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Critique de Lenocherdeslivres


Roland Sax est mort. Tout l'équilibre financier de la ville vacille. Qui va reprendre les rênes du pouvoir de Saint-Elme ? Pour gérer la transition, le patriarche arrive : Mazur, tout en rides, prend les choses en main et distribue les rôles. Pas question de lui dire non. Derrière son sourire carnassier, on ne sent aucune pitié.

Depuis le début, lors des trois tomes précédents (La Vache brûlée, L'Avenir de la famille et le Porteur de mauvaises nouvelles), les auteurs ont mis en place de nombreux personnages, de nombreux arcs narratifs. Et le lien entre eux tous, au premier abord, n'étaient pas évident. Mais là, l'étau se resserre, les trous se comblent. On commence à entrevoir des pistes de résolution. Et il est temps : la série Saint-Elme doit se terminer dans un dernier (et j'imagine explosif) volume. le cinquième.

La famille Sax, qui domine le village et son économie, se trouve donc réunie dans son entier pour l'enterrement de Roland. Y compris Mazur, le patriarche au visage creusé de rides tels des canyons impitoyables. Comme son caractère d'ailleurs : tout ce qui se trouve sur son chemin doit être immédiatement et définitivement écrasé. de leur côté, Romane et Paco découvrent la jeune fille qui était à l'origine du premier bain de sang. Celle qui a un signe sur le dos qu'elle reproduit sur les vitres, dans la buée, en espérant que son père vienne ainsi la chercher. Celle qui donne son titre à cet album, puisque le dessin représente bien un oeil ouvert. Philippe, lui, reste ici en retrait, car il voudrait bien partir. La présence de Mazur l'inquiète, à juste titre semble-t-il. Mais son frère s'accroche. Il revient au centre de l'histoire, avec sa silhouette longiligne toute de bandelettes. Quand tous ces personnages seront réunis, le cocktail risque d'être détonnant !

La magie, ou en tout cas des présences étranges, des manifestations surprenantes, n'est pas en reste. Plus de grenouilles (ou presque : une petite page 40, qui lance un modeste « coâ » et une autre qui se blesse sur un pare-brise page 21), mais on reste dans le vert, avec les yeux du chien de Mazur, terrifiant. Également avec les yeux de la momie, autrement dit Franck, terriblement brûlé et depuis recouvert de bandelettes. Cela ne l'empêche pas de marcher. Et, surtout, cela lui donne une furieuse envie de se venger. Quand son frère appelle à la prudence et au départ, il refuse. Il ne laissera pas sa douleur impunie.

Mais il ne faut pas oublier la femme avec laquelle dialogue le père de Romane. Tout le monde le croit fou car il est le seul à la voir. Enfin, peut-être pas, finalement. Encore une part de fantastique dans cette BD qui pourtant tire davantage vers le polar. Avec ses truands, aux ordres d'une famille composée de cinglés (le fils est un drogué qui joue avec les explosifs comme s'ils n'étaient que des jouets et n'hésite pas à les utiliser dès que quelqu'un l'ennuie, par exemple). Avec ses tueurs qui ne respectent pas les règles, comme le derviche, que décidément Mazur n'aime pas et tente de mettre en difficulté. Avec ses luttes de pouvoir. Avec ses victimes, enlevées, blessées, tuées. Mais un polar qui joue aussi sur la dérision : Stan, le fils Sax, est un gros loser, qui rate tout ce qu'il entreprend et se retrouve dans des situations ridicules, comme lors de l'enterrement de son père (j'aime ses yeux pleins de flammes page 64). Un vrai pied nickelé.

Certaines planches m'ont fait penser à Hillbilly (j'ai lu et chroniqué les tomes 1 et 2) d'Eric Powell. Non pas pour les couleurs qui, chez l'Américain sont plutôt dans les tons pastel alors que Frederik Peeters n'hésite pas à utiliser des verts ou des bleus fluo. Plutôt pour l'uniformité chromatique de quelques pages. La nuit emplit la page 42 de plages bleu ou violette. La nuit passionnée de Paco et Romane teinte les cases de violet et de rose.

Pour le reste, le dessinateur aime les gros plans sur les yeux, qu'ils soient pleins de haine ou pleins de terreur, d'inquiétude ou de certitude. Ils nous informent davantage que les paroles, parfois. Et le trait n'hésite pas à frôler la caricature. Mais cela correspond tout à fait au scénario, aux personnages, entiers, tranchés.

Les Thermopyles, cinquième et dernier tome de Saint-Elme est paru en janvier. Les auteurs ont eu la gentillesse de raccourcir la durée de parution entre deux volumes. Qu'ils en soient remerciés. Car L'oeil dans le dos donne vraiment envie de connaître le dénouement, maintenant que tout est bien mis en place. Je veux assister à l'explosion finale, à la rencontre ultime dans la ville où tout est spécial.
Lien : https://lenocherdeslivres.wo..
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