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Critique de enjie77


« Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie, et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir, ou perdre en un seul coup le gain de cent parties, sans un geste et sans un soupir ….
TU SERAS UN HOMME MON FILS »

Lorsque j'ai refermé ce livre, ce sont les vers De Rudyard Kipling qui me sont venus à l'esprit. Ce poème va comme un gant au narrateur Samuel Belet.

Publié en 1913, ce récit, au caractère initiatique, raconte l'histoire d'un jeune vaudois, Samuel, né en 1840 à Praz-Dessus, orphelin de père à l'âge de dix ans, il connait, cinq ans après, la douleur de perdre sa mère. Il est alors placé, par son oncle, chez un riche paysan comme garçon de ferme. Devant ses qualités intellectuelles, entre deux besognes, Monsieur Loup, ancien régent (instituteur), l'aide à étudier et Samuel, encouragé par ce dernier, espère lui aussi devenir Régent. Il découvre ses premiers émois amoureux auprès de Mélanie. Dans l'espoir de pouvoir obtenir la main de la demoiselle, il quitte la ferme pour un emploi de commis à la Ville chez un notaire.

Malgré tous ses malheurs, Samuel est un garçon plein d'enthousiasme devant la vie. Il se dit « simple de coeur » ce qui n'a rien à voir avec simplet mais l'expression est jolie pour dire toute sa fraîcheur. Pour les beaux yeux de sa belle, Il lit et continue d'étudier tard le soir. Mais voilà, Mélanie lui est infidèle et toute sa vision de l'avenir va s'en trouver bouleversée. Il est tellement malheureux, tellement désemparé, dans sa tête, il se fait comme une injonction : « Tu es un paysan Samuel et tu resteras un paysan, il te faudra gagner ta vie ».

Samuel décide de partir, il part à l'aventure, droit devant lui et pour se nourrir, il va vivre de petit métier en petit métier, jusqu'à devenir maçon charpentier.

A chaque endroit où il réussit à s'établir, il ressent le besoin de tout laisser et de repartir comme si quelque chose l'incitait à fuir. On peut y voir le perpétuel refus ou la peur de l'attachement.

Samuel est un homme libre, il conserve son esprit critique, il aime le travail bien fait, il a la reconnaissance de ses patrons, l'amitié a du sens pour lui.

De paysages en paysages, de métier en métier, Samuel arrive à Paris. Mais là encore, poussé par la guerre franco-prussienne, Samuel reprend son chemin.

Son pays, son lac lui manque, il éprouve le besoin de revenir en Suisse. Arrivé à Vevey, il décide de se poser. Il va enfin connaître plusieurs années de bonheur en compagnie d'une jeune veuve, mère d'un petit garçon, Louise à laquelle il va dire « c'est comme les visites le bonheur, il faut bien le recevoir sinon il ne revient pas ».
Et pour illustrer cette citation de Prévert, « On reconnait le bonheur au bruit qu'il fait quand il s'en va », le destin va lui infliger une nouvelle et monstrueuse épreuve.

il finira sa vie dans la paix du coeur et de l'âme au bord du lac Léman comme pêcheur.

C'est beau, c'est très beau ! J'ai aimé le style, c'est une belle écriture poétique, toute simple, mélodieuse, imagée et sous cette apparence de simplicité, il y a une fine analyse psychologique de ces toutes petites gens de la campagne avec leur bon sens des gens de la terre mais aussi avec leurs imperfections.

L'écriture de Ramuz m'a rappelée les expressions que j'entendais chez mes arrières grands-parents et mes grands parents paternels. Il y a cette humilité face à la nature, face au lac, à la montagne.

Pour exprimer les sentiments, tout au long du livre, Ramuz procède par analogie avec la nature. Par exemple lorsque Samuel découvre l'infidélité de Mélanie.

« Il ne resta en moi qu'une grande place brûlée, comme celle qu'on voit dans les champs après qu'on a arraché les broussailles et on les met en tas et on y met le feu ; ».

Voilà, je ne sais si je vous ai donné envie de lire Ramuz mais son écriture m'a parlée, elle recèle tellement d'authenticité, loin du tumulte des livres médiatisés, c'est un vrai retour aux sources.

Charles-Ferdinand Ramuz m'était totalement inconnu à ce jour, je remercie Dourvach et Michfred pour leurs chroniques qui furent de belles incitations à le découvrir.
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