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L'âge d'or tome 1 sur 2
EAN : 9791034730353
232 pages
Dupuis (07/09/2018)
4.14/5   829 notes
Résumé :
Le vieux roi est mort. Sa fille Tilda s'apprête à lui succéder, bien décidée à mener les réformes nécessaires pour soulager son peuple, accablé par la famine et l'oppression des seigneurs de la cours.
Mais un complot mené par son jeune frère la condamne brusquement à l'exil.
Avec le soutien de preux chevaliers, le sage Tankred et le loyal Bertil, la princesse déchue décide de reconquérir son royaume. Commence alors pour eux un périple aventureux au cou... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (127) Voir plus Ajouter une critique
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Magnifique volume pour une bande dessinée fortement influencée par les contes et légendes médiévaux.
Au château d'Antrevers, le roi est mort. Sa fille Tilda lui succède et s'attelle aux affaires du royaume dans un esprit de réforme. Mais un complot familial, ourdit par le régent et sa propre mère, décide de la chasser du trône au profit de son petit frère.
La princesse réussit toutefois à s'enfuir avec l'aide de des deux derniers fidèles, Tankred, un chevalier pourtant exilé par son père et Bertil, le page qui lui suggérait d'alléger les souffrances du peuple.
Le trio erre ensuite à travers le royaume pour rejoindre les terres du baron Albaret, soutien indéfectible de l'ancien roi. En chemin, les fugitifs sont exposés à de nombreux dangers et font d'étranges rencontres, notamment ce monastère de moniales qui semble cacher un mystérieux secret ou cette ville d'Ohman, proche de la révolte populaire. Et à chaque fois cette mention d'un âge d'or, celui où les hommes étaient égaux et que certains esprits plus ou moins sincères voudraient retrouver.
Et que penser de ce trésor qui pourrait permettre à la princesse Tilda de récupérer son trône.
A travers cette histoire qui rappelle les récits écrits au Moyen-âge, celle d'une quête qui, en vérité, est un apprentissage de la vie, de ses malheurs, de ses espoirs et de ses trahisons. C'est le passage à l'âge adulte de la princesse qui s'opère sous nos yeux.
De jeune fille joyeuse et sincèrement réformatrice, les épreuves en font un personnage plus dur, mais aussi moins sympathique à la fin de ce premier tome. Ne commencerait-elle pas à devenir comme ceux qui la pourchassent ?
Le page Bertil évolue aussi en cours d'histoire. A l'inverse de sa maîtresse, ses idéaux révolutionnaires se renforcent, différentes rencontres le force à faire le terrible choix entre ses idées et ses amis. Seul Tankred, est un véritable roc, pour qui la fidélité à Tilda ne semble pas se discuter.
Le scénario de Roxanne Moreil s'étale sur près de 230 pages mais il est particulièrement riche en rebondissements et en situation intrigantes.
Les thématiques abordées sont tout autant modernes que médiévales. La quête du pouvoir, un passé fantasmé, les intérêts personnels contre l'intérêt général, la situation des femmes dans un monde jusque là dominé par les hommes, etc.
La taille de l'album nous fait craindre des langueurs mais il n'en est rien, on est toujours intéressé, intrigué, interrogé par quelque chose.
Et si la lecture est à ce point fluide c'est aussi grâce aux magnifiques dessins de Cyril Pedrosa. Dès les premières planches on est frappé par ces ambiances forestières influencées fortement par les tapisseries médiévales ou Renaissance. Ensuite, il faut, il est vrai un certain temps d'adaptation. Tout le monde ne sera peut-être pas sensible à ce graphisme.
Mais les décors, les couleurs, les ambiances sont incroyablement immersives et inspirées. On est très loin du dessin réaliste, plutôt dans un mélange entre ligne claire et miniatures médiévales. Les bois, les paysages, les villes, les châteaux sont incroyables. On peut rester sur un planche ou sur l'une des magnifiques doubles planches, plusieurs minutes à contempler le dessin ou à rechercher les acteurs du drame.
En revanche, les personnages, c'est à la fois dans la continuité et l'un des points faibles. Dans la continuité, parce qu'ils sont représentés comme les décors. Quand ce sont des plans d'ensemble ou de demi-ensemble, c'est très réussi et cela conforte l'ambiance générale. En revanche, en plan rapproché ou en gros plans, on est un peu moins enthousiaste. En tout cas au début. Ensuite on s'habitue.
Un beau moment de lecture, une immersion dans une version moderne de contes classiques. Une première partie qui se termine sur une situation de suspense. Que va-t-il arriver à la princesse Tilda et quid de ce fameux trésor ? La lecture de la suite s'avère imminente !
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Les éditions Dupuis sortent dans leur prestigieuse collection Aire Libre dédiée aux « romans graphiques » les 232 pages du tome 1 de "L'Âge d'Or" qui bénéficie d'un gros tirage et d'une bonne couverture médiatique (avec par exemple une prépublication estivale en partenariat avec France Inter). Pourtant, et cela arrive de temps en temps, j'ai le plus grand mal à me positionner : d'un côté on a une avalanche de critiques presse dithyrambiques assez suspectes qui parlent d'un chef-d’œuvre incontournable en des termes trop semblables pour ne avoir été piochés dans une interview promotionnelle voire un communiqué éditorial, d'un autre côté le résultat de Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil est impressionnant de travail et de talent ici mis au service d'un projet frais qui respire la bonne volonté et la bonne humeur...
Entre crépuscule du Moyen-Âge et aube de la Renaissance c'est après une longue fin de règne qu'on assiste à un « le vieux roi Rohan est mort, donc vive la jeune reine Tilda ! »... Sauf que Tilda est prématurément victime d'un énième game of thrones (attention un traître peut ne cacher un autre, puis un autre, et encore un autre), et elle échappe à l'exil pour se retrouver en cavale avec Tankred le vieux chevalier idéaliste d'origine nobiliaire et Bertil le jeune page pragmatique d'origine roturière. Ils partent tous ensemble vers la Péninsule retrouver le Seigneur Alabaret, fidèle parmi les fidèles de son père qui devait lui confier un important secret. La Forêt d'Aumale, le Phalanstère des moniales féministes, le manoir déserté d'Albaret, le Grand Soir de la Cité d'Ohman : on suit donc le schéma archétypal de la Quête du Héros aux mille et un visages, et la Team Tilda parcourt le royaume pour découvrir que ce n'est pas une révolte mais la révolution (et tout le monde est à la recherche d'un fabuleux trésor pour conquérir le pouvoir, le conserver ou le retrouver)... Qui est Abigaëlle l’abbesse anarchiste ? Qui est Hellier le Tabellion l'âme de la révolution ? Pourquoi Bertil et Tankred s’éloignent-ils l'un de l'autre alors que les événements font rejoindre leurs idéaux ? Pourquoi Tilda victime de visions, de transes et de stigmates renonce-t-elle à ses idées de changements et de réformes pour adopter le conservatisme de ceux qui lui ont tout prix ? Quelle est cette légende de l'Âge d'Or qui parle d'une époque où tous les homme étaient égaux et où il n'y avait ni serviteurs ni seigneurs, ni exploités ni exploiteurs ? Et quelle est cette Boîte de Pandore qui suscite le toutes les convoitises des homines crevarices : voudraient-ils s'emparer de l'Espoir pour tous nous amener et dans les ténèbres nous lier ??? L'utopie est à portée mains ou définitivement illusoire donc la suite et la fin de ce diptyque peut finir en apothéose ou en eau de boudin (et j'espère que les prescripteurs d'opinion ne vont pas l'utiliser pour opposer « romans graphiques » et BDs qui ne sont que pour les teubés)

