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Critique de Lamifranz


« Ce livre n'a pas d'âge » écrit l'auteur dans son introduction. de son point de vue, il a certainement raison. Son héros, le lieutenant Brécourt, n'aurait pas pu évoluer dans un autre milieu, mais des personnages comme lui ont existé de tous temps, depuis le débarquement de Sidi-Ferruch (14 juin 1830) jusqu'à l'époque où il place l'action (début de le Seconde Guerre mondiale). Cependant, le roman montre quand même un changement d'époque : l'épopée des méharistes, c'est-à-dire des soldats à dos de méhara (dromadaires – pour les non-initiés, je précise : un méhari, deux méhara), est en train de passer la main aux jeeps et autres voitures motorisées, (camions Latil), qui quelque part violent l'intégrité du désert.
Le lieutenant Brécourt, aurait donc pu vivre à une autre époque, mais toujours dans le désert, dans ce décor de sable et de ciel, où il est, à l'instar des Touaregs, un « chevalier du désert ». Il a une connexion particulière avec cet univers, où la notion de liberté absolue avoisine celle d'intense intériorité, ce qui le rapproche de ces mystiques des sables que sont Charles de Foucauld et plus près de nous Théodore Monod (et même notre Saint-Ex dans son escale de Port-Juby).
Son ami le lieutenant Chavannes, n'a pas le même attrait pour ce pays de roche et de sable. Il essaie de faire revenir en vain Brécourt vers la métropole. Mais celui-ci, après avoir hésité, notamment à la vue de la modernisation de son métier, décide de rester au Sahara. « Il a préféré à tout autre pays cette terre de solitude, où il devait, à travers les déceptions, trouver le tête-à-tête avec lui-même, la liberté et la grandeur pour lesquelles il était fait (…). Un Brécourt était né pour l'exaltation du désert ». Cet appel du désert (comme fut l'appel du Hoggar pour Charles de Foucauld), est plus fort que tout, même l'amour d'une femme ne l'arrêtera pas.
« Croix du Sud » est un roman dont l'action ressemble à ces plans de « Lawrence d'Arabie » (le film) où l'image se trouble avec la chaleur : tout se fond en un plan unique où l'action est figée dans une espèce d'intemporalité. Sans doute, ceux qui d'entre vous ont été au coeur du désert ont connu ce moment où l'espace et le temps se rencontrent, en un moment magique, où l'on se sent à la fois grand comme le monde et petit comme le grain de sable sur lequel on marche. Pas beaucoup de mouvement donc, sinon le pas régulier du dromadaire, à la fois lancinant et familier. Mais une intense vie intérieure.
Est-ce une forme d'héroïsme ? L'auteur semble le penser. Il y a certes un petit parfum colonialiste dans cette histoire, et le culte du soldat de l'Armée d'Afrique fait partie de cette histoire coloniale, épique et tragique, qui a fait la grandeur et parfois la honte (mais c'est le cas de toutes les expériences humaines) de notre pays. Mais le désert, comme la haute montagne, comme la mer, est potentiellement quelque chose à quoi se confronter, et c'est bien là une définition de l'héroïsme.
Joseph Peyré, une fois de plus, nous sidère par la représentation magique qu'il nous donne d'un décor qu'il ne connait que par documentation ou témoignages, et très peu par expérience personnelle. La preuve qu'il est un grand écrivain, et qu'il a un don particulier pour créer un univers où le réalisme se mêle à un sorte de fantastique exotique, avec une belle intériorité.

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