Novembre 2016
Peut-être qu’il aurait dû pleuvoir.
Francesco s’est dit ça en s’habillant, qu’un jour comme celui-là méritait une lumière plus appropriée, quelque chose qu’un bon réalisateur aurait longuement étudié puis élaboré avec soin dans l’attente de la bonne journée : le ciel gris, les gouttes fines, l’humidité flottante qu’il y a à Milan quand tu ne sais pas si l’eau vient d’au-dessus de ta tête ou d’en dessous de tes pieds. À la place, il y a un soleil pâle, de ceux qui ne réchauffent pas, un soleil qui fait le minimum syndical, la sensation de ces ampoules écologiques qui peinent à donner de la puissance quand tu appuies sur l’interrupteur, et font la lumière des morts.
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On n’est pas d’un pays mais on est d’une ville
[...] La Caserne, c’est ce labyrinthe de bâtiments fatigués, crasseux, mal vieillis, décrépis, qui entoure piazza Selinunte, quartier San Siro, avant-poste de la racaille urbaine, chaud en été, froid en hiver, cages d’escalier au goût de brocoli et curry.
[...] Les tours HLM autour de piazza Selinunte, zone difficile, une concentration de logements à faire pâlir Hong Kong.
[...] Beaucoup de logements sont vides parce qu’ils doivent être rénovés et pour les rénover il n’y a pas d’argent, donc on les ferme…
[...] Le collectif pour le droit au logement, ils doivent être trente ou quarante, presque tous des jeunes qui ont squatté ou qui étaient déjà là… Ce sont les seuls, après avoir squatté, qui le disent, ils font des pancartes, disent qu’eux, ils rénovent.
[...] Les Calabrais. Ils défoncent et installent des gens, entre trois et cinq mille euros, et après c’est difficile de les virer, donc ceux qui entrent savent très bien qu’ils peuvent être tranquilles trois ou quatre ans, minimum, et puis s’ils ont des enfants c’est encore plus compliqué…
Donnez-nous un ennemi à haïr
…un couloir qui mène on ne sait où dans cet appartement de magazine léché pour gens qui n’auront jamais d’appartement comme celui-là.
(..) avec ces gens-là, le ministère prend ses gants blancs et devine tous les subjonctifs.
(..) une sorte de bastion ouvrier, à une époque, c’était au parti communiste, logements pour travailleurs, foyers familiaux, prolétariat d’après-guerre qui visait l’entrée dans la petite-bourgeoisie, et n’y arrivait presque jamais.
Ils ont des troubles mentaux, avec des manies de toute-puissance, difficulté de connexion avec la société, âgés entre trente et cinquante ans, enfance difficile.
(...) ils sont occupés à monter des écrans, des lignes téléphoniques, des tableaux… Pour l’instant c’est pas des enquêteurs, c’est des électriciens.
Maintenant, sur le terrain ne subsistent que l’autocommisération de la dame et la rage sourde de sa fille, qui en a le souffle court, ce qui génère le bradyséisme de ses énormes nichons plantés sur un corps qui rappelle le baobab de Namibie.