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Critique de Kirzy


Un livre qui secoue, et pas uniquement parce qu'il chamboule la syntaxe habituelle, aucune ponctuation, des retours à la ligne comme dans une poésie, des vers libres sans rime.

Ce genre de procédé peut vite tourner à vide et sentir l'artificiel à plein nez , sauf que là, il prend une ampleur dingue en scrutant le quotidien à l'usine d'un intérimaire. Comme si l'usine dictait son urgence.

A la ligne donc pour chaque phrase.
A la ligne de production, l'autre nom euphémisant politiquement correct pour désigner le travail à la chaîne.
Chaque ligne pèse une tonne et revient sans fin, heure après heure, jour après jour avec son lot de souffrances, précarité, horaires délirants, aliénation du geste répétitif, corps maltraités, de la conserverie de poissons à l'abattoir.

L'usine comme une balle dans la gueule, comme une déflagration mentale et physique.
Une lutte des classes.
Une lutte tout court. Souvent l'auteur fait des parallèles avec la Première guerre mondiale, audacieux mais limpide lorsqu'on le lit.

Un récit autobiographique. Joseph Pontus écrivait chaque soir deux heures pour ne rien oublier des détails du quotidien. Pas un intellectuel à l'usine pour voir comment c'est, juste un homme qui n'a pas le choix s'il veut bouffer. S'en suis une chronique de l'usine dans laquelle l'humour a toute sa place, malgré tout, surtout malgré tout :

« Certains ayant vécu une expérience de mort
imminente assurent avoir traversé un long tunnel
inondé de lumière blanche
Je peux assurer que le purgatoire est juste avant le tunnel de cuisson d'une ligne de bulots. »

Une journal intime empli de poésie où on découvre que les souvenirs de vers d'Apollinaire, de Hugo, de Cendrars, des chansons de Trénet peuvent vous faire tenir dans l'adversité. Le manuel rejoignant l'intellectuel.
Un livre de fraternité même si le capitalisme a gagné. Des bonbons Arlequin Lutti que l'on suçotte avec «  les yeux ronds de la joie enfantine » pour fêter un anniversaire, parce que le patron en a plein dans son bureau.
Souvent bouleversant.

«  L'autre jour à la pause j'entends une ouvrière dire
à un de ses collègues
Tu te rends compte aujourd'hui c'est tellement
speed que j'ai même pas eu le temps de chanter. »


Tout aussi bouleversant que le passage à La Grande Librairie de l'auteur où il a dit avec classe et sincérité que lui, le chômeur ( les usines dans lesquelles il travaillait n'ont pas vraiment aimé son livre ), s'il devenait riche grâce aux livres, se referait les dents, parce que, les dents, ça coûte cher.
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