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Critique de lebelier


Comme d'habitude – et c'est ce qui fait son charme – la lecture de Quignard requiert une mise en condition. D'abord, il ne faut pas chercher d'unité propre si ce n'est dans le titre même. Ensuite, il faut se laisser porter par les pensées et aphorismes, les définitions, les arguments presque les scolies comme on en trouve dans la scolastique en général et chez Spinoza en particulier.
Il s'agit ici d'une méditation sur l'amour qui débouche sur toute la vie qui se déroule en secret. On en arrive à des contre-vérités : par exemple, l'amour n'est pas le désir mais le regard de l'autre, le regard réciproque, le besoin d'un autre corps à côté de soi :

« Qu'est-ce que l'amour ? Ce n'est pas l'excitation sexuelle. C'est le besoin de se trouver tous les jours dans la compagnie d'un corps qui n'est pas le sien.
Dans l'angle de son regard.
A portée de sa voix. »

En ce concerne l'amour, toujours, c'est le sentiment de la vie secrète par excellence que la société réprouve puisqu'il empêche le lien social, s'éloigne de la communauté humaine.

« L'amour se fait à l'écart comme la pensée se fait à l'écart comme lire se fait à l'écart, comme la musique se conçoit dans le silence, comme rêver se fait dans la nuit du sommeil.

L'amour, enfin, est chaste au départ selon certaines idéologies. Chaste aussi parce secret, enfermé comme un bien précieux :

« Selon l'idéologie néoplatonicienne, soufie, cathare, courtoise l'amour était chaste. Sa définition était non sexuelle et tendait au contraire à l'inséparation. L'amour était même à leurs yeux le seul sentiment capable de désincarner le corps humain de son désir. »

D'autres mystères de la vie jalonnent le récit : ainsi la naissance, cette expulsion que l'homme inverse en pénétrant le corps d'une femme, Quignard émet l'idée de l'expulsion, du départ, de l'adieu jouissif. Finalement c'est la même idée que la mort, le passage d'un monde à l'autre.

« Nul homme n'est à sa source. Tout homme sort d'une femme qui hurle en hurlant. Nous fuyons le paradis en hurlant. Nous jouissons en hurlant. Nous quittons le monde en jouissant. le vrai quitte. le pur partir est jouir. »

Surtout, tout acte créatif renvoie à un désir passé tout intérieur que ce soit l'écriture, la composition. Celui qui crée – ce n'est certes pas nouveau- est une sorte d'oracle qui traduit, interprète sa vie intérieure comme une maïeutique.
De là une lecture exigeante -puisque l'écriture le fut – qui demande une bonne concentration donc ce livre doit être lu (ou pas mais ce fut mon cas) à dose homéopathique, le temps de digérer le propos. On pourrait reprocher à l'auteur de passer un peu du coq à l'âne comme dans un rêve mais n'étant pas un fervent rationaliste ni un cartésien, cela ne m'a aucunement dérangé. Encore une fois, la lecture de Quignard est édifiante et nous apprend des chaises non seulement sur le langage -philologie oblige - mais sur nous-mêmes. Pour tous les contemplatifs et autres ruminants de la pensée.



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