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°°° Rentrée littéraire 2023 # 34 °°°

Bondy Nord, Seine-Saint-Denis. Sous l'autoroute A3, un carrefour monstrueusement invraisemblable, « deux bretelles qui rejoignent la N3, qui se détachent à trente mètres du sol, un no man's land en dessous, des carcasses de bagnoles, le camp de Roms au bord du canal. Et puis la barre d'immeuble de dix étages qui fait un S en suivant la courbe de l'autoroute, le nez dans les pots d'échappement, impossible d'ouvrir les fenêtres. » La veille, des coups de feu liés au trafic de drogue. Tôt le matin, une violente altercation entre un homme et un jeune qui s'apprête à rejoindre son lycée.

En général, je déteste les romans qui se déroulent dans des établissements scolaires et mettent en scène des élèves et des profs. Parce que je suis prof moi-même en banlieue parisienne. Parce que je tique sur des détails pas crédibles. Parce que je m'agace si l'auteur fait dans l'optimisme lunaire plein de bons sentiments. Parce que je m'énerve si l'auteur tombe dans le pessimisme et dézingue le système ( alors que je suis la première à le faire, mais j'aime pas quand ce sont les autres, chercher la logique ha ha ).

Cette fois, je n'ai tiqué sur rien, rien ne m'a agacé, rien ne m'a énervé. J'ai même adoré ce roman alors même que jusqu'à présent, les romans deThomas B. Reverdy ne m'avaient jamais convaincue plus que cela.

L'auteur est prof de français en Seine-Saint-Denis dans la vraie vie. Cela ne garantit évidemment pas un bon roman sur le sujet, mais assure a minima une certaine authenticité. Ce qui est sûr, c'est qu'il est parvenu à décrire toute la complexité du métier d'enseignant dans ces établissements dits « sensibles ». Il appelle un chat un chat, dénonce les dysfonctionnements avec finesse, sans manichéisme, renvoie gauche et droite à leurs échecs comme la création de ghettos scolaires et ethnicisés qui renvoient aux difficultés des quartiers dans lesquels ils sont implantés.

Mais avant d'être un prof qui parle des profs, Thomas B. Reverdy est un excellent écrivain qui manie les mots à merveille. Il sait construire des personnages qui font des choix, loin des clichés, il sait explorer l'humain : en quelques phrases, il parvient à les caractériser de telle sorte que le lecteur les identifiera sur un ou deux détails comme les bracelets dorées qui tintent sur poignets fins et les lèvres peintes en rouge de la professeure de français Candice ( magnifique personnage ). Difficile d'oublier Mo, le timide poète amoureux, le lycéen modèle qui se retrouve entraîné malgré lui dans le tourbillon des événements et de ses émotions.

Dans le huis-clos d'une journée au lycée, l'auteur a construit un récit totalement propulsif composés de courts chapitres s'achevant chacun sur une punchline qui claque, avec heure et le lieu indiqués. Ce chapitrage minuté épouse ainsi très organiquement la forme d'un emploi du temps scolaire. Se déploie ainsi l'implacable mécanique, celle de l'émeute, celle de la cocotte-minute qui fait monter la tension à coups de rumeurs, de publications des réseaux sociaux et d'esprits qui s'échauffent. On voit les fissures apparaître dans le sanctuaire que devrait être un établissement scolaire, les pressions extérieures s'y exercer … peut-être était-il possible à un moment donné de colmater avant le déchaînement de l'imprévisibilité et de sa violence.

Thomas B.Reverdy pose un vrai regard d'écrivain sur des faits de société mais son roman n'est ni un essai ni un documentaire ni un pensum. Son obsession n'est pas la réalité mais la justesse. Malgré la noirceur du constat, ce sont les éclats de beauté du récit qu'on retient, au détour d'une histoire d'amour naissant ou d'un esprit qui s'ouvre à la poésie. C'est tout l'effort contre le chaos urbain et sociologique que l'auteur semble combattre pour offrir un horizon collectif à ces personnages ainsi que les cartes du destin à rebattre.

J'ai refermé ce roman puissant, engagé et romanesque, très émue par la dernière image, une échappée de beauté et d'espoir tant que la poésie n'a pas quitté nos lycées de banlieue. En ces temps sombres pour l'éducation nationale, j'y ai trouvé du réconfort. Bref, un coup de coeur aux résonances très particulières.


