Les trésors de la vie

Connie s’examina soigneusement sur toutes les coutures pour la millième fois depuis qu’elle était adulte : ses lèvres auraient pu être plus charnues, son nez un soupçon plus long, et ses pommettes étaient un rien trop rondes.
L’ensemble n’était pas comparable à la beauté classique de Lara qui frôlait la perfection. Elle ne s’en affligeait pas outre mesure car elle était beaucoup plus séduisante, elle le savait bien et même trop.
L’important, c’était d’user à bon escient de ce pouvoir de séduction.

Le marché est en pleine expansion. N’importe qui peut voir cela. Et puis, on n’arrive à rien si on ne risque rien. Il faut être prêt à prendre des risques. C’est de cette façon qu’on a construit ce pays. Tous les grands inventeurs, tous les industriels ont pris des risques.

C’est vrai ce qu’on dit : quand la mère disparaît, la famille éclate.

Connie avait cet air des femmes des années vingt, un air qui était en train de redevenir à la mode ; elle avait les lèvres charnues d’un Cupidon effronté, un nez court et droit et ses sourcils faisaient deux arcs gracieux et minces au-dessus d’yeux noirs pleins de vie. En règle générale, elle était enjouée et savait tirer le meilleur parti de son physique. On se retournait sur elle. Pourtant, on disait toujours que la vraie beauté c’était Lara. Elle avait ce qu’on appelle une «  bonne ossature » , un visage d’un ovale parfait, des yeux bleu outremer, un regard contemplatif.

«  Vous avez vu ce qui est arrivé ? Vous savez, on m’a dit… »
La nouvelle fut commentée dans toutes les réceptions de tous les beaux appartements de la Cinquième Avenue ainsi que dans les grandioses résidences secondaires et dans le Connecticut. «  Tout le monde l’adorait, disaient les gens, avec compassion et stupéfaction. Un homme si brillant, si charmant, si gentil. Je n’ai jamais connu quelqu’un de plus généreux. Tout le monde est d’accord là-dessus. Je n’arrive pas à y croire ! Que s’est-il passé ? Comment expliquer une chose pareille ? »