Cyril Pedrosa abandonne donc les autofictions si chères aux « romans graphiques » et avec Roxanne Moreil ils racontent tous deux une véritable histoire de 500 pages découpée en deux parties : nous sommes dans un anti conte de fées car c'est dans une ambiance fantastico-onirique nous projetant dans les univers de Charles Perrault qu'il réalise un pur conte politique qui a été pensé durant la campagne présidentielle de 2017 (qui vit la victoire du président des riches Emmanuel Macron autoproclamé successeur de cette sorcière de Margaret Thatcher).
Du coup je ne sais pas si ce sont les auteurs, les éditeurs ou les critiques presse qui sont un peu naïfs :
- un moyen-âge de fantaisie, ça s'appelle de la Fantasy ^^
- il n'y a rien d'extraordinaire à s'inspirer du Moyen-Âge réel pour créer un Moyen-Âge fictif
- si tu veux éviter les hommes providentiels, évite de centrer ton histoire sur une princesse rebelle ^^
- le women's lib ne date quand même pas d'hier en bande dessinée, même s'il été bien trop long à se dessiner (et qu'il est toujours à développer parmi la profession, n'est-ce pas messieurs les éditeurs)
- la critique sociale et le côté antisystème, c'est ce que je vous indique dans tous genres et tous les médias possibles et imaginables depuis des années et des années donc rien de neuf sous le soleil...
- on suit des schémas très classiques (roman médiéval, conte de fée, récit d'apprentissage), et force est de constater qu'on reprend toutes les péripéties du cape et épée qui fit les beaux jours du cinéma populaire au XXe siècle et qui fit les beaux jours du roman-feuilleton populaire au XIXe siècle
- on s'éclate visuellement à mélanger des codes du Moyen-Âge (tapisseries, livres d'heures, tableaux de maîtres) à des méthodes résolument modernes pour aboutir à des couleurs absolument superbes, des doubles planches à profusion, et des personnages qui évoluent non de cases en cases mais à l'intérieur de cases... mais avec des personnages graphiquement simples / basiques cela ressemble parfois à un album de "Où est Charlie" ? ^^

