AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de SophieLesBasBleus


Je suis entrée dans l'histoire de Bianca sur la pointe des pieds. Anorexie mentale, tentative de suicide, mal-être de l'adolescence, unité psychiatrique spécialisée... sans doute craignais-je une approche trop explicative, trop pathos, trop lourde ou trop superficielle... Trop trop, quoi !
Et j'avais bien tort car ce roman est remarquable de justesse et d'authenticité. Traité comme un journal intime, ou plutôt comme une confidence adressée au lecteur, ce récit d'un séjour aux Primevères, l'unité psychiatrique pour les adolescents, peut être lu comme le témoignage brut, sans aucune facilité, de ce moment où corps et esprit se rongent mutuellement face à l'alternative qui occulte tout le reste : vivre ou mourir.
Dix-sept ans, c'est l'âge de Bianca, la narratrice, qui va passer dix mois dans le microcosme de l'unité spécialisée. Elle a cessé de s'alimenter et, submergée d'une souffrance plus atroce d'être sans cause définie, a tenté de se suicider. Pas par amour de la mort, ni par lâcheté, mais plutôt par volonté de ne plus vivre. Avec elle, à côté d'elle, il y a Clara, Juliette, Simon, Angélique, Edith, Jeff et tous ceux qui passent, s'arrêtent un moment dans ces chambres hors du monde, y restent quelque temps avant de repartir sans forcément être guéris. Car peut-on guérir du mal de vivre ? Peut-on guérir de cette lucidité si éblouissante qu'elle équivaut à une douleur constante ? "La lucidité est la blessure la plus proche du soleil" écrivait René Char...
Qu'est-ce qui fait que parfois l'on préfère renoncer que de continuer ? Cette lucidité, Bianca l'applique d'abord à elle-même, sans sombrer dans la psychologie de bazar ou dans des explications factuelles. Apparemment rien ne peut expliquer le divorce entre elle et la vie. Elle aime ses parents, son petit frère et Simon. Elle est attentive, compatissante envers ses compagnons de misères et éprouve une profonde affection pour Jeff. Bref, rien n'explique son état. Et, du coup, rien ne rassure, ni ne réconforte.
C'est une des grandes forces de ce roman que de refuser toute explication, tout simplisme, toute appréciation morale. Pas de culte du corps derrière cette anorexie. Pas de traumatisme identifié ou identifiable. Mais un effacement progressif et une lutte constante entre rester et partir. L'écriture, souvent factuelle et calquée sur l'oralité, apparemment sans enrobage stylistique, reflète bien cette vie qui pulse malgré tout. Cette envie de vie. Cette angoisse innommable de la vie. Ce moment unique de l'adolescence où tout peut basculer d'un côté comme de l'autre. Faire un pas dans la vie et l'accepter telle qu'elle est. Ou renoncer.
Un premier roman qui dit beaucoup, beaucoup plus que ce qu'il donne à lire.
Commenter  J’apprécie          20



Ont apprécié cette critique (1)voir plus




{* *}