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Ce retour a failli ne pas voir le jour, mais sur l'insistance de mon ami Berni, je vais essayer d'écrire un petit quelque chose, d'autant qu'entre-temps, le coquin a lu La reverdie, sans nul doute pour que je m'empare de ce Reverdy.

Un lundi à Bondy Nord, plus précisément sur le pont à la balustrade duquel Mo est accoudé et nous décrit le paysage.
Le canal, le bidonville ceint de palissades où vivent les Roms, les entrepôts et magasins de marques, le tentaculaire échangeur.
Alors celui-ci, je vous le déconseille fortement si vous avez le même sens de l'orientation que moi. Mon frangin, qui habite dans le coin, m'avait dit : tu vas voir, ça raccourcit... une heure après je tournais encore.

Mo est là à 7 heures du matin par ce froid glacial parce que sa mère l'a envoyé à l'école de très bonne heure, de peur que les tirs de kalachnikovs reprennent devant leur immeuble, comme la veille.

Très vite, la ville s'anime. Les voitures, les gens, le bruit devient infernal.
C'est simple, je l'entendais comme si j'y étais... En effet, l'auteur a ce talent d'immerger le lecteur.

À 7 h 35, Paul part de chez lui dans le 13e arrondissement de Paris. Il va au collège-lycée de Bondy pour animer des ateliers d'écriture à la demande d'une prof de français, Candice.

Mais alors qu'il rejoint son école, Mo assiste à une altercation. Il identifie les protagonistes, et les réseaux sociaux font le reste...
Vous l'aurez deviné, ce fut l'allumette qui mit le feu aux poudres.

"D'une langue vive comme le feu qui embrase le quartier, le romancier dessine avec une acuité sans concession cet état des lieux. Il nous fait partager la colère et la tristesse de la jeunesse, la violence policière, le racisme ordinaire, la persévérance et le courage des professeurs, seuls face à la charge de plus en plus lourde qui leur est imposée, et qui tentent le tout pour le tout dans des classes de 36 élèves avec l'espoir toujours chevillé au corps d'accomplir leur mission."
(France Info)

Ce roman au goût de réalité m'a fichu une claque monumentale.

Je remercie mes amis de leurs critiques, qui m'ont incitée à le lire, et je le conseille, ne serait-ce que parce que la qualité de la plume vaudrait presque à elle seule le détour.
Ajoutez à ça celle du récit, terriblement réaliste et passionnant, foisonnant de détails.
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Bondy,
« ….carrefour géant invraisemblable, l'autoroute et les deux bretelles qui rejoignent la N3, qui se détachent à trente mètres du sol, cette espèce de no man's land en dessous, les carcasses de bagnoles, le camp de Roms au bord du canal. Et puis la barre d'immeuble de dix étages qui fait un S en suivant la courbe de l'autoroute, le nez dans les pots d'échappement, impossible d'ouvrir les fenêtres…..Mon Dieu, je n'ai jamais vu d'endroit aussi laid… ».
Le lycée où se passe cette histoire est là ,dans cette banlieue parisienne, plutôt ghetto, un lycée où les élèves ne sont que noirs ou arabes et la violence présente au quotidien. Et puis il y a les Blancs, les profs, le Poète qui s'est chargé d'animer un atelier d'écriture deux fois par semaines, la CPE ….. l'équipe qui doit gérer ce bordel….