1 question pour les amateurs de bandes dessinées : pourquoi faire évoluer des personnages aussi «  moches » dans des dessins aussi beaux mis en valeur par un découpage aussi audacieux que fluide (ah ça on sent une fois de plus un ancien de l’École des Gobelins ^^) ? Je ne suis pas pour le glamour hollywoodien où le moindre personnage semble sortir d'une écurie de top modèles, mais maintenant j'ai l'impression que plus un dessinateur a du talent et plus il fait dans le charadesign minimaliste...
1 question pour les auteurs : pourquoi avoir commencé le récit par un détournement médiéval des Pieds Nickelés ? Ces Pieds Nickelés reviennent dans le récit pour ce qui semble être un interlude : qu'avez voulu faire avec eux, ou quels message avez-vous voulu faire passer avec eux ?
1 question pour l'éditeur : puisqu'on commence par une sextuple planche, vu le prix de l'album pourquoi ne pas l'avoir mise sous forme de poster ?

Je laisse tous les bénéfices du doute aux auteurs car en tournant les pages défilait dans ma tête le film auxquels ils ont déjà dû penser et qu'a rappelé aux plus belles et plus grandes heures de l'animation européenne héritière de Paul Grimault... L'animation française est la 3e au monde et elle dispose de tous les talents nécessaires pour devenir la 1ère en quantité comme en qualité, sauf que comme nous autres elle a les dirigeants qu'elle ne mérite pas !
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« Le Roi est mort, vive le Roi ! » ... L'on se presse, l'on s'agite dans les couloirs du royaume pour assister au sacre de la nouvelle reine, Tilda. Ducs, barons et autres seigneurs ont tous répondu à l'appel. Même le seigneur Tankred et son protégé Bertil, pourtant forcés à l'exil par Loys de Vaudémont. En coulisse, la future reine Tilda se rend bien compte que son royaume est au plus mal, les terres sont moins fécondes, les caisses se vident, le peuple a faim. Qui plus est, le seigneur Ulrik veut doubler les impôts. Une mesure que Tilda réfute aussitôt. Elle songe déjà aux nouvelles mesures... Malheureusement, derrière son dos, l'on fomente. Sa propre mère, de Vaudémont et tous les vassaux du royaume ont fait serment d'allégeance à son jeune frère. Ce dernier ne tarde d'ailleurs pas à exiger son exil sur l'île de Malefosse. Bientôt sauvée par Tankred et Bertil, elle pourra compter sur leur soutien pour récupérer son royaume...


Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil nous plongent dans un conte médiéval captivant, riche, épique, parfois onirique. Rejetée du trône qui lui était pourtant promis, Tilda va tenter, avec l'aide et le soutien du seigneur Tankred et de Bertil, de reconquérir le trône. Évidemment, bien des obstacles, des événements inattendus, des personnages peu fiables, des traîtres vont s'interposer pour mener à bien son dessein. C'est un long et passionnant voyage qui attend ces valeureux et attachants personnages. Voilà une oeuvre foisonnante, aussi bien sur le fond que sur la forme. Car, graphiquement, Cyril Pedrosa fait montre d'une prouesse inégalée. Quelle imagination et quelle magie se dégage de ces pages ! Variant sa palette de couleurs, ses ambiances, son trait parfois, ses jeux de lumière, l'auteur nous plonge dans des décors magnifiques. Ses doubles pleines pages sont sublimes.
Un album maîtrisé et d'une grande imagination...
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Ce sont les couvertures et le titre de ce diptyque qui ont tout de suite attiré mon attention. "L'âge d'or" promet une époque où « l'humanité peut encore rêver à des lendemains qui chantent », une époque qui « enlumine le passé pour mieux illuminer l'avenir ». Mais est-ce vraiment possible ?

