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Critique de Belem


L'horizon est bien morne dans les yeux délavés de la classe ouvrière. Car après l'annonce de la fermeture de l'usine PSA (Peugeot-Citroën) d'Aulnay, une fraction seulement des ouvriers se mettront en grève, entre 200 et 500 au plus fort du mouvement, sur près de 3 000 travailleurs. La grande majorité restera prostrée, incapable de réagir, découvrant, trop tard, qu'il aurait sans doute mieux valu s'y mettre toutes et tous. Cette inertie, c'est ce que Gigi ne comprend pas... Ghislaine Tormos était une de ces combattantEs, et elle livre ici son témoignage, celui d'un combat, « Nous nous battrons comme des lions », dans une usine dont les capitalistes n'ont plus besoin et qu'ils ferment, comme des dizaines, des centaines d'autres. Les prolos qui bossaient à Aulnay ont connus la petite mort (que connaissent beaucoup d'ouvriers et d'employés), un jour de Conseil d'Administration, avenue de la Grande Armée. La petite mort, c'est quand on leur dit qu'ils ne sont rien, qu'ils n'ont rien, qu'ils ne valent rien.
Pourtant, à l'usine « Citron » (comme disent certains ouvriers car on y est pressé comme un citron) d'Aulnay, une fraction s'est mise en grève, une grève qui a tenue quatre mois, chez le plus grand employeur privé de Seine-saint-Denis... c'est l'histoire de cette lutte qui m'intéressait, et qui fait que j'ai choisi ce livre dans le cadre de l'offre de Babelio.
Alors, les copains du ferrage, ceux du montage ou encore de la peinture, attachés à leur usine ? Non, car sans les ouvriers et les ouvrières qui la font tourner et dont la sueur fait les profits, l'usine n'est qu'un décor vide, un hangar de ferraille et de robots idiots. Non, les prolétaires n'ont rien, c'est ce qui les définit : ni moyens de subsistance en dehors d'aller bosser, ni compte en banque gonflé, ni soutien, et surtout pas celui d'un ministre... Ils et elles n'ont que ce qu'ils vont chercher eux-mêmes et elles-mêmes, ils n'auront jamais que cela. (Même quand il s'agit du soutien d'un chanteur, ce ne peut être que l'un d'entre eux...).
Ce que possèdent les prolos, c'est la sincère camaraderie, la franche amitié, la solidarité profonde d'une classe sociale qui produit tout, et qui donc, quand elle cesse le travail, bloque tout... Dans la lutte, à condition d'agir, de penser, de s'organiser de manière autonome, comme cela s'est passé à Aulnay, les travailleurs prennent confiance en eux-mêmes, en leur propre force et en leurs capacités....
comme le dit Ghislaine : « Faire converger toutes les luttes est le début de la solution »
C'est tout cela que nous montre Gigi, une lutte de ceux qui sont dépossédés, et pour qui le salaire, du coup, c'est le « salaire de la vie ».
Grâce à ce livre, on voit la force que deux cent cinquante, trois cents ouvriers en grève, ont déployés dans la lutte. Et encore, il ne s'agissait que d'obtenir des reclassements, des indemnités, des miettes... On entrevoit la puissance d'une grève dans laquelle les grévistes auraient dit : « il n'y a plus de travail pour tout le monde, alors travaillons trois heures par jour, mais au même salaire ! », ou qui se serait étendue aux autres usines du groupe PSA, à toute l'automobile, à toutes les usines, ces usines et ces bureaux dans lesquelles les travailleurs subissent la même chose, sempiternellement : l'intensification de l'exploitation... ou le licenciement.
Dans les interstices de la lutte entre le Capital et le Travail, à certains moments, la vie resurgit avec fracas...
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