J'aborde pour la première fois Reverdy , l'excellent billet de Patsales ( copine babeliote 😊) ayant attisé ma curiosité.
Rien de nouveau à l'Ouest comme dirait Remarque , sinon que la plume de Reverdy est souple, cinématographique, descriptif avec juste ce qu'il faut, «  Les manches de son pull, sorties de son perfecto, recouvrent le dos de ses mains comme des mitaines, et son jean est remonté sur ses chevilles quand elle a croisé les jambes. Elle tremble un peu et le bout de son nez est rougi de froid, comme le tour de sa bouche. Elle mord dans sa pizza, s'essuie avec la petite serviette en papier que la boulangère leur a donnée à chacun. ». S'approchant du vrai sans prétendre au réel, l'écrivain aborde une journée de la vie de ce lycée, entre 7h30 et 17h, se référant à sa propre expérience de professeur en banlieue. « C'est un métier de plus en plus difficile qui attire de moins en moins les jeunes » , en dit-il. Pourtant l'espoir y est pour les deux parties, élèves/profs, car « Tant qu'ils ont en face d'eux des adultes qui leur montrent autre chose, qui les élèvent, qui leur disent que le monde est plus vaste ….ça fonctionne ». Les lacunes graves du système d'éducation et les conflits sociaux qui en découlent , «  on ne peut pas demander à l'école de soigner la société », sont particulièrement bien mise en scène dans le cadre difficile de ce lycée où l'espoir que les choses s'améliorent dans ce sens là semble faible, car « Ils ne veulent pas que ça marche. Juste, que ça ne fasse pas de vagues. »
C'est aussi une ode à La Littérature et l'écriture d'invention à laquelle les élèves sont réceptifs , ici instigué par le Poète et imagé par un superbe poème improvisé* de Mo, un des élèves, poète lui aussi à ses heures. Dans ce lycée où le français semble à l'agonie, ces élèves jouant avec les mots, mélangeant les niveaux de langues et de contextes, et confondant leurs divers sens, ouvrent la voie à leur imagination fertile, où l'humour est omniprésente dans leurs manières de parler. Et si c'était La Littérature, le Grand Secours que Reverdy cache dans son titre, un secours invisible mais efficace ? Cette Littérature qui lui permet de raconter avec panache les émeutes d'une journée particulière comme une rivière qui gonfle et déborde , mais aussi à côté une journée presque ordinaire d'un lycée de banlieue, « …une de ces journées de janvier où le ciel est tellement bleu et l'air tellement froid qu'on a l'impression de manger un bonbon à la menthe rien qu'en regardant au loin. » ? Et le tout aidé d'un tout petit peu 😊par l'Amour? Pourquoi pas ? , car comme dit le vieux Sergio , « Faudrait pas tomber amoureux. Mais je vais pas te mentir, petit. Il y a que ça d'intéressant. Tu peux y passer toute ta vie.😊 ».
Bref lisez le et jugez en vous même , ça en vaut la peine. Je souris, rouge 😊! Merci encore Patsales 😊!


*« Des rues gardées surveillées par les nouveaux rois du quartier / Des terrains vagues où l'on ne va plus jouer / Mais c'est chez nous / Au pied des murs / Ce labyrinthe / Chez nous / Et moi je marche seul le long des allées / Je longe les murs les trottoirs / Je remonte ma capuche et je monte le son / Je prends des rues des chemins des ponts / le soleil se lève enfin et j'arrive / Pour venir te rejoindre / Au sud où c'est une autre ville / Au sud où il y a toi / Toi qui ne m'as jamais parlé de haut / Toi qui ne sauras jamais que je t'aime. »