Alors qu'Hellier le Tabellion prépare le soulèvement d'Ohman, dont l'objectif final est de rendre les hommes tous égaux (pour faire court, car c'est quand même un peu plus complexe que ça), la princesse Tilda, prête à succéder au trône de son père défunt, se voit évincée par un subterfuge de son jeune frère. Exilée, puis en fuite et blessée, accompagnée du chevalier Tankred et de son ami d'enfance Bertil, Tilda cherche l'appui des gens restés fidèles à son père afin de pouvoir renverser son frère.

Entre quête, trahison, vengeance et destinée, Cyril Pedrosa et Roxanne Moreil nous plongent dans un monde médiéval plutôt atypique, où chevalerie, honneur et fidélité se mêlent aux idées utopiques autant qu'à la colère du petit peuple, oppressé par les taxes, affamé, prêt à la révolte. Nous est contée la première partie d'une épopée pleine d'aventures et de rebondissements, dans laquelle il nous est impossible de s'ennuyer. On y rencontre et suit des personnages que l'on voit s'affirmer et s'imposer de plus en plus au fil des pages. Côté scénario, je n'ai donc rien à redire, si ce n'est que la fin nous laisse sur un cliffhanger, nous obligeant à ne pas trop tarder à ouvrir le volume 2.

Côté graphisme, je suis plus mitigée. Tout ce qui est décors, nature environnante et paysages est joliment dépeint. Les traits fins, les menus détails, les reproductions sur pleine page sont clairement plaisants. Les images, quelque peu métaphoriques ou fantasmagoriques, apportent à l'histoire une dimension un peu féerique ou onirique et c'est très appréciable. En revanche, j'ai eu beaucoup de mal avec les couleurs, criardes, ou trop vives, trop peu naturelles, qui ne correspondent, à mon sens, absolument pas avec l'atmosphère plutôt morose induite, ni avec un univers moyenâgeux quelconque. Les mêmes couleurs, et notamment les rose, violets et orange, dans une nuance peut-être un peu moins violente, seraient mieux passées. J'émets également un autre bémol quant aux traits des personnages : s'ils sont assez expressifs, ils sont relativement tous disgracieux. Quoiqu'il en soit, le scénario étant ce qu'il est, captivant, on finit tout de même par s'y faire.

C'est dans l'ensemble une bonne découverte. Et je suis maintenant pressée de commencer le tome 2.
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Ce tome est le premier d'un diptyque qui forme une histoire complète et indépendante de toute autre. La première édition date de 2018. L'histoire a été coécrite par Cyril Pedrosa & Roxanne Moreil et mise en images par Pedrosa. Il s'agit d'une bande dessinée en couleurs comprenant 224 planches.

Dans le bois d'Armand, des nobles avec leurs serviteurs se livrent à une chasse à courre, les chiens pourchassant le gibier. Un peu à l'écart de la progression de la meute, trois gueux discutent : Poudevigne (le gros), Languille (le grand maigre), Petit Paul le bossu. Ils évoquent ce qui est arrivé au père Mathurin qui avait récupéré le cadavre encore frais d'une biche dans un fossé. Il l'avait faite préparer par sa femme, mais Ancelin, l'intendant du château, était arrivé alors qu'ils s'apprêtaient à la manger. Ils estiment qu'il n'est pas juste qu'ils ne puissent pas eux aussi manger des parties nobles du gibier. Ils entendent le cor du seigneur d'Alancelle et en déduise que la bête a été mise à mort et qu'ils pourront avoir un peu de tripailles. Ils pensent qu'ils pourraient jouir d'une vie plus douce dans le royaume de la Péninsule. Leur discussion est interrompue par un noble, accompagné de son épouse et de son équipage, qui leur demande comment rejoindre la roue d'Antrevers. Les gueux leur répondent, mais Petit Paul ayant des propos malheureux, la récompense pour cette information leur échappe.

