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Critique de ATOS


Liberté..ou libéralisme….Ordre naturel...ou fictions sociales..Anarchie..tyrannie. Singulier ou pluriel..Quelles réalités subissons nous , devant quoi nous révoltons nous ? La banquier anarchiste interroge, déstabilise. Dans ce texte court, Pessoa dresse un mille feuilles, construit un labyrinthe. Tout n'est pas si simple, tout a sa propre mesure. La mesure de soi tout d'abord. La mesure de l'autre, la mesure de l'ensemble. Quelle est la réalité, et que reflète-t-elle ?
Le banquier se déclare anarchiste. Véritablement anarchiste en théorie et en pratique. Sa théorie repose sur la liberté individuelle qui est, selon lui, la condition sine qua none à la liberté de tous. Chacun est maître de soi, de son destin. L'homme est par nature libre. C'est là où se trouve sa réalité. le reste n'est que fiction, fiction sociale. Les fictions sociales génèrent les pouvoirs.
Comment se libérer des fictions sociales ? En répondant à sa nature. Mais quel est la nature du banquier anarchiste ? Celle d'un homme, d'un sauvage, d'un révolté, d'un penseur, d'un bienfaiteur, d'un manipulateur ?
Et , d'après lui, celui qui restera esclave des fictions sociales ne répondra qu'à sa nature, celle d'esclave. Pour celui là l'idée de liberté devient intolérable.
Alors...par cette vision ..tant pis pour l'esclave.
Après tout ne conçoit il pas que l'idée d'une inégalité naturelle ? le fort face au faible...Loi de la nature. Est ce là pour autant la voix de la raison ?
Selon le banquier vouloir libérer l'autre, c'est exercer un pouvoir sur l'autre. L'assister , c'est exercer un pouvoir. Et donc à ce titre, puisque l'anarchiste ne veut exercer aucun pouvoir ..chacun doit se débrouiller individuellement pour se libérer. le pouvoir génère un droit...et voilà le manque d'aide, de secours, de solidarité, d'empathie, justifiés par le banquier.
N'exercer aucune nouvelle tyrannie mais se servir des tyrannies existantes, les plier, les tordre pour les instrumentaliser pour s'en servir afin de se libérer. Il n'y a pas pour le banquier de révolution à proclamer, de nouvelle théorie à développer, d'idée nouvelle à concevoir, il n'y a qu'à se servir et se libérer. le système marche, fonctionne, et même si c'est une fiction...alors faisons en sorte qu'il devienne le plus naturel possible. Forçons les choses, soyons raisonnables, faisons en sorte que la fiction soit la moins douloureuse possible en la rendant acceptable, incontournable.
Terrifiant le récit cynique de ce banquier. Concevoir un ordre social basé sur l'idée d'une égalité et d'une justice sociale pour tous, ne peut, selon lui, qu'entraîner une nouvelle tyrannie, une dictature. Et c'est bien une idée anarchiste, ou plus exactement la théorie d'un des pères de l'anarchie : l'individu avant l'intérêt général . Reprendre si il le faut les écrits de Proudhon.. S'en servir pour étayer une nouvelle fiction. Pessoa ne le cite pas, mais le banquier l'instrumentalise. Inattaquable le raisonnement de ce banquier. Imparable presque. Saisissant une théorie, une idéologie il s'en sert pour construire et justifier sa propre fiction. Car tout n'est que fiction…Les hommes ne sont ils pas des instruments entre les mains de nos fictions ?...jeu de rôle donc pour le banquier. Jeu de dupe pour l'auteur, qui on le comprend entre les lignes, refusera toujours de l'être. Terrifiante vision. Banquier anarchiste donc et totalement anti socialiste, anti communiste. Pessoa par l'intermédiaire de ce discours expose toute les oppositions politiques, idéologiques, philosophique, économiques, financières du 20e siècle. L'intérêt individuel face à l'intérêt général. Libre, libertaire, libéral..Y a t il une commune mesure à ces termes ? Peut on utiliser, instrumentaliser les hommes, les mots, les idées au nom de sa propre fiction ? Car si les hommes sont les instruments des fictions, qui don créent les fictions...Quel maître, quel dieu ?
Voilà le discours d'une méthode, celle du capitalisme. Voilà le génie de Pessoa. Il nous laisse juges. Juges du raisonnement.
Dessous les cartes, dessous les masques, dessous des choses. Un vrai plaisir de lecture qui ne vous quittera pas de si tôt. Pessoa : l'homme qui marche dans nos têtes.

Astrid Shriqui Garain
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