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De 7h30 jusqu'à 17h, tout est minuté et localisé par un Thomas B. Reverdy qui m'étonne encore par son sens du récit et sa faculté à embarquer son lecteur, le faire réfléchir, comme il l'avait fait avec L'hiver du mécontentement et Climax, ses deux derniers livres.
Je l'avais écouté avec attention aux Correspondances de Manosque où il parlait de son roman, le grand secours, livre qui lui permet de revenir au réel, de plonger dans cet univers qu'il connaît bien, le lycée, un microcosme sociétal et romanesque gouverné par l'emploi du temps.
Avec son parler franc et son expérience du milieu enseignant, il m'avait vraiment donné envie de le lire. Aussi, dans ce Bondy Nord dont un croquis permet de comprendre toute l'aberration d'un aménagement urbain défiant le bon sens, il m'a fait vivre une journée qui paraissait, au début, bien ordinaire.
Autour du canal de l'Ourcq, s'entremêlent l'autoroute A3, des routes plus ou moins importantes, des échangeurs saturés et des transports en commun : RER, tramway, métro, bus, très intéressant panorama des moyens de déplacement dans Paris et sa banlieue. Ici, vivent des milliers de gens qui n'ont pas d'autre choix que d'habiter ces immeubles énormes dont l'entretien s'est peu à peu délité.
Tout se passe un lundi de janvier et c'est Mo qui entre le premier en scène. Il regarde le camp de Roms, aperçoit sa prof de français, Candice, qui arrive à vélo car lycée et collège sont tout proches. Un beau lever de soleil éclaire ce début de journée déjà bien chargé en embouteillages.
De son côté, Paul, écrivain, poète, quitte son petit appartement du XIIIe arrondissement pour gagner ce lycée de banlieue où il doit animer un atelier d'écriture. L'auteur n'hésite pas à manier humour et sarcasmes pour compléter sa présentation de Paul.
Les trois personnages principaux présentés, Thomas B. Reverdy peut me plonger dans un récit qui met en évidence tout le drame de ces banlieues surpeuplées ainsi que le naufrage dont notre système éducatif est victime depuis des années malgré quelques ravalements de façade.
Les descriptions et les portraits de ceux qui sont présents sous l'autoroute, à 7h50, sont particulièrement réussis car pleins d'humour et de réalisme. C'est là que tout se déclenche avec une altercation entre un grand costaud et Mahdi, un gros facho contre un lycéen. L'homme frappe, profère des insultes racistes alors que Mo, présent sur les lieux, prend des photos prouvant que l'agresseur est flic, les balance sur Snap après que ce dernier soit monté dans le bus.
S'ensuit une passionnante et édifiante plongée dans la vie du lycée, au plus près de la vie des profs, tous différents. Certains, les plus rares, ont choisi d'enseigner ici mais la plupart n'espèrent qu'une chose, cumuler assez de points pour obtenir un poste ailleurs.
Thomas B. Reverdy, lui-même enseignant, prouve sa parfaite connaissance de la vie d'un lycée, n'oublie pas les surveillantes, la proviseure. Il parle de multiculturalisme, des tenues de filles à la limite des dimensions républicaines laïques, dépeint parfaitement le travail de Candice avec ses élèves. Hélas, le tableau réaliste et désolant de l'évolution des collèges et lycées de banlieue est consternant, tellement juste !
Pendant ce temps, la pression monte à l'extérieur. Certains savent bien envenimer les choses avec l'aide efficace des réseaux sociaux. Malgré toute cette laideur, Thomas B. Reverdy accorde quelques pauses permettant d'apprécier le travail de certains enseignants qui croient encore en leur métier et réussissent à intéresser leurs élèves à la littérature. Surtout, l'atelier d'écriture animé par Paul, grâce à Candice, donne matière à réflexion. C'est d'ailleurs cette dernière qui nous apprend que, dans les théâtres, la vanne anti-incendie est appelée le grand secours.
Humour, tension, poésie, relations humaines, action de la police, le grand secours offre quantité de ressources pour passionner et informer le lecteur, comme je l'ai été. Voilà un roman qui aurait mérité une distinction de l'un des prix littéraires de cette rentrée. Trop vrai ? Trop dérangeant ? Qu'importe, il faut lire le livre et saluer une fois de plus le talent de Thomas B. Reverdy.

