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Critique de Renod


Eric Reinhardt déclare dans le roman : « le romancier doit inventer des formes plurielles, subtiles, perverses (…) qui désaxent nos perceptions habituelles.» Et bien, mission accomplie : voilà un roman, « la chambre des époux », dont le sens m'a longtemps échappé et qui m'a déstabilisé. Une lecture fastidieuse jusqu'à ce que je devine l'intention de l'auteur dans les dernières pages. le premier chapitre est un article publié en 2007 dans les Inrockuptibles. L'auteur y témoigne du combat conjoint mené avec son épouse : elle lutte contre un cancer, il se bat pour terminer son roman. Et chaque soir, il lui donne à lire les pages rédigées dans la journée. Les combats pour la vie et la beauté se conjuguent ; dans les deux cas, il faut se dépasser. La fin est heureuse : elle guérit, entre en rémission ; son livre est un succès public et critique. Puis arrive le creux de la vague après une lutte si intense. Comment retrouver un souffle créatif après cet acmé ? La chute est vertigineuse. L'auteur revient sur cet effondrement qui se déroule lors d'Assises du roman auxquelles il est invité comme intervenant. Les passages de son discours sont autant de clef à la compréhension du roman car peu après, surprise, nous changeons de registre. L'auteur nous livre son projet inabouti de roman : « voilà ce que j'aurais écrit si j'avais écrit ». Ce roman dans le roman est au départ répétitif puisqu'il est une « projection travestie » de ses ressentis retranscrits dans les premiers chapitres. Mais cela lui permet ensuite de passer dans le domaine de l'intime, d'évoquer le désir d'un et pour un corps malade. Cela lui permet aussi de fantasmer une rencontre avec une autre femme malade, nouvelle occasion de créer du sublime dans une épreuve morbide. Nous sommes en pleine mise en abîme qui – l'auteur est décidément joueur – peut se révéler multiple. Et n'oublions pas qu'Eric Reinhardt, s'il est un de nos contemporains, est dans les faits un romancier de la fin du XIXe siècle qui navigue entre Romantisme et Symbolisme (il est question de Mallarmé et de Verhaeven). Son style est travaillé, souvent magnifique, parfois sophistiqué (« la native singularité intrinsèque de Mathilde »). Mais surtout, tout est exalté : beauté sidérante, amour fou, orgasme existentiel, bonheur suprême. Il célèbre le Beau, la Vie et l'Amour. le bégueule y verra des signes de bipolarité (l'extase ou le désespoir), mais je préfère y reconnaître la manifestation d'un « artiste total ».
Voici donc un roman que je n'ai pas apprécié mais que j'ai finalement aimé, qui m'a su me surprendre et m'impressionner par son audace et son intelligence.

(merci aux éditions Gallimard et à Babelio de m'avoir permis de découvrir le livre dans le cadre d'une Masse critique)
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