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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Those that is damned (épisodes 24 à 27). Il comprend les épisodes 28 à 31, parus en 2008. le scénario et les illustrations sont d'Eric Powell, la mise en couleurs de Dave Stewart.

Buzzard a réussi à trouver comment faire obéir Priest et il entend bien en tirer profit pour lutter contre le nouveau caïd de la ville. Mais le familier de Priest ne l'entend pas de cette oreille. Goon a décidé de réagir contre la tentative de mainmise sur ses opérations clandestines : il se lance dans un tabassage en règle de tous ceux qu'il soupçonne de verser une commission au nouveau caïd. le mystère du retour de Mister Wicker pèse toujours lourdement sur les esprits, en particulier celui de Mirna. Charlie Mudd fait preuve d'un comportement un peu erratique et de plus en plus violent. Isabella arrive en ville. Et puis il y a Cloyd qui a mis sa mule à faire le trottoir avec un nouveau rouge à lèvres.

Tout est affaire de dosage : le précédent tome manquait un peu d'intensité, Eric Powell n'avait pas su trouver le bon équilibre entre les ingrédients. Ici, dès les premières pages, le lecteur sent que la mayonnaise prend, la saveur est inimitable et le résultat est succulent du début jusqu'à la fin. du coup, le contentement survient malgré la brièveté du tome (seulement 4 épisodes).

Dès le début, Eric Powell replonge dans le monde cafardeux de Buzzard, mais en lui donnant un rôle actif. Ce personnage n'a rien perdu de son tragique, par contre il refuse à nouveau d'être la marionnette du destin. Eric Powell lui donne une scène magnifique en cours de volume, avec plusieurs illustrations mettant en évidence sa déchéance physique et sa détermination inébranlable. À nouveau, Powell a l'art et la manière de transformer un personnage grotesque conçu au départ comme ressort comique, en un monstre tragique et pathétique. Il m'a été impossible de ne pas m'apitoyer sur le sort de Charlie Mudd, tellement l'expression de sa douleur est bien rendue au travers de son comportement, mais aussi de son langage corporel et de son expression du visage. Je ne connais pas beaucoup d'artistes capables de faire croire aux sentiments d'une créature aussi difforme, à ceux d'un individu aussi fruste.

Eric Powell fat également très fort, et très politiquement incorrect avec Franky qui s'interroge sur la pertinence de la dénomination "syndrome du bébé secoué" qu'il rebaptiserait volontiers du nom de "cou flasque". Là encore en 2 cases, Eric Powell fait dire des horreurs à Franky tout en lui donnant un air attristé du fait de l'incohérence apparente du monde autour de lui. C'est une leçon d'humour (très) noir en 2 cases qui définissent à elles seules le personnage tordu de Franky.

Or dans ces 4 épisodes ces moments en apparence banals se succèdent page après page sans aucune baisse de régime. Powell réussit le tour de force de créer une ambiance dense, totalement immersive, avec des cases en faible nombre par page (entre 3 à 5 par page). Il a un trait de crayon tellement expressif, et un style tellement personnel que le lecteur est happé par le récit, par ce monde étrange, grotesque, violent et dérivatif. Il y a dans le premier épisode ce passage où Goon s'en prend à la mule de Cloyd. Dans une double page incroyable, Goon assène un terrible coup de poing à la mule. Dans quel autre comics (ou même bande dessinée) une telle action peut elle avoir du sens ? Être à la fois terrifiante et drôle ? Qui à part Powell est capable d'une telle audace et d'une telle réussite ?

Or cette histoire ne se résume à ces quelques scènes de l'épisode 28. Eric Powell s'intéresse de plus en plus à son personnage principal et à son destin tragique. Il reprend les éléments de Chinatown and the mystery of Mr. Wicker et les intègre avec maestria à cette guerre entre 2 caïds. Non seulement le récit tient en haleine parce qu'il est impossible de deviner dans quelle direction va aller l'histoire, mais en plus Powell développe ses personnages, leur confère des émotions vives et profondes et les transmet au lecteur. Impossible de rester de marbre devant les interactions entre Goon, Mirna et Isabella. le destin est en marche de manière vicieuse et implacable. Goon est une grosse brute, marqué par ces jeunes années et ses premières expériences d'adulte. À nouveau Powell se montre un conteur habile en jouant à la fois sur l'humour noir de ce gros bras qui règle tout à coups de poing (c'est celui qui cogne le plus fort qui gagne), à la fois il en fait un individu tragique englué dans ses schémas psychologiques, terriblement humain.

Avec ce tome, Eric Powell retrouve le juste équilibre entre humour noir et polar tragique pour narration ramassée et efficace, comme un uppercut sans pitié. Les épreuves de Goon se poursuivent dans Death's greedy comeuppance (minisérie "Buzzard" 1 à 3, et "The Goon" 32 & 33).
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