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Critique de Filox


Pour démarrer cette critique, j'emprunte cette phrase de Pascal, cité dans la postface du livre :
« Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger » Witold Pilecki est l'un d'eux.
Sous-lieutenant de cavalerie, il s'est porté volontaire et s'est arrangé fort discrètement pour, à l'occasion d'une rafle à Varsovie, se faire interner en septembre 1940 dans le camp d'Auschwitz. Il y fonde la Résistance, exporte son rapport dès qu'il trouve une occasion favorable vers l'armée secrète polonaise, et met en place une organisation résistante au sein du camp, pour préparer une insurrection, qui n'aura jamais lieu. Il s'évadera du camp en 1943.

C'est donc un témoignage, précis, éclairant, factuel et qui nous permet aussi de mieux connaître le rôle de la Pologne lors de la 2 ème guerre mondiale.

En ce qui me concerne, cette lecture qui a suivi une visite récente aux camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz, est une de celles qui devrait être déclarée d'utilité publique et si elle nous met face à l'abyme de la barbarie, elle nous rappelle qu'elle fut le fruit d'une doctrine, d'une politique et d'un projet certes fou mais bien réel et pragmatique et glaçant utilisateur rationnel des sciences et techniques de son temps.

Je vous renvoie à trois citations que je publie simultanément à cette critique, pour vous faire une idée du ton et de la teneur du rapport. C'est la dimension irremplaçable de l'écriture, écriture non littéraire d'un témoin direct qui me touche le plus, il l'a écrit pour nous, sans doute moins brillamment que Primo Lévi , mais à chaud, petit à petit, en direct….Lecture essentielle aujourd'hui, car comme l'a rappelé hier le pape François le soir de sa visite à Auschwitz- Birkenau et devant les jeunes : « le dois dire la vérité, la cruauté ne s'est pas arrêtée à Auchwitz et à Birkenau »
La mesure du courage pour affronter la cruauté est contenue aussi dans le témoignage, pour agir, de Pilecki.

Je vais simplement, à ce stade, tenter de partager au mieux les points qui me restent à l'esprit après ma lecture.

- Nous suivons les étapes de la construction et de la gestion des camps d'Auschwitz. Au départ le but est de neutraliser les classes dirigeantes polonaises. Les slaves sont de bons travailleurs, ils ont donc destinés à être des esclaves, sont priés de laisser leur terres, pour garantir un espace vital suffisant au « vrais » hommes du Reich. Les intellectuels seront prioritairement décimés, car la mort frappe ceux qui n'ont pas le sens pratique, des corps inaptes au travail, qui ne respectent pas des consignes cyniques, car c'est bien un régime de terreur qui est instauré dès les débuts. Trois appels par jour, rester au garde à vous des heures entières dans le froid, etc...Pilecki décrit tout cela, cite certains kapos, tueurs en série érigés en manageurs du camp ou de leur block.

- Il résume les conditions de survie de la manière suivante : « Tirer bénéfice de toute générosité et y répandre la générosité. Car on ne pouvait survivre qu'en se reposant sur des liens d'amitié, de travail manuel et d'entraide. Ceux qui ne se liaient pas aux autres, ceux-là mouraient vite ». Deuxième grande obsession, se retenir de manger ce qui était indigeste, et puis ne pas tomber malade, et puis avoir beaucoup, beaucoup de chance. Il nous indique que les français mouraient plus rapidement que n'importe quel autre peuple, car je cite : « Ils n'étaient pas aptes au travail et manquaient de camaraderie, ils étaient malingres, souffreteux et bêtement réfractaires »

- En 1941, 700 prisonniers de guerre, des officiers soviétiques furent gazés, par l'acide prussique, après avoir été entassés dans des conditions inimaginables, les autres, périrent gelés, car laissés nus à l'extérieur. Puis ce fut la mise en oeuvre de la solution finale pour les juifs d'Europe et la mise en place de la sélection, triste spécificité d'Auchwitz-Birkenau : 80 % des arrivants étaient gazés directement, les 20 % orientés vers le camp de « travail » bénéficiant d'une durée de vie moyenne de 3 mois, dans des conditions inimaginables, et que d'ailleurs Pilecki ne connut pas, une post-face très bien faite, complète son rapport par les faits qu'il n'a pas pu connaître.

- Il nous décrit, les tromperies ignobles qui incitaient les juifs à venir travailler dans les camps, certains payant même leur voyage, car des témoignages écrits (sous la dictée bien sûr!) de leur famille dressaient un tableau favorable de la situation. Que dire des effets positifs sur la vie économique des camps, voire de l'amélioration de l'ordinaire, car en effet, il y eu une deuxième vie des objets, des vêtements emportés par les juifs. La plate-forme de tri et de trafic fut nommée le Kanada … Auschwitz devint précise Pilecki une source d'où diamants et or commencèrent à couler.
La soupe même s'améliore, puisqu'elle est constituée des rejets mélangés en vrac dans de grandes marmites, rejets des meilleurs colis, désormais autorisés, dont ceux de France, qui approvisionnent directement la cantine des SS.

En 1942, l'effort de guerre s'intensifie, on efface les traces des meurtres précédents en faisant déterrer des dizaines de milliers de cadavres des tranchées. Puis l'industrialisation de la mort s'emballe encore par la construction de 4 complexes gazage/fours crématoires à Birkenau, capacité : 12000 victimes par jour ! tandis que l'assassinat en masse des malades du typhus par injection de phénol directement dans le coeur bat son plein à « l'hôpital ». Les sonderkommandos, chargés de gérer l'extermination industrielle renommée « épouillage » sont aussi évoqués avec des mots très forts eux qui furent qualifiés par Primo Lévi comme constituant le crime de plus démoniaque du National-Socialisme.

- le rapport se termine par le récit, épique, de son évasion, et de son retour à la Terre , car c'est ainsi qu'il nomme le reste du monde sauf Auschwitz dès les premières pages de cet exceptionnel témoignage dorénavant, et c'est très récent, sauf erreur de ma part traduit en français. Si, vous n'avez encore d'avoir lu sur Auschwitz, ou si vous avez le sentiment d'avoir trop lu sur la Shoah, ce livre est pour vous ! Cela n'engage que moi, bien entendu !



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