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Dans le grand secours, Thomas B. Reverdy nous plonge dans le quotidien d'un lycée de Bondy Nord en Seine- Saint-Denis. Une fiction qui retrace une journée dans la vie de ce lycée de banlieue parisienne situé à proximité d' un carrefour géant invraisemblable, une autoroute et ses bretelles à trente mètres du sol pour rejoindre la N3, un no man's land en dessous, le camp des Roms au bord du canal de l'Ourq et une barre d'immeuble de dix étages qui fait un S en suivant la courbe de l'autoroute. Un plan en début d'ouvrage permet de visualiser précisément ce « bendo », quartier abandonné de la République, un cauchemar urbain laid et fascinant à la fois.
Au petit matin, en ce lundi de janvier, chacun se rend au lycée. Il y a Mo, un élève de seconde, qui habite un quartier pourri, un élève discret, plutôt fluet, et amoureux de Sara, Paul écrivain-poète qui vient du XIIIe par le métro et le tramway pour la première fois, ayant décroché une bourse pour animer un atelier d'écriture, et Candice prof de français qui vient de Pantin à vélo et tente de transmettre une culture aux élèves pour leur permettre de s'émanciper, toujours émue et toujours fière quand elle a l'impression que l'un d'entre eux vient de rencontrer la beauté.
Une agression dans laquelle un flic en civil met une raclée à un jeune arabe et dont Mo est le témoin va enflammer les réseaux sociaux. La tension va monter au fil des heures jusqu'à ce qu'une bande d'adolescents se mue en émeutiers et devienne totalement hors de contrôle.
Le grand secours est un roman choral dans lequel se croisent plusieurs voix pour pointer les problèmes de la société, le rapport à la violence, au communautarisme.
En nous emmenant dans la tête de celles et ceux, qui vivent au quotidien dans ces quartiers abandonnés, en donnant la parole aux profs, à la proviseure, à cet intervenant extérieur qu'est cet écrivain, au délégué syndical, aux élèves, mais aussi aux parents, l'auteur nous fait découvrir ainsi des avis et des facettes différents selon leur métier et leur sensibilité, sans avoir la prétention de les résoudre.
Quant aux policiers, leur intervention ne servira qu'à faire naître la violence ou à l'attiser,
le grand costaud aux épaules larges provoquant la confrontation initiale, pensant que tous ces minables doivent être mis au pas, et plus tard, lors de l'émeute et les autres policiers, brandissant des armes, incapables de gérer leur peur.
Il est intéressant et fascinant à la fois de voir comment peut naître une explosion de violence telle, qu'il paraît impossible de pouvoir la stopper.
Il est navrant de constater comment l'État a pu se désengager et se désintéresser complètement de ces quartiers déshérités et on comprend parfaitement que bien que hyper-motivés, les enseignants puissent avoir, pour le moins, des moments de découragement.
On ne peut être qu'admiratifs devant leur volonté de continuer à se battre chaque jour avec l'espoir de rendre notre monde meilleur.
J'ai particulièrement apprécié le personnage de Candice, la professeure de français, dont le prénom évoque à lui seul la clarté et la pureté. Impossible également de ne pas être émue par la réaction de la classe quand Mo lit son poème, et par sa déception de ne pas avoir été compris par Sara...
Si la narration de la vie dans ce lycée et dans ces quartiers abandonnés de la République apparaît aussi juste, réaliste et crédible, nul doute que cela tienne au fait que les lieux, la ville, le canal, le carrefour sous l'autoroute, le lycée, existent, que les élèves, les profs et le personnel du lycée existent aussi, que Thomas B. Reverdy soit lui-même, enseignant de français dans un collège de Seine-Saint-Denis.
Véritable ode à la littérature, à la poésie, au théâtre, roman puissant, le grand secours, tout en dressant un constat assez sombre et assez amer laisse cependant émerger l'espoir d'un monde meilleur.
Une fois encore, comme je l'avais été précédemment, avec L'hiver du mécontentement (Prix Interallié 2018) et Climax, j'ai été conquise par l'écriture de Thomas B. Reverdy.