Tous les seigneurs dont la santé le leur permet sont venus au château du roi, pour assister à ses funérailles, et participer à la cérémonie d'intronisation de son successeur. Dans la grande salle, Tankred de Malefort accompagné de l'écuyer Bertil croise Loys de Vaudémont qui le toise avec mépris, et l'asticote pour ses bons sentiments. Dans la salle du pouvoir, Tilda (la princesse) reçoit un seigneur pour régler une affaire d'impôts. Elle ne cache pas son mépris pour cet individu grassouillet, même si sa mère lui fait observer qu'elle n'est pas encore reine. Dans ses appartements, le petit frère de Tilda reçoit des pages qui lui enjoignent de revêtir ses habits de deuil. En se rendant dans ses appartements, Tilda fait un malaise sur le seuil. Elle tombe dans les bras de Tankred. Une fois remise, elle évoque avec lui sa montée sur le trône et le fait qu'elle va recevoir en héritage un royaume en souffrance. le lendemain elle se rend seul devant la dépouille du roi avant la cérémonie, mais elle est arrêtée par les soldats car le seigneur Loys Vaudémont réalise un coup d'état, en installant le jeune prince sur le trône, avec l'appui de la reine mère. Tilda est condamnée à l'exil sur l'île de Malefosse.

Cyril Pedrosa a acquis sa renommée avec des bandes dessinées intimistes comme Portugal (2011) et Équinoxe (2015). le lecteur ne s'attend donc pas à ce qu'il réalise un récit de chevalerie dans un moyen-âge de pacotille, sans velléité de reconstitution historique. Dans des interviews, Roxanne Moreil et lui ont déclaré qu'ils souhaitaient raconter une véritable épopée ce qui justifie la pagination abondante, ce tome n'étant que le premier d'un diptyque. le lecteur découvre effectivement une histoire de succession au sein d'un royaume étendu. Il y a une princesse qui est l'héritière naturelle du trône. D'un côté, c'est l'enfant la plus âgée du roi ; de l'autre côté, la coscénariste souhaitait qu'il y ait des personnages féminins forts. Il croise une princesse, un prince, une reine mère, plusieurs seigneurs régnant sur leur fief, des soldats, des gueux. Il est question d'impôts, de famine, de serfs, de guerre. Les tenues des personnages évoquent une sorte de bas moyen-âge, que ce soit les tenues civiles ou les tenues militaires. L'architecture des constructions (châteaux, maisons, cabanes) reste assez vague, avec une influence hispanisante par endroit.

L'intrigue repose sur une quête claire : Tilda veut retrouver le trésor indiqué par son père. Elle dispose d'une lettre d'un de ses vassaux indiquant qu'il détient une information relative au trésor, dans son fief de la Péninsule. Contrainte et forcée par le coup d'état ayant placé son frère sur le trône, elle se met en marche, secondée par 2 fidèles compagnons : un chevalier ayant été au service de son père, et son écuyer ayant joué enfant avec elle. Comme dans toute quête qui se respecte, il y a des obstacles sur la route, et des épreuves à passer. La particularité réside dans le fait que Tilda n'est pas au meilleur de sa forme, blessée dans sa fuite, et sujette à des visions qui altèrent sa perception et la font défaillir régulièrement. du coup, les épreuves prennent des formes qui sortent de l'ordinaire : ce n'est pas une épreuve physique (même s'il y a des affrontements à l'épée), ni des épreuves d'intelligence (même si les personnages sont amenés à réfléchir). Les épreuves que doit surmonter Tilda sont d'un autre ordre : elle doit se confronter à des communautés au mode de fonctionnement plus ou moins éloigné de celui du domaine de son père, ainsi qu'à ses visions qui semblent annoncer un futur belliqueux et sanglant.

Dès la couverture, le lecteur se rend compte que la narration visuelle va aussi s'avérer inhabituelle. Il regarde des personnages aux morphologies exagérées, que ce soit la silhouette longiligne de Tilda, la carrure extraordinaire de Tankred, la difformité de Petit Paul, la silhouette décharnée du seigneur Albaret. Quand il observe les visages, il voit des traits simplifiés et des expressions un peu exagérées, que ce soit l'air idiot du bossu, ou les yeux ronds de Bertil. L'artiste peut également exagérer d'autres parties du corps, comme la longueur du nez de Tankred, ou le double menton de Jeanine, la servante du seigneur Albaret. Ainsi le lecteur a parfois l'impression de regarder des personnages de dessin animé pour la jeunesse, avec une influence de l'esthétique des princesses Disney comme la belle au bois dormant. Dans le même temps, il apprécie l'expressivité des visages et se rend compte de l'étendue de la gamme des états d'esprit qu'ils reflètent, et des émotions qu'ils montrent. le lecteur ne s'attend pas forcément à lire un mépris distancié aussi convaincant sur le visage Loys de Vaudémont, ou une assurance tranquille sur le visage de Tankred de Malefort, ou encore une telle souffrance sur celui de Tilda reflétant de terribles tourments intérieurs.

