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EAN : 9782350878966
160 pages
Editions Héloïse d'Ormesson (24/08/2023)
  Existe en édition audio
3.99/5   690 notes
Résumé :

Isor n’est pas une enfant comme les autres. Idiote. Attardée. Différente. Spéciale. Ils sont nombreux à avoir donné leur avis. Mais leur aide, Isor et ses parents peuvent toujours l’attendre. Une vie en huis-clos se construit autour de cette petite fille entière, sans filtre, mutique, refusant toutes les normes. Puis Isor rencontre Lucien, un voisin septuagénaire. Entre ces âmes farouches, le coup de foudre est immédiat, ils se réinventent une vie à deux. Al... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (181) Voir plus Ajouter une critique
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sur 690 notes
°°° Rentrée littéraire 2023 # 14 °°°

« Il n'y avait plus rien à dire, sinon qu'Isor était étrange. Un adjectif comme un naufrage. »

Isor n'entre pas dans les cases. C'est une enfant différente, qui ne parle pas, ne joue pas, n'interagit pas avec ses parents. Même le marathon d'expertises ne permet pas de poser un diagnostic clair, au point que les parents décident lorsqu'elle a six ans de la retirer du monde, de ne pas la scolariser et de vivre avec elle en huis clos.

« Maintenant, ce sera nous – rien que nous trois. »

Dans la première partie, ce sont les parents, en de courts paragraphes intitulés « père » ou « mère » qui nous racontent leur fille désormais âgée de treize ans. Leur quotidien douloureux avec leur fille dont ils ne comprennent pas les colères chroniques et son silence oppressant. Leur désarroi et leur souffrance de ne jamais recevoir l'intériorité d'Isor qui s'échappe en permanence d'eux, de ne pas pouvoir accéder à son être, mais aussi leur amour pour Isor :

( Mère ) « C'est dans le mouvement qu'elle se révèle, qu'une grâce inexprimable et malhabile se met à l'habiter. Isor est belle lorsqu'elle est vivante – et heureusement pour elle, elle l'est tout le temps. Se rend-elle compte de la chance qu'elle a ? de l'étonnante perfection qui lui incombe ? Elle peut se rouler par terre, se coincer les cheveux dans le siège de la voiture, pleurer, mettre des habits trop grands, se tacher de sauce tomate, se prendre une averse, elle sera toujours magnifique, inconditionnellement. Pire que cela : le désordre lui va bien. Elle le porte comme un bijou. L'effervescence, le hasard sont ses parures qu'elle renouvelle à l'infini. »

« Lorsqu'elle dort, on peut presque voir sur sa peau de lait les ombres de ses rêves qui passent. C'est pour cette raison que je reste près d'elle ; et alors j'imagine tout ce à quoi elle pense. »

Même si de nombreux passages sonnent très justes sur le vécu et ressenti de parents d'enfants différents, La Colère et l'envie n'est pas un roman hyperréaliste sur le « handicap ». Il tient bien plus du conte, notamment à partir de la deuxième partie lorsqu'un nouveau narrateur fait irruption dans le récit : le vieux voisin Lucien qui va nouer une amitié fusionnelle assez inouïe, quasi un amour fou, avec la mystérieuse Isor.

La dernière partie est juste sublime, s'évadant hors du monde réel tout en y étant profondément rattachée. Elle m'a donnée la chair de poule tellement la pureté de la langue inventée par Alice Renard pour Isor, la mutique qui éclot au monde, est belle avec ses fautes de syntaxe et « erreurs » de vocabulaire qui illuminent les phrases d'une poésie solaire irradiant à travers les pages :
« Suis en éclosion. Me sens pleine de bourgeons qui s'entrelèvrent. Me semble être un arbre fruitier que les fleurs commencent à donner des trésors. Je porte toutes les promesses de la terre à bout de mes bras. Je m'avance tel un jardin, tel un côteau, à la rencontre du printemps. Je cours. Je vais mûrir, je vais me rouler dans ces fleurs pour la vendange. Oh quelle saison ! »

J'aurais voulu citer quasiment toutes les vingt dernières pages qui m'ont bouleversée aux larmes. Ce merveilleux roman fait un bien fou, Isor s'ouvrant à la vie, au monde, à la réconciliation. Sur les pas de la jeune fille, on apprend à écouter les silences de ceux qui ne s'expriment pas avec les normes et les codes de la société.