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Bondy's burning ! Bondy's burning !

Le feu couve à Bondy. Pourtant il fait plutôt froid en ce lundi de janvier.
Une altercation vient de survenir entre un homme et un jeune qui se rendait au lycée. La scène a été filmée et les images se propagent à une vitesse inouïe sur les réseaux sociaux. La colère monte.
Pendant ce temps, la banalité du quotidien ne lâche pas son emprise sur le lycée de Bondy. Coincé dans un entrelac de béton et de bitume, asphyxié par les gaz d'échappements, il accueille, à l'instar d'une grande partie du département, de nombreux "refoulés" de Paris.
Candice, la prof de littérature "aux lèvres rouges", y a convié Paul, un écrivain un peu en perdition, pour animer des ateliers d'écriture. En parallèle, Mo, un élève timide et discret ne sait pas comment aborder Sara qui l'ignore royalement. Ses talents de poète ne semblant pas suffire. Témoin privilégié de l'altercation matinale et également à l'origine de la diffusion des images, il est loin de se douter des répercussions à venir...

Thomas B. Reverdy , lui même professeur de français à Bondy, maîtrise bien son sujet et fait preuve d'une grande justesse dans l'évocation de la crise que traverse l'éducation nationale. Un véritable chaos qui résonne d'autant plus fort dans les régions économiquement et sociologiquement défavorisées. Sans clichés, ni stéréotypes, la réalité est ainsi parfaitement mise au service de la fiction.
Les chapitres courts et bien calibrés s'associent aisément au style cinématographique employé pour décrire presque heure par heure cette journée volcanique.
La poésie appliquée ici tel un vernis donne à ce roman une luminosité inespérée au milieu de cette grisaille déprimante.
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Ancien prof , à la retraite désormais , j'avoue ne plus lire aucun roman se rapportant à ce métier qui fut une passion , plus même une vocation , tant je vis avec tristesse la chute d'un édifice qui , en son temps , nous était envié car admiré .A qui la faute ?
Pour quelles raisons lire alors "Le grand secours " .Oh , c'est bien simple , c'est un livre en course pour un prix et on me demande un avis et surtout , surtout , ma libraire Isabelle me l'a chaudement recommandé et Isabelle , elle se trompe rrarement .
Et c'est parti .Bondy . Une banale altercation vers l'arrêt de bus Un portable qui filme . Un lycée de quartier .Le compte à rebours commence , scandé en haut de chaque page ....Intéressant .
Le Lycée . Ses protagonistes . Sa vie .Ses règles .Les profs . La hiérarchie .La machine à café (!)...mais pas que !
Vous allez me dire , " oui , mais vous le savez tout ça " et vous avez dit que vous ne vouliez plus en parler ?
Oui , mais , franchement , quelle acuité chez cet auteur, quelle finesse d'analyse des différents caractères , quelle description intelligente des fissures qui aident à comprendre l'affaissement de notre système éducatif , aujourd'hui dans les quartiers et , demain , demain ....
Le lycée , un monde à part qui voit ses portes céder face aux problèmes de notre société malgré les efforts , l'envie , la bonne volonté d'hommes et de femmes qui perdent pied peu à peu , pliant sous la force d'un tsunami inarrêtable , qui cèdent sous la pression et courent ailleurs ...voire nulle part , pour sauver leur peau et se noyer dans leurs désillusions . Un Tsunami aussi pour une hiérarchie avide de carrière , de promotions , un comble pour une catégorie qui a toujours prôné le " pas de vagues "...
Ce n'est pas un livre " fielleux " ou revanchard , pas un règlement de comptes , non , c'est bien plus subtil et fin et , si j'en crois ma propre expérience ( alors que je n'ai pas enseigné dans les quartiers ) , plutôt l'annonce de l'aboutissement d'un long processus d'érosion ; comme pour les côtes , la mer , la chute des falaises . Bref , "une mort annoncée depuis bien longtemps ".
Livre politique ? Chacun y verra ce qu'il veut . L'affaire de tous plutôt .
Et l'altercation , me direz-vous ?Allez , un petit passage à la machine à café et je vous dis ....
Et bien , une émeute , tiens , pour finir . Un tsunami ,humain ...
Quoi , un bain de violence ? Ben oui , avec les réseaux sociaux , hein ....
Je vous laisse mais je vous recommande chaudement cet ouvrage qui est vraiment addictif et se lit d'une traite au point qu'on en sort complètement ahuri , ou plutôt non , pas ahuri , bouleversé , bouleversé , songeur , inquiet ...
Allez , amis et amies , à trés bientôt .Bon week end .
Au fait , " le grand secours ".Pourquoi ? Ben , j'vous l'dirai pas .

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L'élève Mo, Paul l'écrivain poète, Candice la prof de français, et d'autres jeunes encore, tous traversent ce carrefour titanesque situé à Bondy et qui mène vers le lycée du même nom.
« La nationale qui longe le canal depuis Paris passe sous une espèce d'échangeur. L'autoroute A3 se scinde là pour envoyer vers la N3, à droite et à gauche, des rampes qui descendent et tournent en pente douce, et font une véritable voûte au-dessus du carrefour où les rues de la ville rejoignent les deux fois trois-voies de la nationale »
Ce lieu est d'une laideur absolue, « un carrefour sous l'autoroute… comme une zone franche », et il forme frontière entre la ville et la banlieue que les jeunes nomment « bendo ». C'est là qu'une altercation entre un policier en civil et un jeune du lycée va mettre le feu aux poudres.
Bien sûr, même si l'histoire est fictive, on pense immédiatement aux émeutes de Nanterre qui ont fait tache d'huile dans la France entière. Mais loin de se complaire dans une description apocalyptique et cynique, Thomas B. Reverdy nous raconte le quotidien de gens ordinaires qui essaient de vivre et de travailler dans des conditions difficiles, auprès d'une population oubliée. Ce roman choral donne la parole à tous, profs, CPE, élèves et délinquants, et l'écrivain, venu pour animer un atelier de poésie, qui se retrouve un peu par hasard plongé dans cette explosion de violence. Ces points de vue différents, éclatés, sont comme un kaléidoscope d'une situation sous tension. L'auteur prend le temps de nous raconter le lycée, ses règles, et ses problèmes. Les professeurs tentent, dans des conditions difficiles, de transmettre un savoir à des élèves désabusés. Mais les moyens font défaut et les pros ne sont pas remplacés. Ils réclament plus de moyens, veulent être entendus, mais y croient-ils seulement ?
« le problème, c'est que plus personne ne veut faire ce boulot » dit l'un d'eux.
Pourtant, les vertus de l'éducation, tous veulent y croire, à commencer par Candice qui, à travers les cours de théâtre, milite pour plus de tolérance et de respect.
« le lycée, c'est un peu comme un bateau. Un bateau à la dérive, dans un océan de béton. »

On est impressionné par cette équipe éducative qui tente, malgré les obstacles nombreux, d'instruire des jeunes dans le respect et la laïcité.
On ne peut qu'éprouver de l'empathie pour tous ces personnages, que ce soit l'équipe éducative ou bien les élèves et les jeunes délinquants, et cela grâce à la plume sensible et sans jugement de l'auteur.
Thomas B. Reverdy ne tombe pas dans la caricature des personnages lorsqu'il raconte les bandes rivales, les petites frappes et qu'il choisit de n'évoquer qu'avec distance les policiers et les parents d'élèves. Ce huis clos qu'est le lycée est un fantastique vivier où tous les protagonistes se croisent pour une fin dantesque.

