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Critique de mjaubrycoin


On connait Benoit Peeters pour sa fine connaissance de l'oeuvre dHergé et son intérêt pour la BD qui l'a amené à collaborer avec François Schuiten pour réaliser la prestigieuse série "les Cités Obscures".
On le connait moins en revanche en tant que biographe et c'est une nouvelle facette de son talent que le lecteur pourra découvrir avec cet essai consacré à Sandor Ferenczi.
Magnifiquement illustré de photos d'époque habilement colorisées sous un filtre bleu qui les intègre dans une maquette éditoriale originale, ce livre permet à tout lecteur, même totalement néophyte, d'aborder la psychanalyse, d'en comprendre les grands principes mais aussi d'appréhender les divergences d'interprétation entre ceux qui ont fait son histoire.
Que sait-on dans le grand public de Sandor Ferenczi , ce juif hongrois disciple de Freud qui a été en 1919 le premier universitaire nommé à une chaire d'enseignement des principes de la psychanalyse ?
En fait peu de choses tant son oeuvre , révolutionnairement novatrice, a été occultée pendant des décennies par les tenants de l'orthodoxie jaloux de leurs privilèges.
Sous la plume élégante de Benoit Peeters, c'est toute sa démarche qui est décryptée et qui ne peut que nous étonner par son actualité brûlante.
Dès 1903, il a été le premier à s'insurger contre les conditions de travail des élèves médecins (on dirait aujourd'hui les internes) . En 1905, il prône courageusement la tolérance envers les homosexuels, ces invertis voués aux gémonies par l'opinion dominante. En pleine première guerre mondiale, il défend le concept de névrose de guerre à une époque où les soldats les plus atteints étaient considérés comme des simulateurs.
Plus tard dans sa vie, il se penchera sur les conséquences traumatiques des abus sexuels subis par les enfants et la nécessaire réparation qui doit leur permettre de se reconstruire.
Il travaillera également sur l'aspect psychosomatique des maladies ouvrant ainsi la voie à de nouvelles perspectives.
Ferenczi a toujours été habité par "la passion de guérir" comme il le dit lui-même et c'est en tendre figure maternelle qu'il se penchait au chevet de ses patients, n'hésitant pas quand il le jugeait utile pour eux, de s'écarter du chemin tracé par son mentor, allant même jusqu'à affirmer "seule la sympathie guérit".
Et pourtant Dieu sait que Freud a compté dans sa vie, depuis leur rencontre en 1908 ! Eperdu d'admiration et éprouvant un amour quasi filial, il va largement contribuer à la diffusion des travaux du maître et nouera avec lui des relations très fortes qui se poursuivront jusqu'à sa mort.
Le récit de cette amitié dessine en creux un portrait d'un Freud ancré dans ses convictions, maître à penser détenteur de la vérité refusant à ses disciples toute émancipation dans la recherche thérapeutique.
Le père de la psychanalyse avait manifestement le sentiment d'être trahi par ceux qui ne partageaient pas toutes ses convictions ! La rupture éclatante avec Jung en apporte la preuve et il en alla de même quelques années plus tard avec Ferenczi si ce n'est que ce dernier vit ses dernières années empoisonnées par le chagrin de ce qu'il considéra comme un abandon.
La lecture de ce passionnant essai prouve une fois de plus que tout homme, fut-il spécialisé dans le décryptage de la psyché des autres, n'échappe pas à ses démons internes, que la passion amoureuse cause des ravages même chez les plus grands esprits, et que la certitude d'avoir toujours raison fleurit souvent sur un terreau qui devrait être celui du doute radical et de la remise en cause constante.
Voici un livre à lire, à relire ....et à offrir pour permettre aux esprits égarés que nous sommes de revenir à l'essentiel .
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