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Critique de Zebra


Édité en 2012 dans la collection 10/18, « Berlinerpoplene », c'est à dire « Peupliers de Berlin » mais traduit par « La terre des mensonges », est le premier ouvrage de la « Trilogie des Neshov », série écrite par Anne Birkefeldt, célèbre auteur norvégienne auréolée dans son pays de nombreux prix littéraires. Assez dense (351 pages), « La terre des mensonges » est un roman où se confrontent les générations Neshov, à savoir les parents, les trois fils et une petite-fille. Pas très original ? Attendez ! On ne vous a pas tout dit …

Primo, même si l'action se situe quelques jours avant la trêve des confiseurs, la famille Neshov (page 202), « ça n'était pas une famille dans laquelle on s'offrait des cadeaux de Noël, et Neshov n'était pas un endroit où rester » (la ferme des Neshov est située en pleine campagne, dans un coin paumé, en bord de fjord).

Deuzio, les Neshov sont des gens pour le moins très typés : Anna, la mère, 80 ans, tyrannique et travailleuse acharnée, vient de subir un AVC et a été hospitalisée au CHU de Trondheim ; son mari, qui reste figé au domicile depuis qu'il est au chômage, attend son retour (il vit à ses crochets depuis qu'il est à la retraite) ; ils ont trois fils (Margido, directeur d'une entreprise de pompes funèbres et n'ayant pas rendu visite à ses parents depuis 7 ans, Tor, gentil, le coeur sur la main, éleveur de porcs dans la ferme d'Anna, et Erlend, gay, vivant en ménage au Danemark avec un certain Krumme, rédacteur en chef d'une revue à forts tirages) et une petite-fille (Torunn, fils de Tor, divorcée depuis 6 mois et sans enfant). Tous devraient s'organiser pour aller au chevet d'Anna et espérer qu'elle revienne au foyer au plus vite et en bonne santé. Sauf que … Margido, l'ainé des enfants, célibataire, chrétien et très réservé, voit tout en noir et craint le décès de sa mère ; Tor, célibataire et centré affectivement sur ses cochons, « un mendiant qui puait l'ancien temps oublié », n'aime pas son père et aime assez peu à sa mère, la propriétaire de la ferme ; Erlend, qui a été rejeté par sa famille pour son homosexualité, n'aime pas sa mère (il lui souhaite le bonjour à sa façon : « Salut ! Trou du cul ! »), et on lui a toujours caché l'existence de sa nièce, Torunn ; Erlend, qui adorait son grand-père (le père d'Anna), mort accidentellement en péchant le saumon au filet, est content de faire la connaissance de Torunn. le courant passe bien entre eux deux (il est comme un frère qu'elle n'a jamais eu), comme il passe bien entre elle et Tor.

Troizio, si Anna meurt, Margido, l'ainé, hérite de la ferme ; mais Margido -qui n'est pas paysan- n'a que faire de cette ferme ; Tor, qui serait intéressé par cette ferme (« il a sué sang et eau dans cette ferme qu'il a exploitée toute sa vie »), est trop pauvre pour s'endetter et pour lui racheter sa part ; Erlend a de l'argent, mais il préfère Copenhague. Dans ce microcosme, les tensions deviennent vite palpables autour d'un héritage qui semble inéluctable. Quand Anna décède, Erlend et Torunn nettoient tout de fond en comble, mettent partout des nappes, des coussins et des couvertures, proposent un repas en commun, préparent quelques plats savoureux en cuisine et allument la radio, le tout pour fêter dignement Noël ; en parallèle, Tor se réfugie dans son étable avec ses cochons et Margido joue aux abonnés absents. Torunn a pitié de son père, dépressif, aussi l'aide-t-elle dans son travail. Quand Krumme débarque à l'improviste l'avant-veille de Noël chez les Neshov, Erlend, qui a rasé son père de frais, se laisse aller à prodiguer quelques caresses à son ami puis il annonce à tous que Tor devrait être déclaré héritier de la ferme : c'est l'explosion ! Et, mais je ne voudrai pas spoiler, il va y avoir (page 336) un sacré coup de théâtre.

« La terre des mensonges » est une pépite par la finesse du huit-clos psychologique, par la diversité des tempéraments et des histoires personnelles mises en oeuvre ou suggérées, par l'évocation -tout en pudeur- des ravages de l'homophobie, par la justesse des questions soulevées par la proximité du décès d'Anna (peut-on fêter Noël juste après le décès de quelqu'un ? Que faire d'un héritage auquel on est assez peu préparé ? Comment prendre de bonnes décisions dans la précipitation?) et par la mise en évidence de l'importance du regard de l'autre dans le fonctionnement de tout un chacun (Erlend, par exemple, se demande si Krumme ne va pas le considérer comme un paysan, morceau d'histoire qu'il lui a toujours cachée). le lecteur a entre les mains le récit d'une confrontation familiale explosive où éclateront les drames secrets dont sont tissées les vies des Neshov. Un livre à dévorer. Je mets cinq étoiles.

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