Le roman est particulièrement bien construit, découpé en courtes séquences étalées sur une journée, unité de temps et de lieu comme une pièce de théâtre, et cette pièce qui se joue en vrai rejoint celle que les élèves répètent : le bourgeois gentilhomme.
J'ai aussi aimé tous ces moments de grâce qui émaillent le roman. Car, si le climat est explosif et si la tension est palpable (on sent, dès les premières pages, qu'il va se passer quelque chose de grave) l'auteur s'arrête sur les émois amoureux de Mo, dont les poèmes sincères et naïfs nous touchent. En écho, on assiste à l'attirance de Paul, homme solitaire et désenchanté, pour la prof de français. Il y a aussi ce ballet des pigeons dans le ciel, des pigeons qui survolent l'histoire comme une petite bulle de paix dans ce bouillonnement.

Un roman qui allie subtilité, romanesque et puissance, sublimé par une écriture harmonieuse et maitrisée.

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Bondy, un frais matin de janvier, des centaines de lycéens, des profs, des non-profs, tous se hâtent de gagner le lycée, en passant par ce monstrueux carrefour où s'entrecroisent autoroute, nationale, lignes de métro et de bus, piste cyclable et pont où passe le tramway. Il y a là Mo, en seconde, qui part très tôt à pied de chez lui, parce que dans son quartier ça tire à la kalach, et sa mère s'inquiète, au moins à 7h il se passe encore rien... Il y a Paul, l'écrivain-poète qui a accepté d'intervenir dans quelques classes parce qu'il a besoin d'argent, qui vient du XIIIème en métro puis en tram dans cet établissement inconnu dont il a d'ailleurs oublié le nom. Et puis Candice, la prof de Lettres aux lèvres rouges qui n'a jamais voulu être prof mais qui l'est quand même et essaye d'y croire encore, elle vient de Pantin à vélo par tous les temps. Et puis il y a Lucky, qui vit sous le pont de Bondy, et qui va sans le savoir être le déclencheur d'une mécanique implacable.
A côté de ces premiers personnages, toute une kyrielle d'autres vont évoluer, le microcosme d'un lycée de banlieue délaissé par les autorités, Mahdi de Nordibon (Bondy-Nord) qui est en classe avec Mo, Adama son grand frère, Chantal la "coordo" de français, Nathalie la CPE et son équipe de surveillants, pardon on dit "assistants d'éducation", ou AED à la limite. La proviseure, qui fait ce qu'elle peut avec les moyens qu'elle n'a pas, les profs qui craquent parfois, les élèves absents ou démotivés, quasiment tous issus de classes sociales défavorisés, pas de la bonne origine ou de la bonne couleur pour trouver du boulot plus tard.

Plus j'avançais dans la journée de ce lycée et de ses acteurs, plus je voyais comme en surimpression certains établissemnts où j'ai moi-même été affectée, notamment un collège où je travaille depuis la rentrée. Les situations, les personnes, je peux leur substituer des faits et des collègues de mon quotidien. Il est vite évident que l'auteur connaît bien le sujet...
Mais pas de misérabilisme ou de dénigrement dans ce roman, juste le déroulement d'une journée dans un lycée de banlieue défavorisée, journée qui aurait pu ressembler à des centaines d'autres, sauf que, ce matin-là, un fait presqu'anodin a déclenché une réaction en chaîne qui va aboutir à...

Pourquoi "Le grand secours" ? Je ne veux rien spoiler, mais ce titre a deux significations, l'une factuelle, l'autre plus symbolique, je pense.
Le roman est divisé en chapitres qui suivent la chronologie d'une journée de classe, en alternant les points de vue de différents protagonistes, ce qui le rend très vivant et permet au lecteur de s'immerger dans le quotidien d'un prof, d'un élève, d'un intervenant extérieur...qui ne voient pas forcément la globalité d'une situation, alors que nous, nous savons, en temps réel, ce qui se passe. J'ai trouvé ce procédé d'écriture particulièrement judicieux ici, il fait monter la pression alors même que certains protagonistes ne voient rien venir. J'ai apprécié également le réalisme des situations décrites, cela parlera à toute personne ayant passé quelque temps dans un établissement de ce genre récemment. Quant à ceux qui ne connaissent pas du tout, ils découvrirons, avec surprise sans doute, cet univers avec ses codes, son jargon, ses routines.

