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Critique de Nicolas9


Nous sommes au milieu des années 2000 en Espagne. Un professeur d'université de Madrid apprend soudainement que son père n'est pas son géniteur. Celui-ci est un Français, héros de la résistance qui a abandonné sa femme enceinte pour des motifs opaques.
Commence alors un vertigineux retour dans le temps. le narrateur, Julio, entend de la bouche d'un ancien ami de ses parents naturels, l'inclassable biographie de son père.
On se retrouve tout d'abord à Madrid, au début des années 50. Franco a finalement réussi à annihiler toute la fierté et la noblesse du peuple espagnol pour le transformer en un troupeau affamé, craintif et ultraconservateur.
Pourtant, on comprend que le noeud de l'intrigue se situe en réalité dix ans plus tôt dans les catacombes du Paris résistant...
Sous prétexte de raconter la vie tumultueuse d'un résistant de la première heure, Juan Manuel de Prada nous livre une superbe fresque historique qui débouchera sur un épilogue inattendu !
Le ton juste à travers lequel il dépeint ses personnages et l'éblouissante peinture du contexte délétère des années 1940-1960 (des deux côtés des Pyrénées !) donne un magnifique roman, basé sur des faits réels.
En effet, pour rédiger cette saga de 700 pages, l'auteur s'est intensément documenté et cela se sent, tant les descriptions sont précises et sonnent juste. Un authentique régal.
J'ai été particulièrement impressionné par le sort peu enviable des « collaboratrices horizontales » des nazis, professionnelles ou simples jeunes filles françaises amoureuses de « bons Aryens » de leur âge : « La file des femmes, cortèges de spectres ou procession de pénitentes, passa à côté d'elle. Sur leurs chairs épicées par le vice, les traces de torture semblaient particulièrement cuisantes. Elles avaient été violées, marquées, au fer rouge comme des bêtes, soumises à des décharges électriques, brûlées au thermocautère ; on avait même arraché les mamelons à l'une d'entre elles... »
Le fait d'être espagnol permet à l'écrivain de livrer un reflet sans fard de l'Hexagone durant et après l'occupation. La glorieuse histoire de France en prend pour son grade, mais qu'on ne s'y trompe pas : c'est uniquement par souci de véracité historique que de Prada brosse ce tableau vitriolé de la Grande Nation. Un Français de souche n'aurait peut-être pas osé s'y risquer...
Si vous n'y croyez pas, lisez ce roman exceptionnel et vous découvrirez un pays que vous ne connaissiez vraisemblablement pas. L'amnésie collective a parfois du bon, à moins qu'elle ne soit carrément une nécessité. Ça n'est pas l'une de ses victimes, en l'occurrence le psychanalyste Boris Cyrulnik, qui dira le contraire.
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