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Critique de UnKaPart


En 1983, Tim Powers frappe un grand coup avec Les voies d'Anubis. Un peu trop même, au point d'éclipser le reste de son oeuvre.
Avec K. W. Jeter et James Blaylock, Powers est considéré comme un des pères fondateurs du steampunk. Grosso modo, tu mélanges période victorienne, uchronie et artefacts SF bricolés avec les moyens de l'époque. Dans Les voies d'Anubis, nous sommes en 1810, alors que Victoria n'en est même pas au stade de l'ovule. Brenda Doyle débarque du XXe siècle à bord d'une machine à remonter le temps contemporaine… et atterrit dans une réalité alternative pleine de magie. Dit comme ça, le roman colle à environ 0% de la définition que je viens de donner, mais c'est du steampunk quand même. Comment une oeuvre fondatrice du genre pourrait ne pas en être, je te le demande ?…

A l'image de Rocco Siffredi, ce roman est un fourre-tout. On ne sait par quel bout le prendre (le roman, pas Rocco).
En vrac… On démarre sur un clin d'oeil à Wells via un versant SF à base de voyage dans le temps et de paradoxe temporel. On poursuit en SF avec un XIXe s. alternatif propice à l'uchronie – la situation entre la France napoléonienne et l'Angleterre georgienne n'est pas celle qu'on connaît. Vient se greffer une composante fantasy qui met en scène sorciers, magie et dieux égyptiens. L'ensemble s'assaisonne d'une foultitude de références. La littérature anglaise en premier lieu (Byron, Coleridge, Dickens), domaine de prédilection de Brendan, mais aussi française (Victor Hugo pour la Cour des Miracles, Les Mystères de Paris d'Eugène Sue) et américaine (Edgar Allan Poe), ainsi que les séries B et le cape et épée (péripéties, enlèvements, bastons, cohortes de sbires), les comics (super-vilains avec costume, pouvoirs et gadgets), les pulps (Lovecraft et compagnie pour la magie noire égyptienne et la secte de sombres adorateurs).
Powers, comme son nom l'indique, dispose de super-pouvoirs, à commencer par celui de changer cette improbable hétéroclité en cohérence. Parce que c'est bien beau d'avoir des idées et de se montrer inventif – trente ans plus tard, ce roman l'est toujours –, encore faut-il que le bousin ressemble à autre chose qu'une bouillie glaireuse. A aucun moment tu ne sens l'édifice bancal ou capilotracté, son univers se tient de bout et bout, solide. Il réussit le mélange des genres et des thèmes sans recourir à des artifices foireux (c'est comme ça, c'est magique), sans qu'une incohérence de fond vienne torpiller sa construction. Powers bâtit un monde riche et dense, avec assez de talent pour le rendre clair et accessible : Les voies d'Anubis n'ont rien d'impénétrable.

Powers ne se limite pas au guide touristique juste pour le plaisir d'étaler sa création aux yeux du lecteur. Là où d'autres ne planteraient qu'un décor joli mais inutile, il exploite chaque élément de son big bazar. Et il le fait bien. A mi-chemin entre Diderot pour l'érudition et Stephen King pour le talent de conteur, Powers travaille son matériau et le rend accrocheur tout en esquivant les bavardages pompeux et pompants.
A la manière des feuilletons du XIXe, le récit s'apparente à une fuite en avant ininterrompue, trépidante et rocambolesque, qui t'embarque de rebondissement en péripétie et t'amène à croiser des personnages plus hauts en couleur les uns que les autres. Mais jamais tu ne lèves les yeux comme devant un blockbuster : ici, les scènes s'enchaînent avec logique et cohérence, pas à la va-comme-je-te-pousse juste parce que c'est fun ou dans le scénar.
Le toutim – ou tout Tim – se réapproprie les codes de la littérature du XIXe, depuis les histoires de vengeance d'héritière spoliée camouflée en mendiante, jusqu'à l'exploration des bas-fonds qui formera le terreau du roman social. Powers remet le feuilleton au goût du jour, en version modernisée : un vrai roman d'aventure avec de l'imagination dedans, l'humour en prime.
Lien : https://unkapart.fr/les-voie..
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