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Critique de CDemassieux


Il est devenu l'icône – le mot, en ce qui le concerne, n'est pas galvaudé –, du poète, éclipsant l'homme qu'on disait aux semelles de vent tellement il voulait voyager.
Il n'est peut-être pas le plus génial, mais il est génial, inventeur d'une révolution poétique qui prônait la modernité à l'âge où d'autres ont des préoccupations beaucoup plus triviales.
Il continue de séduire invariablement l'élite et le peuple, son visage reproduit sur les murs, associé à la liberté et l'éternelle jeunesse.
« le Dormeur du val », « le Bateau ivre », « Une saison en enfer », les « Illuminations », etc., autant de textes entrés dans le panthéon immatériel de la poésie française, certains si musicaux qu'ils furent naturellement chantés.
Rimbaud inspira même, après sa mort, un courant artistique majeur, le surréalisme, dont les membres considéraient les Lettres du « Voyant » comme un manifeste, notamment cette phrase prophétique : « le poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. »
Pourquoi lire Rimbaud ? Parce que c'est une poésie fluide qui fait effectivement appel aux sens. Une poésie qui s'est construite en se libérant des chaînes métriques, et en un temps record, puisque le poète n'écrira que quelques années, s'arrêtant définitivement à vingt ans pour s'en aller vers un autre destin, en Afrique, d'où il reviendra pour mourir à Marseille.
Les lettres contenues dans ce volume permettent d'ailleurs de découvrir l'autre Rimbaud : l'aventurier, au sens large du terme.
Rimbaud est ce qu'on pourrait appeler une comète : il est passé sans s'arrêter, nous abandonnant une traînée qui continuera de briller tant qu'il y aura des lecteurs pour lire ça…
« Les effarés
Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,
Leurs culs en rond,

A genoux, cinq petits, - misère ! -
Regardent le Boulanger faire
Le lourd pain blond.

Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise et qui l'enfourne
Dans un trou clair.

Ils écoutent le bon pain cuire.
Le Boulanger au gras sourire
Grogne un vieil air.

Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge
Chaud comme un sein.

Quand pour quelque médianoche,
Façonné comme une brioche
On sort le pain,

Quand, sous les poutres enfumées,
Chantent les croûtes parfumées
Et les grillons,

Que ce trou chaud souffle la vie,
Ils ont leur âme si ravie
Sous leurs haillons,

Ils se ressentent si bien vivre,
Les pauvres Jésus pleins de givre,
Qu'ils sont là tous,

Collant leurs petits museaux roses
Au treillage, grognant des choses
Entre les trous,

Tout bêtes, faisant leurs prières
Et repliés vers ces lumières
Du ciel rouvert,

Si fort qu'ils crèvent leur culotte
Et que leur chemise tremblote
Au vent d'hiver. »
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