roman-feuilleton populaire au XIXe siècle
- on s'éclate visuellement à mélanger des codes du Moyen-Âge (tapisseries, livres d'heures, tableaux de maîtres) à des méthodes résolument modernes pour aboutir à des couleurs absolument superbes, des doubles planches à profusion, et des personnages qui évoluent non de cases en cases mais à l'intérieur de cases... mais avec des personnages graphiquement simples / basiques cela ressemble parfois à un album de "Où est Charlie" ? ^^

1 question pour les amateurs de bandes dessinées : pourquoi faire évoluer des personnages aussi «  moches » dans des dessins aussi beaux mis en valeur par un découpage aussi audacieux que fluide (ah ça on sent une fois de plus un ancien de l’École des Gobelins ^^) ? Je ne suis pas pour le glamour hollywoodien où le moindre personnage semble sortir d'une écurie de top modèles, mais maintenant j'ai l'impression que plus un dessinateur a du talent et plus il fait dans le charadesign minimaliste...
1 question pour les auteurs : pourquoi avoir commencé le récit par un détournement médiéval des Pieds Nickelés ? Ces Pieds Nickelés reviennent dans le récit pour ce qui semble être un interlude : qu'avez voulu faire avec eux, ou quels message avez-vous voulu faire passer avec eux ?
1 question pour l'éditeur : puisqu'on commence par une sextuple planche, vu le prix de l'album pourquoi ne pas l'avoir mise sous forme de poster ?

Je laisse tous les bénéfices du doute aux auteurs car en tournant les pages défilait dans ma tête le film auxquels ils ont déjà dû penser et qu'a rappelé aux plus belles et plus grandes heures de l'animation européenne héritière de Paul Grimault... L'animation française est la 3e au monde et elle dispose de tous les talents nécessaires pour devenir la 1ère en quantité comme en qualité, sauf que comme nous autres elle a les dirigeants qu'elle ne mérite pas !
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