Citations sur Miss Peregrine et les enfants particuliers (218)
J’avais toujours eu conscience que le ciel était plein de mystères, mais je réalisais seulement aujourd’hui que la Terre l’était aussi.
J’ai quasiment couru jusqu’au marais. Alors que je pataugeais dans la boue, à la recherche du chemin d’herbe quasi invisible qu’Emma avait emprunté la veille, une pensée inquiétante m’a effleuré. Et si je ne découvrais, de l’autre côté, que davantage de pluie et une maison en ruine ? C’est dire mon soulagement quand j’ai émergé dans le soleil éblouissant du 3 septembre 1940. L’air était chaud et les nuages qui s’effilochaient dans le ciel bleu avaient des formes familières, rassurantes. Mieux encore : Emma, assise sur le tertre, s’amusait à jeter des pierres dans le marais. (...)
Impatiente, elle m’a pris la main et m’a entraîné derrière elle. Je frémissais d’excitation à son contact, et aussi à la pensée de la journée pleine de promesses qui s’annonçait. Par un millier d’aspects, elle serait identique à la précédente : le même vent soufflerait dans les mêmes feuilles, qui tomberaient au même endroit… Mais, pour moi, elle serait forcément différente de la veille. Pareil pour les enfants particuliers. Ils étaient les dieux de cet étrange petit paradis, et j’étais leur invité.
— (...) Nous en discuterons dès demain matin.
— Maintenant.
J’avais attendu dix ans pour entendre la vérité. J’étais incapable de patienter une minute de plus.
— S’il vous plaît…
— Par moments, jeune homme, vos manières oscillent dangereusement entre un entêtement charmant et un odieux caractère.
Elle s’est tournée vers Emma :
— Miss Bloom, voudriez-vous aller me chercher le vin de coca ? Je pense que je ne vais pas dormir cette nuit, et j’aurai grand besoin d’un remontant si je dois rester éveillée.
J'avais l'impression d'être parfaitement sain d'esprit, tandis que le monde devenait fou.
— (...) Malgré les avertissements et les menaces du Conseil, durant l’été 1908, mes frères et plusieurs centaines de dissidents – parmi lesquels de puissantes ombrunes – se sont réunis dans la toundra sibérienne pour mener leur odieuse expérience. (...)
Nous nous attendions à les voir revenir au bout de quelques jours, la tête basse, après avoir constaté leur échec. Mais leur punition a été autrement plus cruelle. Ils ont causé une explosion catastrophique, qui a brisé les fenêtres jusqu’aux Açores. Dans un rayon de cinq cents kilomètres, les gens ont dû croire que la fin du monde était venue. Nous avons supposé qu’ils étaient tous morts, que cette explosion monstrueuse était l’ultime manifestation de leur folie collective.
— Mais ils ont survécu, ai-je deviné.
— D’une certaine façon, oui.
Je n'étais vraiment pas d'humeur à faire la fête. J'ai compris que ça me pendait au nez quand mes parents ont multiplié les allusions grossières, du genre "ce week-end va être assommant, on n'a rien de prévu...", alors qu'on savait tous que j'allais avoir seize ans. Je les avais suppliés de ne rien organiser cette année, car j'étais incapable de penser à une personne que j'aurais aimé inviter. Mais ça les inquiétait que je reste seul. Ils prétendaient que voir du monde avait des vertus thérapeutiques. "Les électrochocs aussi." avais-je ironisé. En plus, ma mère ne manquait jamais une occasion de faire la fête. Un jour, elle avait convié des amis pour l'anniversaire de notre perruche!
- Vous êtes en sécurité ici. Et vous pouvez vivre avec nous aussi longtemps que vous le désirez.
J'ai voulu répondre, mais je n'ai réussi qu'à bredouiller :
- Je... Je ne peux pas... Mes parents.
- Ils auront beau vous aimer, a-t-elle murmuré, ils ne vous comprendront jamais.
La vie des particuliers est une succession d’épreuves et de deuils. Celle d’Abe l’a été à double titre, car il est né Juif à la pire des périodes. Il a été confronté à un double génocide : celui des Juifs par les nazis et celui des particuliers par les sépulcreux – c’est le nom que nous donnons aux monstres. Se cacher ici pendant que ses semblables étaient assassinés lui était insupportable. La guerre a mis fin au règne des nazis, mais les sépulcreux ont gagné en puissance.
« Le sommeil, la mort ne sont pas ;
Qui semble mourir vit encore.
Seuil où tu fis tes premiers pas,
Heureux amis de ton aurore ;
Jeune fille, enfant et vieillard,
Récompense d’efforts sans trêve,
Tout s’évanouit au regard,
Tout se métamorphose en rêve
Et rien ne reste dans la main. »
Ralph Waldo Emerson
(Traduction de Marie Dugard, 1931)
Mon père avait raison bien-sûr. Je vénérais mon grand-père. Quand j'étais petit, ses histoires fantastiques m'avaient appris que la magie avait sa place dans la vie. Et, même après que j'avais cessé d'y croire, Grandpa avait conservé une sorte d'aura. Il avait vécu des choses horribles, vu les pires travers de l'humanité, et son existence en avait été complètement bouleversée. Malgré ces épreuves, il était resté honnête, bon et courageux.