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Critique de Kirzy


Après l'avoir découvert dans le superbe Les Incorrigibles, je retrouve le très attachant Victor Cognard dans sa première aventure. Pas de Guyane et de bagnes cette fois-ci mais direction le front de la Somme en 1915. le lieutenant de gendarmerie vient de prendre le commandement de la prévôté de la 22ème division d'infanterie. Confronté à un suicide plus que suspect, un meurtre déguisé en fait, il brave la double loi du silence de l'Etat-major et des soldats, décidé à mener l'enquête.

Si le roman est étiqueté polar / thriller, il faut tout de même reconnaître que l'enquête en elle-même est bien mince et sans grande surprise concernant son dénouement. J'aurais clairement apprécié des ramifications plus complexes, moins attendues et de façon générale plus de densité de ce côté-ci. On sent que l'enquête n'est qu'un prétexte, d'ailleurs elle démarre très tardivement dans le récit, à plus de cent pages et est souvent noyé dans la foultitude de détails historiques.

En fait, Place aux immortels est avant tout un roman historique qui restitue très justement la complexité de la Première guerre mondiale en décrivant une réalité méconnue : le rôle ingrat de la gendarmerie prévôtale durant la Grande Guerre. Ses membres avaient la périlleuse mission de faire la police sur le front dans une hostilité permanente, les soldats les considérant comme des planqués alors qu'eux combattaient, subissaient l'hécatombe, ou des emmerdeurs réprimant les excès de consommation d'alcool auxquels ils se livraient pour supporter l'enfer des tranchées.

Dès les premières pages, Patrice Quélard propose une immersion totale dans la Première guerre mondiale. On devine un travail de documentation massif sans que cela n'alourdisse le récit qui prend son temps à décrire très précisément le quotidien d'un poilu ou d'un gendarme prévôtal, jusque dans la description des différentes tenues arborées, comme si on y était. le lecteur apprend plein de choses de façon très accessible et fluide.

Comme la trame polar est modique, l'auteur fait vivre son roman par la force de l'incarnation proposée. Et ses personnages principaux sont formidables, à commencer par l'épatant Victor Cognard. Anticonformiste, idéaliste forcené citant Hugo, il se compare à Don Quichotte tant il ne supporte aucune concession à ses valeurs, prêt à tout pour faire éclater la vérité. La guerre ensauvage les hommes, brouille les repères moraux habituels.

Pour beaucoup, l'horreur de la guerre rend totalement mineurs et dérisoires les délits du quotidien. Quand seules comptent la survie et la victoire, que vaut la recherche de la vérité ? le meurtre d'un homme vaut-il la peine de trouver le ou les coupables si cela entache la réputation de l'armée et gêne l'effort de guerre ? Pour Victor Cognard, la réponse est oui, il faut toujours chercher à s'élever au-dessus de la médiocrité et ne jamais sacrifier ses idéaux, même si cela lui vaut des tourments de conscience quasi philosophiques.

On l'adore, le lieutenant Cognard avec son humanisme accroché en panache. Patrice Quélard le rend irrésistible en lui offrant un langage châtié et érudit associé à une intelligence aiguisée à l'escarmouche et à un humour pince sans-rire qui désarçonne ses interlocuteurs militaires. Les dialogues éclatent de vivacité, de truculence et de verve jubilatoire, faisant vivre le récit au-delà de son enquête et de reconstitution historique.

Très plaisante lecture.
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