En tout état de cause, Lieux a survécu à cette période hasardeuse qu'est la genèse d’un projet. L'idée de base de ce scénario était relativement simple. L'histoire tournerait autour de quatre protagonistes, des antihéros esquintés par leur enfance, et de leur quête de l'âme sœur, cet «autre moi» fantasmé, seul à même de les arracher à leur spleen. Une sorte de quête baudelairienne, où l’Idéal et le Beau seraient incarnés par une figure distante et fugitive qui manifesterait ce gouffre croissant entre ce qu'ils étaient et ce qu'ils auraient été capables d’être, la malédiction de l'espoir. Rien de bien original, Sa particularité résiderait dans le fait qu'il ne serait destiné qu'à un unique «spectateur», Stanley. Nat Bridge finirait bien par réapparaître, tôt ou tard. Mon script lui serait adressé, mais seul Stanley, s’il existait vraiment, serait capable de suivre les indices dont il était parsemé, comme autant de petits cailloux blancs jusqu'à un point de rendez-vous, où je l'attendrais. p. 322
" parfois les lieux humains créent des monstres inhumains" (Stephen King, Shining). Mes camarades, chacun d'eux, avaient besoin d'un paria pour renforcer leur sentiment d'appartenance : je suis peut-être une merde, mais au moins, moi, je ne suis pas un taré.
Si je pensais â ma femme moins souvent que je ne l avais redouté, son aura déclinante dictait toujours mes choix. Je ne m'étais pas encore habitué a errer par moi même.
Elle était encore plus belle qu a l université. La poudre abrasive du temps avait poli les traits de son visage jusqu a lui donner l apparence sereine d une oeuvre qui se savait pleinement aboutie.
Le vide, c est comme un miroir. Si vous n'aimez pas ce que vous voyez dedans, c est vous le problème.
Mes parents n'étaient pas des salauds. Ce serait trop facile de croire ça. C est juste que quand les rêves tombent de haut, ils écrasent tout sur leur passage.
J'avais toujours vu dans les bambins une argile humide qui n'aquérait de forme et d'utilité qu'après de nombreuses revolutions sur le tour du potier.
Un soir de décembre, j'ai atterri au bout du monde. L'endroit où l'on situe celui-ci est une question intéressante en soi, et relève d'un choix éminemment personnel. Les pôles Nord et Sud – les vrais, les pôles magnétiques vers lesquels toutes les boussoles s'orientent – se détachent comme des candidats évidents, bien sûr. Le problème est qu'ils se déplacent tout le temps. Cette bougeotte ne les disqualifie pas nécessai- rement comme terminus. Il faut juste accepter l'impermanence de nos extrémités. Un temple khmer, une station de tram à Jérusalem ou le dos d'un dromadaire du Sahara feraient tout aussi bien l'affaire, par ailleurs. Peu importe qu'on ne trouve rien au bout d'un mirage, tant qu'il reflète quelque chose de réel
Ceux qui parlent « d’amour impossible » n’ont rien compris. C’est l’impossible en nous qui est amoureux.
Alors que certains peuvent passer toute une vie à s’interroger sur leur putain de raison d’être, moi j’ai su très tôt que mon père était ivre et que ma mère était belle, ou l’inverse, ou les deux, point.