Thomas B. Reverdy a su, contre toute attente, me passionner au point de me faire lire presque d'une traite ce récit d'une journée particulière dans un univers familier, et j'ai tourné la dernière page avec un peu d'angoisse, parce qui sait, un jour je pourrais bien me retrouver confrontée à une situation comparable...
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« On est [...] dans le département le plus pauvre de la France métropolitaine, dans une de ses villes les plus pauvres, coincés, dans une bordure entre zone franche et zone sensible [...]. »

C'est Bondy Nord plus précisément, en banlieue parisienne, dans le célèbre 9-3. Et c'est plus particulièrement dans un carrefour atypique que l'action se déroule, avec son autoroute suspendue et ses bifurcations, sa Nationale 3, son camp de Roms, ses rangées d'immeubles. Au milieu de cette mare de béton, il y a un lycée. Pour y arriver, rien de plus simple : traverser la Nationale et passer sous l'autoroute.

C'est là-bas qu'on fera connaissance avec les protagonistes : Candice, prof de français ; Paul, écrivain-poète venu animer un atelier d'écriture ; Mo, Momo ou Mohammed, élève plutôt discret, solitaire, sans histoire. Mais aussi Philippe, le syndicaliste ; Chantal, la coordo ; Nathalie, la CPE ; Sara, pour qui en pince Mo ; ou encore Mahdi, à l'oeil au beurre noir...

L'action se déroule sur une journée, à heures précises, en des lieux bien précis au sein du lycée ou ses alentours. Une journée qui débute comme les autres, si ce n'est que la veille, des tirs à la Kalach ont eu lieu dans le quartier, si ce n'est qu'un des élèves a eu une rixe avec un individu chelou juste avant l'ouverture des grilles du lycée, si ce n'est que ça tourne en boucle sur les réseaux sociaux, si ce n'est que la tension monte au fil de la journée...

Thomas B. Reverdy, à travers son roman, dénonce plusieurs choses, mais on en retiendra essentiellement deux : le système scolaire en zone sensible et la violence quotidienne dans les quartiers défavorisés. le point d'ancrage est le lycée et c'est autour de lui que gravitent les protagonistes. de là, sont évoqués le manque de moyens et de profs, le manque de motivation de certains profs et élèves, les pressions sociales et culturelles, les problèmes de vocabulaire, de codes et d'écoute, les infos qui tournent sur les réseaux sociaux et mettent le feu aux poudres...

Grèves d'un côté. Émeutes de l'autre. Mécontentement et colère partout.

Et finalement, la journée ne se déroule pas comme les autres...

Ainsi, avec ce roman que l'on peut qualifier de dénonciateur, l'auteur tape fort et met le doigt là où ça fait mal.

Voilà qui aurait pu me percuter davantage si le style de l'auteur ne m'avait pas fortement déplu. Des phrases saissantes et authentiques, dépeignant tout bien comme il faut (jusque-là tout va bien !), et des tonnes de virgules pour séparer les dialogues des uns et des autres (et voilà, on y est !). Comprenez bien, c'est tellement simple que d'aller à la ligne et mettre des tirets, mieux vaut faire plus compliqué... Séparez les différentes répliques par des virgules, dans une même phrase ou un même paragraphe, et faites deviner au lecteur quand et qui dit quoi. C'est tellement plus gonflant ! Ainsi la tension monte de partout : au sein du récit et chez le lecteur lui-même. Et quand je parle de lecteur, je parle bien évidemment de moi, je ne me permettrais pas de parler pour les autres, chez qui ça n'a visiblement pas gêné. Chez moi, c'est rédhibitoire, ça me gâche complètement mon plaisir de lecture, d'où ma note salée.

Pourtant, les lieux et décors sont partie prenante dans l'histoire, l'atmosphère tendue est palpable jusqu'au bout des doigts, les sujets et thèmes abordés sont évocateurs. Dommage que je sois restée bloquée sur le style trop décousu et méli-mélo...

En bref, j'ai adoré le fond et détesté la forme.
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