Une premier roman lumineux, coup de coeur évident, qui se fait hymne à l'hypersensibilité et à la neurodiversité avec une originalité et une force réellement surprenantes qui met de la magie dans les mots. Grâce, beauté et liberté.
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A seulement 21 ans, Alice Renard vient de recevoir le Prix Méduse 2023 pour ce premier roman qui invite à écouter la voix de ceux que l'on range en dehors de la normalité.

C'est le cas d'Isor, petite fille mutique, déscolarisée, qui n'entre dans aucune case de la société. Ses parents sont désemparés, surtout que même le corps médical ne parvient pas à mettre un nom scientifique sur le mal dont elle souffre. Entre les poussées de colère violentes et les longues périodes de silence, l'étrange gamine observe, touche et développe même un goût bizarre pour les émissions de télé asiatiques. du coup, le trio s'isole de plus en plus du reste du monde, jusqu'au jour où, dans l'urgence, ses parents doivent demander à Lucien, leur voisin septuagénaire, de garder Isor quelques heures. Là, tout bascule !

Ce court roman divisé en trois parties bien distinctes alterne les points vue afin de dresser progressivement le portrait de cette gamine enfermée dans le silence. La première partie donne la parole aux parents et permet progressivement de mieux saisir les troubles dont la fillette souffre, tout en partageant les émotions, les frustrations et l'immense détresse de ses parents. Lors de la deuxième partie, l'autrice installe un duo atypique en donnant la parole à ce vieux monsieur qui sort subitement de sa solitude et de son propre isolement. Puis vient la dernière partie, la véritable éclosion, la plus belle, celle qui laisse le lecteur sans voix ! Chacun son tour…

S'éloignant d'un réalisme dont on se détache finalement avec grand plaisir pour se rapprocher d'un récit qui vient tendrement flirter avec le conte tout en conservant une justesse de ton remarquable, Alice Renard trouve le chemin qui mène au coeur du lecteur. Au fil des pages, ce dernier assiste à la naissance d'une autrice et d'une héroïne qui, main dans la main, viennent briser le silence et s'extraire de cette case dans laquelle la société croît devoir ranger les choses.

Un premier roman merveilleux, qui tourne le dos à la normalité pour nous inviter à côtoyer la beauté dans sa forme la plus pure !
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Isor n'a jamais été une enfant comme les autres. Mutique, ne semblant s'intéresser au monde que de manière purement sensorielle, régulièrement en proie à de sauvages et dévastatrices crises de violence mais ne cochant les cases d'aucun diagnostic médical, elle n'a jamais été scolarisée et vit recluse auprès de ses parents désemparés, dans un appartement qu'il leur a fallu quasiment capitonner et que leur entourage a fui depuis longtemps. Un praticien a avancé l'idée que, loin d'être idiote et infirme, elle pourrait, si elle voulait. Elle pourrait, mais elle ne veut pas…


Alors, leur vie avance, chaotique et infernale, comme nous la laisse percevoir, dans la première partie du récit, la solitaire alternance des apartés du père et de la mère. Entre la rage et la révolte chez l'un, l'amour qui étouffe de la frustration de ne pas comprendre chez l'autre, c'est par le regard d'autrui et par le constat désespéré de tout ce qu'elle n'est pas et qui la rend si insupportablement insaisissable et étrangère, en un mot inadaptée, qu'à treize ans, se dessine en creux une Isor toute d'« anormalité ». Jusqu'au jour où un incident oblige les parents à solliciter l'aide de leur voisin, un septuagénaire depuis longtemps résigné à la tristesse de sa solitude. A travers sa voix à lui, stupéfaite et bientôt comblée qu'un être puisse, contre toute attente, dégeler son coeur perclus de manque et de chagrin, émerge peu à peu de sa gangue d'opacité une Isor insoupçonnée. Qu'a donc décelé l'adolescente si instinctive, qui, chez ce vieil homme mis au rebut du monde, lui a soudain donné envie d'abattre les murs qui l'enserraient dans son inextricable intériorité ? Ne manquera plus à sa métamorphose que le dernier déclic, celui du grand âge et de la maladie de son ami, pour que la jeune fille brise définitivement ses entraves et trouve la motivation de vivre, enfin, ailleurs qu'en elle-même.


