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Critique de HundredDreams


Cette lecture de l'auteure allemande Marion Poschmann m'a été conseillée par Bookycooky, suite à ma lecture de « Cent onze haïkus » de Bashô Matsuo. En effet, ce petit roman de deux cents pages suit les traces de ce poète du 17ème siècle. Considéré comme un des grands maîtres classiques du haïku japonais, Bashô s'est détourné de la société pour devenir moine itinérant.

*
Gilbert Silvester, le narrateur, se réveille un matin après avoir rêvé que sa femme le trompait. Quiconque ferait un tel cauchemar se dirait que ce n'est qu'un mauvais rêve, mais lui s'enferme dans cette idée, persuadé que sa femme de trop bonne humeur depuis quelques temps lui est infidèle. Furieux, il l'interroge, mais elle nie.
Sur un coup de tête, il s'enfuit de son domicile et choisit de partir à l'étranger en prenant le premier vol international disponible. C'est ainsi que, par le plus grand des hasards, il atterrit à Tokyo.

Là, inexplicablement, il achète les récits de voyage de Bashô Matsuo et décide de suivre les traces du célèbre poète et de partir à la recherche des célèbres pins de Matsushima.
En se détournant du monde, il espère porter un regard neuf sur sa vie et lui donner un nouveau souffle.

« Gilbert trouvait que son propre projet pour se détourner du monde était préférable.
Pins noirs sur une falaise, solitude, autarcie et embruns salés. »

En chemin, il rencontre un jeune étudiant japonais, Yosa Tamagotchi, sur le point de mettre fin à ses jours en se jetant sous les rails du métro. Gilbert décide le distraire de ses pensées morbides en le prenant sous son aile et en l'emmenant avec lui.
C'est ainsi que tous deux partent sur les traces du maître du haïku, Gilbert pour admirer la lune au-dessus des îles aux pins de Matsushima, Yosa pour trouver l'endroit idéal à son suicide.

*
Ce roman est assez étrange et ambigu, mais sans jamais être déprimant. Au contraire, l'écriture de l'auteure est emplie de poésie, de mélancolie, de douceur, comme une invitation à la contemplation et à l'introspection.
Marion Poschmann capture avec légèreté le souffle chaud de la brise marine, la beauté fugitive des saisons, la splendeur de la nature, le jeu changeant des couleurs, l'odeur des conifères.

« La forêt de hêtres est déjà roussie par l'automne, comme un malade qui penche vers la mort… »

La nature y est prédominante.
La nature y est reine, livrant au lecteur de magnifiques descriptions.

« La forêt ouvrait ses grandes ailes noires, se fermait sur eux en gémissant, se rétractait pour devenir de plus en plus dense. À qui voulait-on échapper quand on pénétrait dans cette forêt ? Un puissant organisme de feuilles les enveloppait de son humidité, les enveloppait de son bruissement imposant, de souffles et de chuchotements, de l'exhalaison d'une pourriture de mauvais augure. »

*
Gilbert adopte le journal de voyage, suivant ainsi les traces du maître, composant, au gré des paysages et des rencontres, des haïkus comme de petites touches impressionnistes.

La justesse des mots pour sublimer l'ordinaire.

D'une poignée de mots, suspendre l'instant présent.
D'une brassée de mots, dépeindre des impressions fugitives.

« Lourde de larmes reste
ma manche, elle ne sèche pas –
telle une pierre en mer
que même la marée basse
recouvre, nul n'en sait rien. »
*
Mais les mots de l'auteure déroutent, l'idée de la mort se superpose à la beauté des paysages.
Le lecteur, tenu intentionnellement dans le flou, ne sait pas si Gilbert rêve ou imagine ce compagnon de route.

Je me suis posée beaucoup de questions qui parfois n'ont pas trouvé de réponse : Ce voyage est-il physique ou intérieur ? Quelle est la part de réel et d'imaginaire ? Yosa est-il réel ou existe-t-il uniquement dans la tête de Gilbert ? Quelle est la finalité de ce récit qui s'achève de manière si abrupte ?



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Pour conclure, ce récit est une expérience de lecture assez particulière, intrigante et originale, mais qui ne plaira pas à tout le monde. Tout au long du récit, j'ai ressenti une sorte de fascination et d'étrangeté, avec cette curieuse impression de lire un auteur japonais.

Cette lecture m'a intéressée, sans être pour autant un coup de coeur. Merci Bookycooky pour cette lecture, elle sort vraiment de l'ordinaire. Je serais ravie si d'autres lecteurs s'exprimaient sur ce roman et ses multiples interprétations.
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