C'est aussi que la mode se plaît aux contrastes : il lui faut procéder par antithèses pour frapper l'opinion et émoustiller le goût. Et nous constatons ceci : lorsqu'une mode est entachée d'un excès qui prête au ridicule, elle monte de la rue sur le théâtre où on s'en raille. Mais lorsqu'une mode répond au goût de la minute où elle se produit, lorsqu'elle témoigne d'une élégance vraie et d'une fantaisie juste, elle descend du théâtre dans la rue, et, après avoir fait ses preuves aux feux de la rampe, elle se lance — et comment ! — dans la circulation. Il en est ainsi parce qu'une des raisons qui contribuent à l'évolution de la mode, à ses excès et à ses caprices, c'est que dans toutes les classes de la société il y a des femmes qui veulent prétendre, sinon donner le ton, au moins le prendre.
La mode, qui palpite sans arrêt, sous l'ample émulation des grands couturiers, crée donc autour de nous, et pour tous, une atmosphère de grâce, d'élégance et de beauté de laquelle nul ne peut s'évader. Il y a là une résultante pleine de séduction; mais cette résultante est la cause finale d'une tâche gigantesque accomplie par un labeur prodigieusement assidu et éveillé. C'est cette tâche, c'est ce labeur, que nous allons essayer de définir.