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Critique de UnKaPart


Ne te fie pas au titre qui sent bon la comédie policière, l'inspecteur Dany Boon ne figure pas au générique (en partie parce que, depuis la disparition du grade en 1995, on ne croise plus d'inspecteurs de police – excepté chez certains auteurs de polar mal documentés, mais Piacentini n'en fait pas partie).
Le titre original, À feu et à sang, donne moins envie de rigoler, sauf si tu es pyromane et sociopathe.
Troisième volet des aventures de Pierre-Arsène Leoni, policier corse catapulté près du cercle polaire en la bonne ville de Lille. Très bon bouquin et un de mes préférés de la série. Très dense aussi.
On retrouve Leoni, sa fine équipe de la maréchaussée nordiste, sa chère et tendre enceinte jusqu'aux oreilles et son entourage corse qui remonte pour le coup très loin en arrière (RATTRAPÉ PAR SON PASSÉ, comme clame le bandeau agressif de la couverture).
Du côté des nouvelles têtes de cet opus, le premier qui vient à l'esprit est l'assassin de l'histoire. Il ne s'agit pas du colonel Moutarde avec le potjevleesch périmé dans la véranda, mais d'un tueur de femmes enceintes. Des meurtres, du feu, des allusions religieuses, des militants anti-avortement illuminés, une journaliste aux dents assez longues pour se prendre les pieds dedans, un Keyser Söze à gages aussi légendaire que fantômatique et même des directeurs de collection en goguette (je soupçonne le personnage de Maxime Guillon d'être un croisement entre Gilles Guillon et Maxime Gillio, qui furent tous deux à la tête des Polars en Nord).
De quoi se mettre sous la dent à profusion vu la masse d'éléments proposés dans ce roman. Si tu as peur de te sentier largué, pas de panique. L'intrigue et ses développements sont très bien construits, le propos est clair, idem les explications des tenants et aboutissants. Piacentini rime avec maîtrise et rigueur (du moins si l'on en croit le traité de poésie d'Yvain, chevalier au lion, petit pédestre et expert en rimes triples).


Ce que j'ai apprécié dans ce bouquin, c'est le sens de la retenue.
Des femmes enceintes assassinées, il serait facile de tirer à deux mains sur la corde sensible et de jouer la grande symphonie du pathos auprès du lecteur. Piacentini trouve le ton juste entre les caisses de tire-larmes sponsorisées par Kleenex et l'excès inverse, le traitement clinique désincarné en mode Les Experts.
Même chose concernant les meurtres, ou pour être plus précis le traitement des cadavres. le tueur emploie une méthode que même moi je désapprouve (c'est dire le niveau, quand on connaît mon amour pour le pal, l'écartèlement, la roue, le lavement au verre pilé…). D'aucuns auraient décrit par le menu l'état pas racontable des corps en trois pages dégoulinant de supplices et de tortures, une facilité récurrente dans le polar et le thriller pour susciter à moindres frais l'horreur du lecteur. Ici, pas de description gore interminable et surchargée. du court, de l'allusif, des faits stricts, et à l'arrivée une vraie horreur, grâce à cette économie de mots et d'effets. Même esprit que la fin du film Se7en : on ne voit pas le contenu de la boîte en carton, la force de la scène vient là.
Du noir, donc, mais pas que. C'est quelque chose que j'aime beaucoup chez Piacentini : tout n'est pas que mort, ténèbres, grisaille et lecture anxyogène. le roman s'offre des moments de légèreté, souvent centrés sur les personnages féminins. Je pense à la tendresse un peu rude de mémé Angèle ou à Monique l'improbable secrétaire péroxydée (scène d'anthologie !). Mention spéciale au fil narratif autour de la légiste et son latin loverrrrrr qui ne manque pas d'r. Cette enquête dans l'enquête prend par moments des allures d'aventure de Scooby-Doo avec ses visites de caves et de cimetières à la lampe torche. L'auteure parvient à alléger l'atmosphère globale grâce aux duettistes d'enquêteurs amateurs, tout en gardant un équilibre pour ne pas verser dans la pantalonnade.


Comme les autres titres de la série, Vendetta chez les Chtis repose sur ses personnages. C'est LE point que j'adore chez Piacentini, parce qu'elle ne se contente pas de suivre le manuel d'écriture.
Quand tu t'en tiens à la recette, chaque protagoniste a son caractère, son look, son passé, sa façon de s'exprimer, tatati, tatata. Les bons cuistots obtiennent un sans-faute au plan technique… mais… Il manque quelque chose, parce que les personnages ne sont jamais que ça : de la technique. Tu sens toujours quelque part la créature artificielle, le golem romanesque.
Et ce n'est pas qu'une question de réalisme ou d'authenticité. Tu peux mettre dans un personnage toutes les anecdotes que tu veux, tirées de la vie réelle, il aura l'air vrai mais il ne sonnera pas forcément juste.
La différence entre un bon et un excellent personnage (et donc entre un bon et un excellent auteur), c'est ce petit truc en plus, au-delà de la stricte construction littéraire. Piacentini ne met pas en scène des personnages, elle raconte des gens. Son truc à elle s'appelle l'humanité.
L'humanité coule assez de source chez les “gentils” pour ne pas s'appesantir dessus. On la retrouve aussi du Côté obscur. Les méchants ne sont pas juste des antagonistes présents pour des raisons narratives, ni des super vilains de foire agitant leur cape noire au rythme de leurs ricanements sardoniques. Des ordures, oui, mais avec une facette humaine, qui peut se manifester par des blessures qui les ont fait basculer du mauvais côté ou par l'hybris propre à notre espèce.
Derrière ces assassins qui font figure de méchants “officiels”, on trouve les pourritures de l'ombre, les vrais méchants : les puissants, les nantis, les institutions, les figures d'autorité qui n'assument pas leur rôle de garde-fou, les parents plus soucieux du qu'en dira-t-on que du bien-être de leurs gamins, tous ces gens qui font passer argent, pouvoir et orgueil avant le reste. le pire tueur en série est loin, très loin, d'atteindre leur score en matière de victimes.
Lien : https://unkapart.fr/vendetta..
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