AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de tolbiac


Malgré le titre, la tragédie de la croissance est un essai rafraichissant. Il donnerait presque le sourire. On se sent moins seul. En effet ce petit essai de 150 pages explique clairement et sans détours l'impasse du monde libérale. Il cite même Proudhon. Pas d'idéologie de clocher donc, juste du bon sens… En quelques lignes ce qui semble évident pour qui ne vit pas sous cloche est expliqué, décortiqué, démontré.
En introduction Gilbert Rist le dit clairement. “ Nous sommes rentrés dans l'âge des ruptures”. Nous voilà prévenu. Voilà qu'un professeur d'IHEID et qui a collaboré avec l'université des Nations Unies se retrouvent à dire la même chose que des Altermondialistes, que certains anarchistes, que certains mouvements de gauche. Rafraîchissant. Et effrayant. Effrayant d'entendre un homme qui connait son sujet mettre en garde, s'aligner idéologiquement et affectivement sur le rapport Meadows, avoir des affinités avec Jean-Marc Jancovici, Pablo Servigne, Paul Jorion et j'en passe…
Comme le dit page 68 Gilbert Rist: “ Il faut prendre acte de la finitude. Et commencer à penser autrement car cette vision enchantée d'un monde toujours plus prospère n'est désormais plus recevable : elle est devenue suicidaire.”
La première partie explique l'idée de croissance et la naissance de l'économie. Pour ma part n'étant ni universitaire, ni même un fin connaisseur de l'économie, l'historique de cette science sociale est une bonne piqure de rappel. Je découvre même quelques principes. Comme celui de l'alignement de l'économie sur le modèle de la mécanique newtonienne. Et Rist d'expliquer que l'économie “a maintenu ce modèle sans tenir compte de la seconde loi de la thermodynamique qui aurait contraint les économistes non seulement à distinguer entre eux les facteurs de production (la Nature, le capital et le travail) et à ne pas considérer comme substituables, mais aussi à inclure dans leurs modèles les effets, ou les coûts, de la dégradation irréversible de l'énergie-matière.”
Tout au long des pages on lit, relit certains passages et page 90 “… Pour des raisons institutionnelles et politiques – la croissance est considérée comme nécessaire. Mais il faut immédiatement ajouter que sa poursuite est impossible.”
Le titre est clair. Tragédie. En reliant cet essai à d'autres, (le grand bond en arrière de Serge Halimi/ le triomphe de la cupidité de Joseph Stiglitz… Pour ne citer qu'eux), en faisant des liens, on ne peut que se rendre compte que sans le prisme néolibéral qui focalise sur uniquement la croissance, la réalité qui est la notre est bien plus que catastrophique. L'économie moderne conduit à l'extinction des espèces, à toutes les pollutions, à toutes les formes de profit au détriment de nos espaces de vies, de la vie, de nos structures sociales, de la biosphère et conduit irrémédiablement à des effondrements.
Ce qui est rafraichissant pour revenir à mon introduction est certaines des solutions envisagées.
Comme celle du commun. Une idée développée dans certains éco-village, dans certaines ZAD.
La fin de l'essai donne des pistes. L'entraide, la redistribution, un éclaircissement sur le fonctionnement de la dette, et évoque un nouveau paradigme. Humaniste. C'est rafraichissant de lire un essai écrit par un professeur qui doit probablement enseigner pour de futurs élites, revenir aux fondamentaux du vivre ensemble. Qui remet à sa place l'économie qui devrait être avant tout sociale.
Un essai qui nous éclaire la situation et que Macron devrait avoir sur sa table de chevet. Et dire que ça vient de Science Po Presses… Comme quoi il faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain et sans la masse critique de Babelio et l'envoie généreux de Science Po presses, je n'aurais jamais ouvert ce livre, je n'aurais, faut être franc, même pas accordé du crédit à un livre écrit par un économiste enseignant. Comme quoi les aprioris ont encore de beaux jours devant eux. Et justement. Ce sont les dogmes qui nous foutent dans la merde. Ce sont les chapelles et les clochers qui enfoncent le clou. Notre monde est sur la tangente. Appels multiples de scientifiques, d'économistes, ce livre en est clairement un, de biologistes, de citoyens, de marins, de rêveurs pour que nous changeons de paradigme, pour que nous changeons de système de valeur. Non au profit d'une minorité, mais bien pour le bien commun. Commun. Ce mot revient énormément du début à la fin de cet essai. On dirait du Gail Giraud dans le texte, chef économiste de l'AFD, ancien trader devenu prêtre et qui tout en étant prêtre développe une idée de l'économie raccordé à l'humain. Qui développe également une idée du commun et qui est critique sur le système dette. Notre monde change. Malheureusement des fous sont au volant et ils se droguent en appuyant sur l'accélérateur pour paraphrasé Bernard Maris.
Je remercie grandement Babelio et masse critique ainsi que SciencePo presse pour cette découverte et lecture passionnante.
Commenter  J’apprécie          90



Ont apprécié cette critique (5)voir plus




{* *}