Le lecteur est encore plus surpris par la mise en couleurs qui peut être intensément flamboyante (pour la chasse à courre), ou étonnamment expressionniste (pour la progression de Tilda sous les eaux). Dans la vidéo promotionnelle de l'ouvrage, le lecteur découvre que Cyril Pedrosa a réalisé ses planches de manière traditionnelle, en détourant les formes par des traits encrés, et en appliquant des aplats de noir. La suite sort de l'ordinaire puisqu'il a numérisé toutes ses planches, et appliqué les aplats de couleurs à l'infographie, en inversant le contraste pour certaines planches, les aplats de noir devenant alors une surface avec une couleur. le lecteur plonge dans ce qui lui semble être un tourbillon de couleurs souvent pastel, rarement naturalistes. Il est également déstabilisé par le fait que les traits de contours ne sont presque jamais noirs, et souvent de différentes couleurs au sein d'une même case. L'artiste a su ainsi créer une apparence à nulle autre pareille, totalement originale pour une bande dessinée. Cette approche chromatique génère une sensation de lecture à la fois riche et troublante. le lecteur se retrouve sans cesse à ajuster son état d'esprit, passant d'une scène rouge et orange (la chasse à courre) avec une impression d'incendie, à une scène violette et taupe dans le château (pour une sensation feutrée et vaguement féminine), puis à une séquence très rose dans la chambre de Tilda (alors que son comportement n'est pas celui d'une petite fille féminine). Au fil des séquences, le lecteur éprouve des sensations étranges, suivant que la mise en couleurs est en adéquation avec les couleurs naturelles (vert foncé et bleu foncé dans une clairière la nuit), ou en sans rapport évident (un violet sombre pour des rochers en montagne).

Il faut donc un temps d'adaptation au lecteur pour qu'il se rende compte que derrière ces apparences à l'esthétisme très marqué et très personnel, Cyril Pedrosa réalise des dessins descriptifs avec un fort niveau de détails. le lecteur peut ainsi prendre le temps de regarder l'ameublement des différentes pièces du château du défunt roi, le détail des bâtiments du domaine d'Abigaëlle, ainsi que son potager, les ouvrages entassés dans la bibliothèque, les ornements du carrosse du jeune roi et de la reine mère, l'architecture de la demeure du seigneur Albaret, ou encore les étonnantes ruines qui abritent le trésor. En découvrant la première scène le lecteur se rend également compte que l'artiste a composé une suite de 3 dessins en double page qui en fait n'en forment qu'un seul sur 6 pages. Il représente un décor en toile de fond sur lequel se déplace les personnages, sans délimitation de case. Sur un unique décor, il représente donc à plusieurs reprises (endroits) les mêmes personnages en train de progresser. Il a indiqué s'être inspiré des peintures de Pieter Brueghel l'Ancien (1525-1569), et en particulier de son tableau Chasseurs dans la neige (1565). En outre la pagination lui permet de développer des scènes à sa guise.

Le lecteur s'immerge donc un conte à la forme baroque, aux côtés de personnages complexes dépassant le clivage bien /mal. En effet, dans la scène introductive de la chasse à courre, la discussion entre les 3 compères comprend une dimension politique affirmée, soulignant que les gueux n'ont droit au mieux qu'aux restes de la classe dirigeante, et encore si les représentants de cette dernière sont dans un bon état d'esprit. La scène suivante avec l'aéropage du seigneur et de sa dame vient enfoncer le clou. La scène mettant face à face Tilda et un seigneur repu explicite la charge que font peser les impôts sur le peuple. La notion de classe fait surface à de nombreuses reprises, faisant apparaître les privilèges des nobles, mais aussi une barrière infranchissable quand Tilda (personne royale) remet à sa place Bertil (simple manant), un moment d'autant plus cruel qu'il n'y a pas d'intention méchante. Petit à petit, l'existence d'un texte décrivant un âge d'or fait progresser l'idée que cette société de classe n'est pas un ordre naturel et qu'il est possible d'imaginer une autre organisation qui a déjà existé par le passé. Il se produit alors un effet des plus déconcertants concernant le personnage de Tilda. Au début du récit, il ne fait nul doute qu'elle en est l'héroïne au sens romanesque du terme. Mais elle incarne aussi une forme de société inégalitaire et oppressive. Il apparaît que le précédent roi est tombé malade juste après avoir été mis en contact avec ce précieux trésor lié à l'âge d'or, comme s'il n'avait pas pu supporter la remise en question de la société de puissants et de serfs, comme s'il avait été contaminé par un virus, celui d'un ordre social plus juste et équitable.