Diagnostiquée surdouée à l'âge de six ans, Alice Renard déclare dans une interview avoir mis beaucoup d'elle-même dans son personnage d'Isor. « C'est comme une version de moi, poussée à l'extrême, qui m'a permis de faire une catharsis. » En tous les cas, si exagération il y a, l'on n'y verra nullement l'une de ces narrations doucereusement miraculeuses, si irritantes au regard de l'immense majorité des handicaps « ordinaires » oubliés dans leur néant. Alice Renard écrit du plus profond d'elle-même et son récit a les justes accents de l'honnêteté et de la sincérité. Une justesse sans faille accompagne sa restitution des regards sur cette enfant différente que les médecins ne savent classer ni ses parents réconcilier avec une existence « vivable ». Isor ne répond à aucune attente, ne se plie à aucune règle et, au risque de passer pour déficiente, semble décidée à ne jamais intégrer un monde trop en décalage avec son univers intérieur. Son absence irradie pourtant la présence, et toute sa façon d'être, entière, libre, animale, débordant d'émotions non contenues toujours prêtes à exploser aux points de friction avec le monde extérieur, peut apparaître, soit totalement incompréhensible et ingérable, soit d'une incomparable intensité, brutale, sans concession, mais toujours on ne peut plus authentique. « Isor peut être très différente d'un jour à l'autre, mais elle reste toujours elle-même, sincère, incapable de tricher. Elle ne peut pas se contenir à une seule personne, à une seule apparence. Elle est plusieurs, elle est trop vaste. C'est sa manière à elle de saisir le monde du mieux qu'elle peut. »


Premier roman très maîtrisé d'une toute jeune auteur de vingt-et-un ans que sa propre expérience a menée à s'intéresser de près à la neurodiversité et à l'hypersensibilité, L'envie et la colère n'est que justesse et poésie dans sa manière d'évoquer la difficulté à être au monde de ceux que leurs particularités neurologiques font dévier des normes sociétales. Un livre bouleversant, prix Méduse 2023.

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Isor est différente des autres enfants de son âge. de quel handicap souffre-t-elle ? On ne le saura pas vraiment mais qu'importe, car, quelle que soit l'origine de la différence, elle est source d'incompréhension et de rejet. Elle vit dans sa bulle, protégée du monde extérieur par des parents aimants mais dépassés par leur fille
« Alors, à son âge, à ses treize ans, que sait-elle ? Rien qui vaille. Elle ne sait pas que la terre est ronde, elle ne sait pas ce qu'est un adjectif, elle ne sait pas comment on compte les heures, elle ne sait pas ce que c'est qu'un père ni que la génétique, normalement, nous rassemble ».
La vie de ces trois-là se déroule en vase clos, avec ses rituels. Plus de vie sociale pour ne pas être jugé, et Isor est déscolarisée puisqu'elle n'apprend rien. Pour ne pas la brusquer, les parents lui laissent beaucoup de liberté. La nuit, elle fugue, mais revient toujours, ramenant de ses maraudes de petits objets glanés ici et là. Pourquoi s'éloigne-t-elle de sa famille, comme une urgence à vivre autre chose. La mère dit :
« Quand elle disparaît, je crois, c'est pour être seule. Seule avec son chagrin. Elle part avec, pour l'examiner, l'accueillir et le vivre complètement. Elle le sonde, elle y plonge. Et elle veut le faire loin de nous. »
Quant au père, il ne s'inquiète pas, car elle ne va jamais très loin.
Un jour, tout bascule lorsque Isor se prend d'amitié pour leur voisin Lucien, un homme âgé et secret. Entre eux s'installe une connivence que jalouse la mère mais qui soulage le père. Peu à peu, Lucien sort de sa solitude, il attend avec ravissement la visite d'Isor.
« J'aimerais qu'elle pense toujours à moi avec douceur.
Silence. Silence et apprivoisement. Surtout, que cela dure, que cela dure longtemps. »
L'accident du vieil homme va provoquer une fugue plus lointaine chez Isor et l'on découvrira peu à peu la raison de son voyage en Sicile et le secret de Lucien. Elle est sur le chemin de sa libération

