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Critique de Sando


Exclu des systèmes traditionnels qui régissent notre société, mais différent des clochards alcooliques qu'il côtoie au quotidien, le narrateur de « Station Rome » évolue entre deux mondes. S'il est devenu complètement étranger au premier, il refuse néanmoins d'appartenir au second, préservant une certaine dignité ainsi qu'un esprit lucide et particulièrement acéré. Lui, le « paria », le « parasite » a choisi de purger sa peine dans les rues de Paris, dans le métro, mendiant quelques euros à des passants trop pressés. Il a décidé d'endurer le froid et la faim pour se punir d'un crime trop lourd à porter, convaincu que la rédemption viendra par la souffrance…

Construit sous la forme d'un journal intime, le lecteur suit le quotidien de cet ancien pianiste talentueux, tombé en disgrâce, sur une période d'un mois, en plein hiver. Il assiste, impuissant, à la lutte enragée de ceux qui n'ont rien. Une lutte pour survivre, pour protéger leurs maigres biens, leur territoire. Un combat quotidien et sans fin pour se nourrir, pour ne pas mourir de froid. Et tous les jours, devoir affronter l'indifférence, le dégoût où la pitié des passants. N'être plus rien aux yeux du monde… Mais le narrateur s'en moque, c'est sa punition après tout pour avoir fait du mal à Ariane, cette violoncelliste prometteuse dont il était épris. Une obsession qui prend corps au fil des pages, jusqu'à pousser l'ancien musicien vers la folie…

Vincent Pieri surprend avec ce premier roman parfaitement maîtrisé et abouti, dominé par une tension croissante, implacable. Deux univers s'y côtoient, celui de la rue avec sa solitude, sa misère crasse et sa dureté, et celui de la musique, avec ses concerts, ses répétitions et sa beauté enivrante, obsédante. Un art capable de rendre fou les plus sensibles, les plus exaltés. L'on navigue sans cesse entre présent et réminiscences d'un passé douloureux, impossible à oublier. La forme du journal intime rend le texte plus vivant, plus intense. le lecteur devient témoin, voyeur, d'une vie qui n'est pas la sienne. Il est rendu complice de cette descente aux enfers, de cette autodestruction volontaire, ce qui rend le texte d'autant plus fort et bouleversant. Les mots sonnent justes, malgré leur violence et la colère qu'ils renferment. Les réflexions du narrateur sur les SDF sont percutantes, effrayantes de réalisme et de dureté. J'ai vraiment eu un gros coup de coeur pour ce récit percutant et bien mené, qui prend le lecteur en otage pour lui ouvrir les yeux sur un monde qu'il traverse sans le voir. Il est évident qu'après un roman comme celui-ci je ne regarderai plus les sans-abris du même oeil…
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