AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Domichel


Grande soirée au commissariat de Great London Road à Edimbourg. le superintendant Watson (dit le Paysan), organise une descente dans un bordel huppé de la ville. Rebus qui visiblement ne partage pas l'allégresse générale, est de la sortie lui-aussi. « C'est bizarre avait observé Rebus mais je n'ai jamais aimé la morue, même en filet ».
Sur place les fourgonnettes et les voitures sérigraphiées se rassemblent, telles une araignée tissant sa toile… Les journalistes sont également de la partie, pourtant l'opération devait rester discrète, voire secrète. Une fois les lieux investis, les messieurs et autres notables dûment sermonnés, et les filles rhabillées, on embarque tout le monde au poste pour vérification et enregistrement. le “Paysan” jubile ; pourtant au deuxième étage, en bien fâcheuse posture, un homme fait tache dans la liste de clients plus ou moins connus : le jeune et fringant député Gregor Jack, gendre de Sir Hugh Ferrie, patriarche politico-économique de la région, dont la sortie sous les flashes des photographes de presse, risque fort de compromettre une carrière bien lancée.
Rebus le savait bien « La maquerelle n'est pas la femelle du maquereau », cette descente ne servira à rien de bon, sinon auréoler la fin de carrière du “Paysan” et apporter de nouveaux emmerdements au commissariat, où l'on a bien autre chose à faire que pister quelques prostituées que l'on retrouvera bientôt ailleurs, plutôt dans la rue que dans un bordel “bien organisé”. Bien sûr, on a autre chose à faire ! Outre les petites frappes à sermonner et à relâcher aussitôt, les violences gratuites et/ou conjugales, également la noyée de Dean Bridge, qui n'a pas encore livré tous ses secrets et dont le légiste tarde à remettre les conclusions de l'autopsie. Et il y a aussi ce vol de livres de collection très anciens disparus chez un professeur d'université, etc, etc.
Sauf que très rapidement on retrouve en plus le corps de la jeune et jolie femme du député, sérieusement amochée avant d'être noyée dans le Firth of Forth…

Ç'aurait pu être le point de départ d'un banal téléfilm américain bouclé en cinquante minutes, mais avec Ian Rankin ce qui passerait pour un mauvais scénario de base, se transforme vite en histoire machiavélique, voire morbide, dans laquelle les strass et les paillettes des gens connus et reconnus, ayant réussi, perdent de leur éclat dès qu'on gratte un peu et que le vernis craquelle.
Le propre d'un bon roman est - à mon goût - de surprendre et tenir le lecteur en haleine jusqu'à la fin et ça l'auteur s'y entend à merveille. Après avoir servi quelques vannes (cf ci-dessus) dignes de Michel Audiard, et mis en scène des personnages aux noms évocateurs comme le superintendant Watson, le commissaire Holmes, adjoint de Rebus, (ne l'appelez jamais Sherlock, il y a longtemps que ça ne le fait plus rire), et même la tenancière du bordel une certaine Croft (Mycroft ?), Rankin entre dans le vif du sujet.
Au fur et à mesure des personnages rencontrés, et des témoignages moins vrais que nature, l'inspecteur Rebus va nous emmener au fin fond de l'Écosse, avec ses paysages magnifiques et ses lumières changeantes, ses habitants soit ombrageux, soit décalés et ce jusqu'au « cul du bout du monde », comme disait l'un de mes amis. Il va aller au coeur des highlands à la pêche sinon de la truite sauvage mais d'indices précieux. La fin de l'enquête, je vous la laisse bien sûr découvrir, mais prenez bien le temps de visualiser les visages, les caractères, les quartiers, les routes et les paysages qui sentent la tourbe humide et fumée, sous un crachin qui peut se transforme en déluge, avant un soleil radieux, par des itinéraires qui ressemblent davantage à une carte des whiskies qu'à une carte routière.
J'ai personnellement voyagé sur les mêmes route que Rebus, de Stirling à Oban et d'Inverness à Edimbourg et je vous confirme le talent de cet écossais pur malt qu'est Rankin, qui nous fait partager son pays (bientôt indépendant ?) et sa verve pour les polars plus gris que noir, car pour lui comme pour Rebus, rien ni personne n'est tout à fait blanc ou noir.
Un BON réalisateur (britannique) devrait se pencher sur ce roman, tout y est, et n'aurait qu'à adapter son casting aux personnages de Rankin pour nous proposer un film digne des meilleurs “Taggart” et autres “Morse ou “Lewis”.
Commenter  J’apprécie          147



Ont apprécié cette critique (12)voir plus




{* *}