Ce roman choral donne la parole en alternance au père, à la mère dans un insoluble dialogue. On sent leur désarroi, leur amour aussi pour cette gamine difficile qui sème le chaos mais terriblement attachante. Puis, dans une seconde partie, il y a la voix de Lucien, toute de tendresse et de complicité avec cette gamine sans règles et sans tabous qui lui offre son amour avec spontanéité. On n'entendra la voix d'Isor que dans la troisième partie, lorsqu'elle écrit à ses parents pendant sa fugue. Et cette voix est étonnante de maturité et de lucidité. Avec ses mots maladroits, elle tisse des phrases poétiques lourdes de sens et c'est très émouvant d'assister à la révélation d'une Isor qui s'ouvre au monde et qui trouvera sa place dans la vie malgré ou grâce à sa différence.
Ce premier roman qui, parfois, prend l'allure d'un conte, est magistral. Je l'ai lu d'une traite et il m'a éblouie. Un véritable coup de coeur.


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Si je devais vous conseiller, un roman de la nouvelle entrée littéraire, se serait celui ci, sans aucune hésitation. Un premier roman magistrale, magique, époustouflant, bouleversant une véritable pépite, pas assez de mots pour vous dire mon ressenti. L'auteur nous envoûte dans son histoire, Isor est une enfant étrange, loin de la normalité,loin du stéréotype, d'une jeune enfant , Elle ne communique pas, ne sait pas lire et écrire, malgré tous les examens, rien de négatifs ne ressorts, ses parents décident de la garder avec eux , deux êtres opposés, une mère aimante qui ferait tout pour sa fille, et un père détestable,, une enfant surprotéger, Isor va faire la connaissance de Lucien, âgé de 70 ans, et sa vie va totalement changer, Elle va s'épanouir, Deux êtres qui étaient fait pour se rencontrer, un rituel va vite s'installer, apportant une source de bonheur,
La conception du livre est intense, Nous naviguons entre les pensées de la mère et du père, le relationnel avec Lucien et une nouvelle vision d'Isor,
La plume de l'auteure est hypnotisante, subtile , sensible et poétique ,Une fluidité dans la lecture, qu'il est difficile de poser son livre et le reprendre plupart, L'auteure a un vocabulaire développé , elle place les mots, avec justesse là où il faut donnant ce coté bouleversant du récit,
Un roman qui m' a remué, scotchée, et chamboulée, Une histoire qui perdura dans ma mémoire,
Une véritable pépite,
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critiques presse (7)
LaLibreBelgique
21 novembre 2023
Alice Renard signe un premier ouvrage troublant à la rencontre d’une enfant à la singularité mise en question.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LaCroix
07 novembre 2023
Une héroïne mutique dont la voix vibre pourtant entre les pages. Avec "La Colère et l’Envie", la primo romancière Alice Renard signe un roman aussi court que saisissant.
Lire la critique sur le site : LaCroix
Marianne_
27 septembre 2023
Premier roman marquant, « La colère et l'envie » retrace non sans brio l'itinéraire d'Isor, que l'on devine être le double de l'autrice, Alice Renard.
Lire la critique sur le site : Marianne_
LeFigaro
07 septembre 2023
On aurait pu basculer dans le risible. Ici le ton est juste. L’émotion frappe fort. Droit au cœur.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
SudOuestPresse
04 septembre 2023
L’audace de [ce] premier roman, « La Colère et l’Envie », réside dans le choix de narrateurs extérieurs pour raconter Isor, une petite fille dite « anormale ».
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
LeMonde
24 août 2023
