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Critique de fabienne2909


1699, Venise. Lors d'un concert à la Pietà, institution musicale pour orphelines de la Sérénissime, Francesca Tagianotte, émue par la musique produite par ces jeunes filles cloîtrées, qui ne vivent que par et pour la musique, décide sur une impulsion que ce sera là le destin de son enfant à naître. Ilaria n'est pas une orpheline comme la plupart des autres pensionnaires de la Pièta, mais ce sera tout comme. Son sacerdoce sera l'apprentissage du violon, auprès d'Antonio Vivaldi, et toute sa passion et son énergie seront tournées vers cet instrument.

« Ilaria se prend à rêver que ces deux heures pourraient être sa vie tout entière. La musique et la famille. L'ardeur qu'elle met soudain à jouer du violon parcourt son corps, fourmille dans ses mains. Son esprit, tendu par l'écoute, va exploser.
La voix, le virginal, la beauté. Elle tressaille, cette partition inconnue la remplit. Elle va prendre feu. Son violon va brûler, les tentures, le palais, tout va brûler. Elle n'est plus qu'une flamme vive, elle avec le ruban, l'habit blanc, ses tresses, une couronne incandescente. »

Car, on le comprend avec ces lignes, Iliaria est une petite fille passionnée, dont les émotions et la passion ont besoin de trouver un exutoire, elle qui se sent abandonnée par ses parents - et pour cause -, et avec qui elle se sent comme une étrangère, le seul jour où elle peut rentrer chez elle, à Noël .
Jusqu'au jour où ce feu, qui menace de la consumer parfois, trouvera un autre objet… le feu, par où tout commence et souvent, tout finit, emportera tout.

Léonor de Recondo nous convie ainsi à un voyage, en premier lieu dans la Venise de la fin du xviie siècle, mais surtout intérieur, dans la tête de personnages exaltés qui vivent leurs sentiments et leurs émotions avec leur intellect et n'en parlent que rarement : la mère d'Ilaria aimerait dire son amour à sa fille qui la fuit, Ilaria et Paolo, qui s'aiment, sont « persuadé[s] que parler de cet amour viendrait l'atténuer, que c'est dans le secret de cette intimité que vit leur lien, qu'il va croître, sans aucun doute, croître encore ».

C'est dans ces entraves que les personnages vivent paradoxalement leur liberté. Pourtant, j'ai cru pendant une grande partie de ma lecture que celle-ci mettait au contraire en scène un certain emprisonnement des esprits : Ilaria vit dans l'institution de la Pietà, d'où elle ne peut sortir comme elle le souhaite et n'étudie que la musique, Prudenza, son amie, vit a moitié dans ces murs, à moitié dans celle de sa famille patricienne d'où elle ne pourra sortir que par le mariage, nouvelle prison dont on ne s'échappe que grâce au veuvage…
Mais c'est en fait un roman qui parle de liberté, celle qui s'obtient par la sortie de son corps, pour laisser son âme prendre son envol, dans la musique, dans l'amour. Et dans ces conditions, qu'importent les murs physiques ?

Un très beau roman, d'une facture un poil classique, mais servi par une langue riche et magnifique. Léonor de Recondo sait retranscrire et magnifier les émotions, les pensées de ses personnages, et m'a transportée pendant ma lecture hors du temps, dans cette Venise mythique.

Il m'a rappelé le roman « Stabat Mater », de Tiziano Scarpa, qui porte lui aussi sur la Pietà et l'influence d'Antonio Vivaldi.
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