C'est le plus grand des supplices, Eliza, de provoquer la douleur, même quand on sait que c'est pour le bien de l'autre.
L’apothicaire mystère, sa boutique aux poisons, son registre, ses ingrédients obscurs… j’aimerais en faire le sujet de ma recherche. Une approche universitaire de conservation de mes découvertes.
Je levai vite mon téléphone pour éclairer le trou noir et poussai un soupir de soulagement : pas de rats, pas de serpents, pas de cadavres.
22 octobre 1816
Aux hommes, le dédale. J’aurais pu leur dévoiler les mystères tant convoités de l’ours de Bear Alley.
Une assassine qui n’a pas besoin d’user de sa longue main délicate. Nul besoin de toucher pour provoquer la mort.
Il y a d’autres méthodes, plus sages : les fioles et les victuailles. L’apothicairesse était l’amie de toutes, elle infusait nos secrets. Elle seule savait que le dernier souffle des hommes était notre œuvre.
Seulement, mon plan ne se déroula pas comme prévu.
Ce n’était pas de sa faute. Ce n’était pas même de la mienne.
Je blâme mon époux, et sa soif de ce qui ne lui était pas destiné.
- De nombreux remèdes bénéfiques deviennent des poisons lorsqu'ils sont ingérés en trop grande quantité ou d'une certaine façon. Elle m'a enseigné ces dosages et ces préparations par prudence, pour ne pas risquer de blesser. Ce n'est pas parce que ma mère n'a jamais empoisonné personne qu'elle n'en avait pas le pouvoir.
- Du chanvre indien ?
- Une des drogues les plus puissantes de mon officine. Mais comme le sabot de la vierge, elle est inoffensive. Le chanvre indien est particulièrement utile en cas de tremblements ou de spasmes.
Elle me tendit le nouveau-né et m'apprit que son prénom était Béatrice.
- Celle qui apporte le bonheur, précisa-t-elle.
- Une demi-livre de miel sauvage, lut Nella à voix haute.
J'écarquillai les yeux.
- A manger ?
Elle tapota le mot "topique".
- Non, à étaler sur la peau.
- Un conseil, les amis, dit Alf. L'astuce, c'est de laisser le subconscient repérer l'anomalie. Nos cerveaux sont faits pour repérer les ruptures dans les répétitions. Nous avons évolué ainsi il y a des millions d'années. Ne cherchez pas tant la trouvaille que l'incohérence, ou l'absence.
- Il y a plusieurs siècles, la tradition voulait que les hommes fassent étalage de leur force en tordant une bague en métal pour demander la main d'une femme. Si cette dernière refusait, elle jetait l'anneau par-dessus le pont, et envoyait ainsi paître son soupirant. J'ai ramassé des centaines de bagues tordues. Visiblement, un bon nombre de ces messieurs sont repartis d'ici célibataires. Drôle de coutume, je trouve.