Il avait 23 ans, il se souvient du bruit de la kalachnikov qui a tué son père en pleine nuit . Il se remémore son enfance, ces demi-journées journées partagées entre l'école et le travail dans les champs, son entrée au sein de la police aux côtés des forces occidentales et les menaces de représailles des talibans. Pour eux, Safi était un traître, malgré l'assassinat de son père il ne se soumettait pas.
Pour protéger le reste de sa famille et se protéger lui-même, il lui faut quitter les siens et partir. Premiers contacts avec des passeurs, quelques 10 000 km sur des chemins semés d'embûches, la faim plus prégnante encore que la fatigue, le désespoir puis l'espoir, les amitiés de paille dans les camps de réfugiés… et son regard au loin depuis le haut parvis de la gare Saint-Charles à Marseille. Sa volonté plus forte que tout conduira
Safi Mohammad vers ses rêves : apprendre le français, s'intégrer, travailler, fonder une famille… et transmettre son histoire.
Giovanni Privitera, universitaire et écrivain sera son ultime passeur, un ami, celui qui raconte, pas à pas, simplement «Une immersion authentique dans l'univers d'un migrant ordinaire, dans les méandres de l'exil et de l'impossible retour en arrière ».
Maintes fois pendant ma lecture, je me suis révoltée, maintes fois je me suis sentie coupable, installée confortablement pour lire une énième tragédie si bien écrite, comme celles qui font l'actualité, photos à l'appui. On parle maintenant de « l'
exil ordinaire d'un jeune afghan »! Effectivement, le parcours de
Safi Mohammad est ordinaire, il ne révèle pas de scènes de torture, pas de traversée dans un rafio qui va déverser son chargement en Méditerranée là où nous, touristes, nous baignerons avec délectation cet été, là où sur les plus beaux yachts ces mêmes touristes voyageront avant d'accoster, à quelques encablures des rives où des familles brisées seront débarquées avant d'être dirigés vers les camps de réfugiés.
Au-delà de me révolter contre moi-même de ma douce léthargie, je voudrais croire à nos gouvernants, croire à la force de l'Union Européenne, qui prennent tant de belles décisions pour aider les pays où règne la dictature…
Mon commentaire a finalement pris une autre tournure que le seul avis sur le livre bien documenté et très utile de
Giovanni Privitera, mais la littérature, portée par ses lecteurs, a le pouvoir et la force de mener certains combats.
Merci aux écrivains passeurs et à
Giovanni Privitera, aux ateliers
Henry Dougier qui veulent briser les clichés en racontant la société contemporaine, en donnant la parole à des témoins souvent invisibles et inaudibles. Merci à Babelio pour ses masses critiques non fiction.