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Critique de popie21


C'est peut-être en partie parce qu'il était un auteur belge que Charles Plisnier a manqué de peu le Goncourt pour son précédent ouvrage "Mariages", mais c'est en ajoutant une nouvelle inédite nommée "Iégor" à un recueil de nouvelles partiellement éditées qu'il retente sa chance en 1937 avec "Faux Passeports". Bien lui en a pris car il a finalement remporté ce prix convoité et amplement mérité du premier Goncourt "non-Français". C'est grâce aux Éditions Espace Nord que chacun peut aujourd'hui découvrir ou redécouvrir cet ouvrage qui présente un double intérêt.

Le premier c'est pour moi la redécouverte d'une page d'Histoire. En effet, ce livre, recueil de cinq nouvelles sur le thème de la lutte de l'Internationale communiste, a ressemblé pour moi à un "Rendez-vous en terre inconnue», le communisme n'étant pas une période ni un mouvement qui m'intéresse particulièrement, j'ai donc fait des révisions intensives et finalement très intéressantes. L'auteur appartenait à l'Internationale communiste et en fut chassé en 1929 au congrès d'Anvers pour avoir choisi le camp des trotskistes. A l'instar de l'auteur, le narrateur dont il se démarque pourtant avec une insistance suspecte "Le "je" de ce livre n'est pas moi." a suivi le même parcours. Il nous conte donc à travers cinq nouvelles des rencontres faites au gré de son parcours, des rencontres fortes et marquantes pour lui, révélatrices d'une époque clef de l'Histoire.

C'est ici que réside le second intérêt de ce livre, car Plisnier nous montre à l'aide de son narrateur, le portait d'une époque en souffrance, où les protagonistes luttent pour un idéal qui leur échappe, où il fait le constat navrant de la dérive communiste au moment où Staline organise les procès de Moscou. Ce constat est ici fait sans amertume, sans critique acerbe, bien plus, il est fait avec de l'amour, l'amour d'un Parti qu'il ne reconnaît plus et l'amour des ces êtres qui s'y sont dédiés corps et âmes, convaincus jusqu'au bout, défenseurs du Parti envers et contre tout, "On peut donner au Parti autre chose que sa vie."

L'écriture de Plisnier est très belle, très académique, parfois un peu trop alambiquée à mon goût mais il ne faut pas oublier qu'elle date de 1937, il m'a donc fallu un certain temps pour en tirer toute la substance. Ben oui parce qu'aujourd'hui on cause quand même beaucoup moins bien, mais on va me dire allons petite réac, la langue évolue, il faut vivre avec son temps, alors Yo Charles, je t'ai kiffé grave ! Malgré quelques paragraphes qui m'ont semblé un peu longuets, il nous sort des petites merveilles d'une grande sensibilité qui dénotent non seulement un grand intérêt pour l'être humain en général mais également une clairvoyance admirable quant aux jugements qu'il porte. Et comme le suggère la postface c'est effectivement l'histoire de Iégor qui a définitivement fait pencher ma balance en faveur de ce roman, un magnifique portrait à ne pas manquer.

Parlant de postface, je dois avouer que celle-ci, écrite par Pierre Mertens est très intéressante et m'a beaucoup aidée pour décoder les feuilles de Plisnier car - non le Plisnier n'est pas un arbre ! Hum... - car, donc, j'en avais bien besoin ! J'en recommande donc la lecture à quiconque qui, comme moi, se sentirait un peu perdu dans cet univers dédié à l'Internationale communiste. L'essentiel est donc, qu'au delà de l'Histoire de ce parti, c'est le parcours de ces individus, leur force de caractère, leurs idéaux, leur dévouement qui permet de comprendre un peu mieux les rouages d'une grande machine capable d'emporter dans ses entrailles des femmes et des hommes dépassés par la folie de l'Histoire.
En cela, ce livre constitue une analyse unique et implacable, que je crois transposable à de nombreuses autres situations politiques ou religieuses, de l'embrigadement inconscient capable de pousser à toutes les extrémités et c'est un coup de génie que Plisnier nous livre avec un temps d'avance sur son époque.

Merci aux Éditions Espace Nord et à Masse Critique Babelio.
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