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Critique de LydiaB


Je ne me lasse pas de lire et de relire cette pièce de Racine, que je considère comme étant le plus grand écrivain français de tragédies. Il met en scène une femme amoureuse de son beau-fils. Si le sujet est tabou, Racine voulait ainsi prouver qu'un grand dramaturge pouvait faire passer le pire des meurtriers en victime. Il va ainsi s'attacher à la psychologie des personnages. Phèdre, "fille de Minos et de Pasiphaé" (tout est dit par cet admirable vers : petite-fille du Soleil, elle ne peut déroger aux valeurs et aux règles) est délaissée par son mari, Thésée qui, soit dit en passant, part en guerre tous les quatre matins et a plus de maîtresses que de jours dans la semaine. Celui-ci a un fils, Hippolythe, né d'une première union avec une Amazone. Phèdre s'est attachée à le rejeter, à être odieuse avec lui afin que Vénus lui ôte ce cadeau empoisonné de son coeur. Mais elle se meurt, soucieuse de cette faute indigne de son rang. Elle se confie à Oenone, sa nourrice et confidente. Lorsque le bruit court que Thésée est mort, Phèdre ne peut s'empêcher de dire ses sentiments à son beau-fils. Alors qu'on pouvait s'attendre à une réaction violente de sa part, ce dernier se montre peu dynamique et prend seulement la décision de partir. On voit déjà qu'il n'est qu'au second plan pour le dramaturge. Toutes ses répliques convergent vers le "excusez-moi". de ce fait, le lecteur ou le spectateur aura de l'empathie envers Phèdre, dont le pathos arrive à son apogée. Soudain, coup de théâtre, on annonce que Thésée est revenu à la vie (dans les tragédies classiques, les Dieux manipulent les humains. Il n'est donc pas rare qu'il y ait ainsi des résurrections). Phèdre est perdue : elle a avoué son amour et imagine bien que son mari va l'apprendre. Oenone, qui brille par sa dévotion, encourage sa maîtresse à mentir et à inverser les rôles. Ce que ne peut faire Phèdre...

Racine a emprunté ici le sujet à Euripide et ne s'en est pas caché. Mais il a transformé la pièce. Ainsi, Phèdre n'apparaît pas comme odieuse car elle ne semble pas maîtriser la situation : ce n'est pas par sa propre volonté qu'elle est tombée amoureuse mais par celle de Vénus. Hippolyte a une grandeur d'âme (chez Euripide, on laissait entendre qu'il avait abusé de sa belle-mère). S'il se laisse faire, c'est pour ne pas accuser sa belle-mère du "crime". Racine met en relief les faiblesses des uns et des autres : dues à l'amour pour l'une, à trop de gentillesse pour l'autre. Finalement, seul Thésée ne remporte pas l'adhésion de la lectrice que je suis. Il apparaît plus ici comme un rustre que comme un guerrier valeureux. Là encore, les faiblesses apparaissent : il peut aller se battre contre tous les monstres de la terre, toute la ville ne parle que de ses conquêtes amoureuses et le fustige...

Avec un style inimitable, des règles contraignantes et une poésie flamboyante, Racine a su mettre en scène un thème qui, finalement se résume à peu de choses : une belle-mère qui, en cachette, est amoureuse de son beau-fils et qui sera punie non pas d'être passée à l'acte mais seulement de sa mauvaise pensée. Quand on pense qu'il doutera de sa pièce ! Il écrira dans la préface : "(...) je n'ose encore assurer que cette pièce soit en effet la meilleure de mes tragédies. Je laisse aux lecteurs et au temps à décider de son véritable prix." Chapeau bas, Monsieur Racine ! Quelques siècles plus tard, nous nous délectons encore de vos vers !

Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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