Le portrait de Tilda devient de plus en plus ambigu au fur et à mesure du récit. Elle incarne la domination des nobles sur le peuple, et aussi le principe que sa naissance lui donne le droit de vie et de mort sur ses sujets. Dans le même temps, Tilda ne souhaite qu'améliorer la condition de son peuple, éradiquer la famine, lever des impôts plus justes, ramener une autre forme d'âge d'or. Son corps porte même les stigmates physiques de sa souffrance psychique. Mais c'est au lecteur de se demander si cette souffrance est générée par les épreuves à surmonter pour arriver au trésor qui lui permettra d'entamer la reconquête du trône, ou par l'intuition qu'elle va se retrouver face à un changement de paradigme, par l'incompatibilité entre la royauté et le bonheur de tous. S'il y prête attention, le lecteur constate que le seigneur Albaret porte lui aussi un stigmate révélateur : il est aveugle. Il a régné comme un seigneur éclairé et bienveillant, mais il est resté aveugle aux injustices consubstantielles d'un gouvernement de type royauté.

Cette première moitié de l'âge d'or propose un voyage sortant de l'ordinaire, un conte à la forme à la fois classique et inhabituelle. La mise en images impressionne par son foisonnement, par ses couleurs surprenantes, par sa forme aventureuse, et par sa rigueur et sa précision, ainsi que par les détails concrets. Il s'agit bel et bien d'un conte se déroulant dans un moyen-âge imaginaire, mettant en scène une princesse, son preux chevalier et son écuyer. Il s'agit bien d'un conte avec un deuxième niveau de lecture relatif à la forme d'une société. Dans le même temps, il n'y a pas de héros, même s'il y a des personnages au coeur pur. Il n'y a pas de hauts faits mettant en avant la valeur et le courage de l'héroïne, mais des épreuves plus complexes et moins directes. Roxanne Moreil & Cyril Pedrosa ont réalisé une histoire captivante et envoûtante, au charme esthétique original.
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critiques presse (10)
Culturebox
17 janvier 2019
Ce roman graphique publié en septembre est tout à la fois une saga médiévale et une fable politique sur l'utopie.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LaPresse
20 décembre 2018
Du déjà vu? Pas quand le récit prend comme ici des accents féministes et politiques. Mieux, les illustrations de Cyril Pedrosa sont belles comme des enluminures.
Un premier de deux tomes tout simplement somptueux.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Elbakin.net
26 octobre 2018
Les auteurs ont pensé leur diptyque d’un seul tenant, avec quatre parties structurées comme quatre saisons. A ce premier tome - globalement - lumineux, les auteurs ont d’ores et déjà annoncé un second tome plus “crépusculaire”. On l’attend.
Lire la critique sur le site : Elbakin.net
LaLibreBelgique
09 octobre 2018
"L’Âge d’or" est un joyau graphique taillé par Cyril Pedrosa. Coécrit avec Roxane Moreil, il imagine une utopie politique médiévale.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Sceneario
03 octobre 2018
Un premier volume, sur deux, qui interpelle. On devine un fond qui va devenir plus complexe, au fur et à mesure de l'évolution de Tilda, de son avancée dans l'histoire, on attend donc vivement le second tome !!! A coup sur, l'un des chef d'œuvre de cette rentrée, un album puissant qui n'a pas fini de se révéler aux lecteurs !
Lire la critique sur le site : Sceneario
BoDoi
26 septembre 2018
Les rebondissements sont nombreux et palpitants, la psychologie des personnages s’enrichit au fil des séquences et l’intrigue générale est tout simplement passionnante. Voilà une des grandes bandes dessinées de 2018, qui a, en plus, le mérite de pouvoir s’adresser au plus grand nombre. Étincelant.
Lire la critique sur le site : BoDoi
ActuaBD
25 septembre 2018
Habitué des récits fournis et à de beaux et forts volumes, Cyril Pedrosa récidive et signe un nouveau diptyque dans la magnifique collection Aire Libre chez Dupuis. Derrière ses atours de belle et grande chanson de geste, L’Âge d’or est certainement un des récits marquants de cette rentrée littéraire 2018.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BDZoom
11 septembre 2018
Le conte épique de Roxanne Moreil, mis en images (à moins qu’il ne s’agisse d’enluminures…) par Cyril Pedrosa, fait en effet assurément déjà partie des grands incontournables de cette très riche rentrée.
Lire la critique sur le site : BDZoom
Culturebox
07 septembre 2018
Le dessinateur Cyril Pedrosa et sa compagne et co-scénariste Roxanne Moreil publient le 7 septembre "L'âge d'or", un roman graphique époustouflant de maîtrise. Un second volume devrait paraître dès 2020.
Lire la critique sur le site : Culturebox
BDGest
04 septembre 2018
Le mélange entre un design sorti des âges et une réalisation « high tech » s’avère surprenant de justesse. Bravo l’artiste ! Palpitant sur le fond, percutant dans la manière, Moreil et Pedrosa réalisent un véritable chef-d’œuvre avec ce premier tome de L’Âge d’or. Vivement la suite !
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Citations et extraits (48) Voir plus Ajouter une citation
- « La nature à tous a donné même forme. » « Et réchauffe chacun de la même chaleur. » « Nous suivons avec raison son inclination... » « … pour donner mêmes avantages à nos semblables... » « ...qui sont nos frères. »