La prégnance de l’univers d’Alice Renard impressionne. La langue devient une baguette magique qui fait advenir ce qui semblait impossible, faisant de "La ­Colère et l’Envie" le livre de l’invraisemblance devenue vraisemblable.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Actualitte
23 août 2023
Ce premier roman est un très bon roman. Plus que ça, même. C’est un roman bouleversant. Alice Renard nous offre ici un récit plein de tendresse et d’honnêteté.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (126) Voir plus Ajouter une citation
Ma père mon mère, les deux,
Toute chose est bien. Le matin, quand je lave les cheveux, je me dis : peut-être ce matin ils vont pas boucler ? Et finalement, à la manière de tous les autres jours, les boucles se reforment depuis les cheveux lourds et lisses d’eau. Je suis toute contentement.
Mère, papou, ici sont les volcans. C’est fou : avant je m’ennuie tellement que j’aurais pu me mordre mes doigts, me mordre mes mains, me mordre mes bras pour que se passe quelque chose. Ici sont les volcans. J’écoute les grands ventres qui gargouillent. Comme des ventres enceintes. Les gens ont peur, parfois, mais c’est si bon. Je prends le bateau pour rejoindre la grande île.
Suis en train de laisser pousser des racines dans cette terre. De longues longues racines. Parce que j’ai l’impression que j’en ai de sérieuses.
Je vous embrasse comme j’aurais fait si je suis là,
I
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Vous les deux,
Je respire. Je suis libre. Je marche sur les chemins noirs. Le monde est à moi. Je suis libre ! Comment il va, Lucien ? Dis-lui que tout ira bien de lui comme de nous.
J’affronterai son désastre pour lui.
Je rencontre la nuit. A Bercy, j’essaye, pour pas que tu t’effrayes, de rentrer tôt, et puis c’est des nuits de la ville, des nuits qui n’en sont pas, des nuits où s’agroupent les gens qui ont peur des nuits. Ici, pas de fuite ! Je regarde les couchers de soleil, pour ce que je veux voir la nuit qui arrive avec les siennes facéties et lenteurs. A cette heure-là, il y a quelque chose faite pour moi, à ma taille. Pour la première fois, j’ai plus d’air que j’en boirai.
J’avais des murs dans la tête. Des murs partout partout partout. Les articulations qui grippent, le sentiment entre les œillères. Ne pas oser s’élancer à la lutte, à la conquête. Mais maintenant me suis mise à table du soleil et veux rencontrer les hommes et les femmes qui ont du turquoise plein les poumons. Ai franchi les barbelés de l’asphyxie et je vis ce que je suis née. Suis grande aujourd’hui.
Reviendrai vite pour aboutir les promesses.
Bises, bises, bises, t’en fais pas ! Je vis le beau temps,
I.
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J’ai toujours distingué deux types d’amitié. Les amitiés de circonstances et les amitiés par élection. La différence, la hiérarchie que j’établis entre les deux ne se dit pas en termes d’intensité mais plutôt de prestige moral. Je m’explique. Les amitiés de circonstances (le principe est également valable pour l’amour) se nouent sous une certaine forme de contrainte : nous sommes camarades de classes, collègues, colocataires, voisins. C’est à force de se voir que nous devenons amis. Par la force des choses. Je ne nie pas qu’il faille toutefois un terrain fertile pour que ce genre d’amitié s’établisse – ainsi, nous ne sommes pas amis avec tous nos voisins. Mais la proximité quotidienne enclenche voire force un processus qui, autrement, aurait pu ne jamais advenir. Chaque jour ou presque, le quotidien partagé alimente les conversations et il n’est besoin d’aucun effort pour savoir où et quand se voir, ou quoi se dire. Ces amitiés ou amours de circonstances remplissent nos vies et je ne les méprise pas. Mais il me semble qu’un type de relation supérieure existe : celle par élection. On se croise un jour et, entre nous, les évènements naturels devaient s’arrêter là. C’est nous qui décidons de faire entrer l’autre dans notre vie. Certains qu’il s’agit là d’une chose d’importance, nous nous rappelons, nous nous donnons des rendez-vous, nous nous écrivons puisque nous voulons changer le cours du destin et nous fabriquer de toutes pièces, par la seule force de notre volonté, un quotidien où l’autre soit.
