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Critique de Arimbo


Le livre du Professeur Quintana-Murci, Professeur au Collège de France et à l'Institut Pasteur, est dense et passionnant.
Il me semble toutefois qu'il nécessite, pour être bien apprécié, que le lecteur ait de bonnes connaissances en génétique moléculaire.
Son seul défaut, et je l'ai déjà souligné pour de nombreux ouvrages de vulgarisation, c'est l'absence de figures et schémas qui faciliteraient beaucoup la lecture et la compréhension, c'est particulièrement gênant pour le chapitre qui traite du peuplement de notre terre par les humains.

Sinon, c'est un livre d'une grande clarté, et le plus complet et le plus fouillé que j'ai lu sur le sujet. Il est certes moins agréable à lire que celui du Professeur Evelyne Heyer L'odyssée des gènes, Mme Heyer sachant rendre plus vivant et plus concret son propos, mais il est plus complet et aborde une question passionnante, non traitée dans d'autres ouvrages, celle de l'adaptation génétique à l'environnement infectieux.

Dans un premier chapitre, l'auteur nous retrace l'histoire de la génétique de l'évolution depuis les travaux fondateurs de Darwin sur la sélection naturelle, de Mendel sur l'héritabilité des caractères jusqu'au développement fantastique et exponentiel de nos connaissances depuis le milieu du 20 ème siècle et surtout depuis le début du 21 ème siècle grâce aux nouvelles techniques de génétique moléculaire.
Et l'auteur nous raconte ce que la paléogénomique, ce nouveau domaine de la paléontologie, a permis de mettre en évidence de nos origines: notre origine africaine exclusive, et notre séparation, il y a environ 10 millions d'années de ceux qui sont devenus nos cousins les plus proches, les chimpanzés (et leurs cousins les bonobos), que les Sapiens, apparus il y a environ 300 000 ans en Afrique se sont métissés il y a environ 60 000 ans avec des hommes archaïques, en Europe et au Moyen-Orient avec les Néandertaliens, et en Asie avec les Denisoviens, et toute une série d'autres découvertes sur nos origines.

Le second chapitre nous décrit dans le détail comment la génétique moléculaire nous permettons de retracer le peuplement de notre planète par les Sapiens. C'est complet, mais un peu aride et ennuyeux, et sans figures, on se perd un peu dans le dédale du cheminement qui part de l'Afrique pour se terminer d'un côté en Amérique du Sud, et de l'autre dans les îles du Pacifique.

Le troisième est absolument remarquable car l'auteur nous décrit avec clarté les mécanismes moléculaires qui expliquent la dérive génétique et les différents types de sélection: sélection positive, négative, polygénique, balancée. Sans entrer dans le détail, cela nous explique les interactions entre les différentes modifications du génome (décrites avec concision et clarté) et l'adaptation à l'environnement.

Le quatrième chapitre, intitulé Hommes et microbes, est tout à fait extraordinaire, et cela s'explique sûrement par les travaux réalisés par l'auteur. L'auteur fait le point des connaissances sur les mécanismes moléculaires qui ont permis, plus ou moins bien, aux humains de résister aux infections. C'est passionnant et on y apprend des tas de choses: comment les chimpanzés et les humains différent dans leur résistance aux pathogènes tels le VIH, comment certaines mutations « négatives » peuvent être un avantage pour résister a une infection, comment l'héritage néandertalien a permis aux humains de s'adapter plus facilement aux microbes présents dans l'environnement, l'histoire de la sélection génétique face à la tuberculose, et bien d'autres choses.

Le cinquième chapitre décrit tous les effets et, il faut bien le dire, les bienfaits, du métissage génétique, accélérateur de l'adaptation et facteur de survie, qu'il s'agisse de compenser le faible éclairage solaire sous certaines latitudes, d'adapter son génome à l'alimentation, de résister aux germes, etc..Il nous raconte aussi que les pratiques culturelles peuvent diversifier, ou pas, nos gènes, que des changements épigénétiques (méthylation de l'ADN par exemple) peuvent aider d'abord à nous adapter puis le changement est stabilisé en devenant génétique, etc…

Dans l'épilogue, l'auteur nous détaille comment l'ensemble de ces données peut nous aider à mieux savoir qui nous sommes en particulier pour le risque de développer certaines maladies du métabolisme ou pour résister aux infections, et en tirer des enseignements pour le développement dans l'avenir d'une médecine de précision. Il revient enfin sur le fait que nous sommes tous des métis et conclut ainsi:
« Dans ce livre, j'espère avoir montré deux choses. La première : que l'étude de la diversité de nos génomes permet de répondre à des questions capitales en anthropologie, en biologie de l'évolution, en histoire mais aussi, et c'est important pour l'avenir, en santé humaine. La seconde : que, sans diversité, sans différence, il n'y a pas d'évolution ni de progrès, et cela dans tous les sens du terme. »
En résumé, il est en fait de l'intérêt des humains, notamment pour leur santé, de favoriser si possible les métissages (on pourrait même imaginer une prime aux unions métissées!) Ce serait si important à faire comprendre à tous les tenants de la préservation identitaire, des opposants au brassage humain et culturel. Mais est-ce possible?
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