AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Cigale17


Alice Renard divise la trame de son brillant premier roman, La Colère et l'Envie, en trois parties. Dans la première partie, les paroles de « mère » et de « père », titres sans majuscules ni déterminants, alterneront sans se répondre. Chacun d'eux tente de décrire leur petite fille, Isor, une enfant différente (déficiente ?, autiste ?) qui ne parle pas et qui se comporte bizarrement. Ils s'adressent d'abord à elle (tu), puis parlent d'elle à la troisième personne, mais ils ne dialoguent pas. Pendant plusieurs années, Maude et Camillo vont courir les cabinets de médecins en variant les spécialités. Les avis sur Isor diffèrent, voire divergent, aucun professionnel ne saura leur donner de réponse éclairante et constructive. Maude travaille comme pompière dans une caserne toute proche de leur domicile, Camillo lave les vitres des tours des immeubles de la ville, et tous deux organisent leur vie en fonction des besoins de leur fille : Isor n'est pas scolarisée et ne peut pas être gardée. Les parents finissent par abandonner les visites chez les spécialistes de tout poil. Isor ne parle toujours pas : elle pourrait, a dit un des spécialistes… Et voilà que, vers l'âge de 10 ans, Isor se met à fuguer…
***
J'ai beaucoup aimé cette première partie dans laquelle le lecteur prend conscience de l'amour que les parents portent à leur fille, amour qui s'exprime différemment selon celui qui parle, mais qui devient vite une évidence. Et il en faut beaucoup, de l'amour : l'attention de tous les instants qu'ils portent à Isor bouffe leur vie, les coupe petit à petit de tous leurs amis, complique le moindre des gestes quotidiens. Ils sont sans cesse à l'affut de ce qui pourrait plaire à cette enfant, de ce qui pourrait l'aider, la faire rire et sourire ou, plus prosaïquement, l'intéresser. Beaucoup aimé aussi la deuxième partie où Lucien, 76 ans, prend la parole. À cause d'une urgence, Isor est confiée pour quelque heures à ce vieux voisin, ancien photographe talentueux et reconnu en son temps, fou de musique, et qui s'est depuis longtemps refermé sur lui-même à cause d'une profonde blessure. Ils vont se séduire l'un l'autre, en quelque sorte, se découvrir et s'aimer, finir par partager des univers inconnus de la jeune fille qui a 16 ans quand survient l'accident. En revanche, dans la troisième partie, si j'ai vraiment apprécié les interventions de la mère et du père, avec déterminants cette fois (c'est vrai que leur statut a changé), je suis restée au bord du chemin pendant le voyage d'Isor, et assez imperméable à ses lettres, sans doute à cause de la langue dont Alice Renard la dote, à la fois enfantine, infantile même, et capable de jouer sur les mots, presque savante parfois. Plus les lettres s'accumulent, plus la langue s'enrichit se complexifie et se perfectionne. Je regrette d'avoir décroché vers la fin parce que c'est un très beau premier roman ; ma réserve ne lui enlève aucune de ses qualités et je lirai assurément le prochain livre de cette très jeune autrice vraiment douée.

[Lu dans le cadre du Grand Prix des lectrices de Elle 2024]
Commenter  J’apprécie          560



Ont apprécié cette critique (48)voir plus




{* *}