Le vent dessine de scintillantes traînées de neige dans l'air. Je me calme, je respire profondément. Je suis entre deux mondes; la terre et le ciel. Les genoux bien collés au sol par l'attraction terrestre, mais les mains touchant du doigt les étoiles.
Rappelle-toi bien ceci, mon enfant : si jamais tu as du chagrin, va dans la forêt et marche en ouvrant grand les yeux pour regarder autour de toi. Car dans chaque arbre, dans chaque buisson, dans chaque animal, dans chaque fleur, tu trouveras la présence et la puissance divines. Ainsi tu seras consolée et tu oublieras tes tourments
Mais comment trouver l'équilibre entre passion et raison ? Une passion trop forte emprisonne, une raison trop rigide prive d'élan, de liberté.
Je fuis de plus en plus la société qui voudrait décider pour moi. Je sais que les réponses sont à l'intérieur de moi. Je pars là-haut pour vivre authentiquement. Quand on sait que les risques existent, quand on les affronte, on vit intensément et on redescend avec un amour encore plus grand de la vie. En expédition, ma vie est exacerbée, incandescente, tellement plus intense que n'importe quel moment en bas !
Sur cette montagne, chaque jour est une récompense, un pas vers l'inconnu, un pas vers la découverte de soi-même et de ses possibilités. Nous avons saisi là-haut ces instants où le cœur se suffit à lui-même, rempli de joie de vivre.
L'ascension de l'Everest est désormais à l'image de notre société "sécuritaire", de"cosommation", aseptisée, avec un bon ratio succès /rapidité. De nos jours, l'aventure, l'exploration sont à trouver ailleurs.
L'ascension de l'everest s'est banalisé.
[...] et pourtant, au fil des jours depuis mon arrivée au camp de base début avril, j'ai remarqué que chacun des "prétendants au sommet" a une histoire personnelle avec l'everest, une motivating singulière, légitime et respectable, et voir sa propre aventure, au final, même en conditions aseptisées. Mon regard a évolué, change sur ces candidats au Toit du monde, que je comprends :aux aussi recherchent une parenthèse dans leurs vies quotidiennes, une vie "allégée", en apesanteur, pour quelques semaines.
Je pense aux premiers ascensionnistes, aux pionniers Tenzing et Hillary. Total respect.
L’alpinisme me permet, j’en suis certaine, de mieux vivre en société. Pour moi, la vie en bas est parfois pesante. J’assume un côté peut-être asocial antisocial. En tout cas, ce sont les bouffée d’oxygène glanées en montagne qui détendent mon rapport quotidien au monde. C’est mon point d’équilibre. La fuite du quotidien. La fuite du modèle social, de l’aménagement confortable et routinier d’une vie, qui limiterait trop mes aspirations physiques, spirituelles, mes désirs de liberté. Et l’envie de vivre mes propres expériences, de me faire ma propre opinion.
« Rappelle-toi bien ceci, mon enfant : si jamais tu as du chagrin, va dans la forêt et marche en ouvrant grand les yeux pour regarder autour de toi. Car dans chaque arbre, dans chaque buisson, dans chaque animal, dans chaque fleur, tu trouveras la présence et la puissance divines. Ainsi tu seras consolée et tu oublieras tes tourments. »
En revanche, je n’ai aucune connexion Internet en expédition : c’est volontaire, j’aime me couper de tout. Le monde d’aujourd’hui est ultra connecté, et je m’y sens saturée d’informations malgré moi. J’aime me déconnecter de l’actualité, de la marche du monde et me brancher sur la montagne.