[…] Mais la règle est, me semble-t-il, que plus ou moins plus de notre volonté (plus elle est mise à l'effort) plus l'amitié a de valeur.
(p.64-66)
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Quand on est jeune, il est absolument impossible de s'imaginer ce que c'est qu'être vieux. Même avec un esprit vif et plein d'imagination, cette idée-là est hors de portée. Peut-être peut-on concevoir ce que le corps subit : l'arthrose, la faiblesse dans le corps pour marcher, dans les bras pour soulever, dans les mains pour ouvrir le moindre opercule. Mais combien l'esprit se fatigue et s'oublie, non, non, c'est inconcevable. Le courage, la patience qui manque à chaque imprévu. Les moindres perturbations vécues comme des bouleversements dont il faut parfois quinze jours pour se remettre. Cette impression qu'on a vidé tous les stocks : d'amabilité, d'enthousiasme, de volonté. Et cette étrange parcimonie de la tendresse qui s'instaure lorsque l'on se persuade que les réserves sont épuisées...
(p. 63)
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Pourtant, ton nom, je l’adore. Je te le dirai demain, quand tu viendras. C’est formidable comme il me fait voyager, ton nom. Isor, à mi-chemin entre Isidore et Igor. Isidore de Séville, c’est Carthagène, c’est l’évêque de cette Espagne wisigothe du VIe siècle qui a écrit Les Étymologies. C’est l’Andalousie des premiers siècles du christianisme, et le Guadalquivir qui serpente depuis Cordoue et qu’ont peut-être remonté les Maures. Tout à l’inverse, à l’autre bout du spectre de ton nom, il y a l’hiver russe et ses vents glacés comme des coups de poignard. Un de ces noms du Michel Strogoff que je lisais enfant, et le périple de Moscou à Irkoutsk, capitale de la Sibérie orientale, pour avertir le tsar que les hordes de barbares déferlent. La force russe, la tragédie et la rage face aux envahisseurs – tout cela dans tes yeux grands ouverts.
Mon Isor, assurément ton nom était pour toi, un nom émaillé de vaillance ancienne, patiné de sagesse disparue.
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Vidéo de Alice Renard
Partez à la rencontre d'Alice Renard, dans les coulisses de l'enregistrement de son premier roman La Colère et l'Envie.
Isor n'est pas comme les autres. Une existence en huis clos s'est construite autour de cette petite fille mutique rejetant les normes. Puis un jour, elle rencontre Lucien, un voisin septuagénaire. Entre ces âmes farouches, l'alchimie opère immédiatement. Quelques années plus tard, lorsqu'un accident vient bouleverser la vie qu'ils s'étaient inventée, Isor s'enfuit. En chemin, elle va enfin rencontrer un monde assez vaste pour elle.
La Colère et l'Envie est le portrait d'une enfant qui n'entre pas dans les cases. C'est une histoire d'amour éruptive, d'émancipation et de réconciliation. Alice Renard impose une voix d'une incroyable maturité ; sa plume maîtrisée sculpte le silence et nous éblouit.
La Colère et l'envie d'Alice Renard a reçu le Prix Méduse 2023 et le Prix littéraire de la Vocation.
Lu par Hugues Boucher, Grétel Delattre, Alice de Lencquesaing, Michel Favory
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