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Critique de Sofiert


Cette utopie féministe datant de 1915 est à découvrir en tant que telle, c'est à dire davantage comme un récit fictif de voyage inspiré de l'Utopie de Thomas More plutôt que comme un roman de Science-fiction qui décrirait une communauté de femmes ayant banni les hommes de leur société.
Pour Charlotte Perkins Gilman, qui est davantage sociologue que romancière, il s'agit de démontrer, par le biais de trois voyageurs masculins, que des femmes peuvent parfaitement subvenir à leurs besoins, et même créer une société exemplaire en recourant à la parthenogenese pour se reproduire. Tout l'enjeu de ce récit est donc de pointer les défaillances d'une société patriarcale inapte à assurer le bonheur de chacun et un développement harmonieux de la civilisation.

Certes, la démonstration est parfois lourde et le ton très didactique. Mais la critique est pertinente et la perfection de Herland, en ce qui concerne les relations interpersonnelles et le bien-être de tous, creuse évidemment le fossé entre les deux sociétés. L'auteure parvient ainsi habilement à interroger le lecteur sur l'origine de ces différences et de ces échecs, qu'il est aisé d'imputer à un fonctionnement trop inégalitaire.
La surprise vient également de la réflexion écologiste menée par ces femmes: elles respectent profondément la nature, soutiennent sa diversité et élaborent des techniques de permaculture très développées. Elles sont végétariennes, ont abandonné l'élevage et planté des forêts comestibles. La rationalisation des espaces de culture est même menée conjointement avec une réflexion esthétique de manière à préserver la beauté de la nature. En 1915, ces réflexions progressistes sur l'agriculture sont passionnantes tout comme celles sur l'éducation des enfants, inspirées des travaux de Maria Montessori.

Il est vrai que, sous d'autres aspects, le récit porte la marque de son temps.
On peut ainsi lui reprocher d'élever la Maternité au rang d'objectif suprême, mais c'est malgré tout ne pas voir qu'il s'agit d'une autre maternité que celle que nous connaissons. Il ne s'agit pas de prôner l'épanouissement dans l'éducation des enfants , puisque la plupart des mères n'éduquent pas leur propre enfant dans cette société, mais de travailler à l'éducation d'une génération qui vise à la perfection.
Cet objectif va de pair avec une idéologie nettement plus redoutable. Vouloir l'amélioration de la race humaine, concept à la mode à l'époque, conduit tout droit à l'eugénisme, pratique utilisée pour limiter la population et n'en reproduire que les meilleures.

Charlotte Perkins Gilman était une femme engagée, nièce d'Harriett Beecher Stowe, et elle connut une dépression post partum après la naissance de sa fille. A cette époque, maris et medecins preconisaient l'abandon de la lecture, pratique dangereuse pour des femmes trop fragiles... Fort heureusement, elle divorca et voulut prouver aux hommes que des femmes trop fragiles étaient capables de créer une société bien supérieure à celle des hommes... Et ce livre en fait le récit.
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