- Votre traduction est plus élégante que la mienne...

- Il me semble surtout que nous n'en fassions pas tout à fait la même lecture...

- Je n'en conteste pas les valeurs et les principes. Vous savez à quel point ils me guident. Mais... La nature n'a pas donné à tous « même forme ». Ce n'est pas vrai. Elle a doté les hommes d'une violence dont les femmes doivent se protéger.
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La nature à tous a donné même forme
Et réchauffe chacun de la même chaleur.
Nous suivons avec raison son inclinaison
Pour donner mêmes avantages à nos semblables
qui sont nos frères

Nul ne saurait chercher la félicité
Au détriment de son prochain.
Se priver de quelques jouissance pour l'offrir à autrui
Est signe de noble cœur
Et expression de la sagesse.

Ainsi nature et raison se répondent
Et nous invitent à entraide mutuelle.
Pour le bien général, et par commun consentement
Nous faisons partage
Du festin de la vie.
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— Sa pensée me guide !
— Vraiment ? Vous aimez vous aussi marcher au rythme lent de "réformes mesurées" ?
— De justes réformes ! Pour le bien du peuple.
— Oh, certes ! Certes... À condition que chacun, maîtres et serviteurs, reste bien à sa place.
— On ne peut changer l'ordre naturel du monde.
— Vous pensez donc que "le monde" est né ainsi ? Avec des arbres, des rivières, du vent, du soleil... et des seigneurs et des serfs ?
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- Il dit quoi, le gros Martin ?
- Il dit : « Poudevigne, il râle comme un putois, mais il est fainéant comme une loutre. »
- Ah oui, il dit ça gros Martin ?
- Oui. Je savais pas que c'était fainéant une loutre.
- Et bien, tu lui diras, au gros Martin, que moi au moins j'ai pas un cul gros comme un vache !
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- Un esprit nouveau règne sur cette ville. Hellier n'en est que le porte-voix.
- Ne soyez pas si naïf. Il excite le peuple avec l'Âge d'Or et toutes ces chimères ridicules pour servir son ambition.
- Non. C'est autre chose. Le peuple s'est mis en mouvement.
- Vers sa propre perte.
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Videos de Roxanne Moreil (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Roxanne Moreil
Sur un scénario remarquablement moderne, coécrit avec Roxanne Moreil, Cyril Pedrosa revient dans un conte médiéval unique. Un récit d'aventures épique, brodé d'utopie, où se dessine en filigrane la capacité des hommes à s'inventer un nouvel avenir commun. le premier tome d'un diptyque majestueux.

Une saga en 2 volumes disponible en librairie.
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