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Critique de Zephirine


L'élève Mo, Paul l'écrivain poète, Candice la prof de français, et d'autres jeunes encore, tous traversent ce carrefour titanesque situé à Bondy et qui mène vers le lycée du même nom.
« La nationale qui longe le canal depuis Paris passe sous une espèce d'échangeur. L'autoroute A3 se scinde là pour envoyer vers la N3, à droite et à gauche, des rampes qui descendent et tournent en pente douce, et font une véritable voûte au-dessus du carrefour où les rues de la ville rejoignent les deux fois trois-voies de la nationale »
Ce lieu est d'une laideur absolue, « un carrefour sous l'autoroute… comme une zone franche », et il forme frontière entre la ville et la banlieue que les jeunes nomment « bendo ». C'est là qu'une altercation entre un policier en civil et un jeune du lycée va mettre le feu aux poudres.
Bien sûr, même si l'histoire est fictive, on pense immédiatement aux émeutes de Nanterre qui ont fait tache d'huile dans la France entière. Mais loin de se complaire dans une description apocalyptique et cynique, Thomas B. Reverdy nous raconte le quotidien de gens ordinaires qui essaient de vivre et de travailler dans des conditions difficiles, auprès d'une population oubliée. Ce roman choral donne la parole à tous, profs, CPE, élèves et délinquants, et l'écrivain, venu pour animer un atelier de poésie, qui se retrouve un peu par hasard plongé dans cette explosion de violence. Ces points de vue différents, éclatés, sont comme un kaléidoscope d'une situation sous tension. L'auteur prend le temps de nous raconter le lycée, ses règles, et ses problèmes. Les professeurs tentent, dans des conditions difficiles, de transmettre un savoir à des élèves désabusés. Mais les moyens font défaut et les pros ne sont pas remplacés. Ils réclament plus de moyens, veulent être entendus, mais y croient-ils seulement ?
« le problème, c'est que plus personne ne veut faire ce boulot » dit l'un d'eux.
Pourtant, les vertus de l'éducation, tous veulent y croire, à commencer par Candice qui, à travers les cours de théâtre, milite pour plus de tolérance et de respect.
« le lycée, c'est un peu comme un bateau. Un bateau à la dérive, dans un océan de béton. »

On est impressionné par cette équipe éducative qui tente, malgré les obstacles nombreux, d'instruire des jeunes dans le respect et la laïcité.
On ne peut qu'éprouver de l'empathie pour tous ces personnages, que ce soit l'équipe éducative ou bien les élèves et les jeunes délinquants, et cela grâce à la plume sensible et sans jugement de l'auteur.
Thomas B. Reverdy ne tombe pas dans la caricature des personnages lorsqu'il raconte les bandes rivales, les petites frappes et qu'il choisit de n'évoquer qu'avec distance les policiers et les parents d'élèves. Ce huis clos qu'est le lycée est un fantastique vivier où tous les protagonistes se croisent pour une fin dantesque.

Le roman est particulièrement bien construit, découpé en courtes séquences étalées sur une journée, unité de temps et de lieu comme une pièce de théâtre, et cette pièce qui se joue en vrai rejoint celle que les élèves répètent : le bourgeois gentilhomme.
J'ai aussi aimé tous ces moments de grâce qui émaillent le roman. Car, si le climat est explosif et si la tension est palpable (on sent, dès les premières pages, qu'il va se passer quelque chose de grave) l'auteur s'arrête sur les émois amoureux de Mo, dont les poèmes sincères et naïfs nous touchent. En écho, on assiste à l'attirance de Paul, homme solitaire et désenchanté, pour la prof de français. Il y a aussi ce ballet des pigeons dans le ciel, des pigeons qui survolent l'histoire comme une petite bulle de paix dans ce bouillonnement.

Un roman qui allie subtilité, romanesque et puissance, sublimé par une écriture harmonieuse et maitrisée.

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