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Critique de VingtNeuf


Au départ, deux histoires parallèles : la première centrée autour d'Úrsula Lopez, une femme de 40 ans, confrontée à des problèmes de surpoids ; la seconde raconte le rapt, jour après jour, de l'enlèvement au dénouement, de Santiago Losada, un homme d'affaires connu, par deux individus voulant extorquer une rançon à son épouse. À la page 66, les deux histoires se recoupent lorsque Germán, l'un des kidnappeurs, appelle la « mauvaise personne », à savoir notre héroïne, qui porte le même prénom et le même nom de famille que la femme de Santiago Losada.
Maladroite, cynique, Úrsula ne mâche pas ses mots. Elle vit seule dans un appartement hérité de ses parents, au centre-ville de Montevideo. Elle repense souvent à son père, à l'origine de ses traumatismes d'enfant, tels que les prohibitions alimentaires, les humiliations (sa petite soeur, Luz, mince et jolie, pouvait manger de tout). Elle évoque aussi Mirta, l'employée de sa tante Irene, et son petit ami, Ricardo, actuellement en prison pour l'homicide d'Irene. Úrsula a découvert par hasard qu'après la mort de sa mère, son père a eu une relation avec sa tante.
Úrsula partage son quotidien entre ses traductions (elle traduit les textes du poète haïtien, James Noël), les réunions des obèses anonymes, des épisodes de voyeurisme. En plus de son travail de traductrice, elle collabore ponctuellement à une émission de télévision. Elle se rend de temps à autre à des rendez-vous médicaux (gynécologue, psychologue) ou chez le coiffeur.
Lorsqu'elle reçoit l'appel de Germán, elle accepte de se faire passer pour l'autre Úrsula afin de mettre un peu de piment dans sa vie tiède et désoeuvrée. C'est en cherchant des informations sur l'enlèvement qu'elle comprend que la méprise est due à une homonymie et qu'elle l'« autre femme ». Úrsula fait donc l'intermédiaire entre l'épouse de Santiago Losada et son kidnappeur, pour lequel elle éprouve de la sympathie (Germán lui raconte que trois ans plus tôt il fréquentait le même club des obèses anonymes). Úrsula appelle l'autre Úrsula pour lui demander 2 millions ; celle-ci lui dit qu'elle ne veut pas que son mari soit libéré, car il la trompe, et offre 3 millions pour qu'on le fasse disparaître.


Le récit est structuré en sept parties, correspondant à sept jours, et un épilogue « Un mois plus tard ». Outre le monologue à la première personne d'Úrsula sont insérés dans le texte plusieurs conversations téléphoniques, le rapport de police sur la dénonciation de notre héroïne concernant le tapage nocturne de sa voisine (qui n'aurait lieu que dans sa tête), les deux lettres qu'écrit Úrsula à sa voisine pour lui enjoindre de faire moins de bruit , trois articles de presse autour de l'enlèvement de Santiago Losada. On se trouve face à un dispositif narratif habile, servi par une prose fluide et envolée, un rythme cadencé. le style très oral du début se perd un peu.

Dès la première page, le lecteur est saisi par le personnage haut en couleur d'Úrsula, qui, à mesure que le récit avance, s'avère de plus en plus borderline, sans pour autant cesser de susciter la sympathie. Authentique, débordant d'imagination, cynique, elle rêve de devenir une autre personne, plus mince, plus riche, etc. Tout aussi névrosé qu'Úrsula, le personnage de Germán est également intéressant et attachant.
L'humour traverse le texte du début à la fin : mentionnons la scène d'ouverture dans la cabine d'essayage d'une boutique de vêtements (Úrsula ne parvient pas à retirer sa robe sans la déchirer), la réunion des obèses anonymes (Úrsula compare les rituels du groupe aux tragédies grecques), l'ascenseur de son immeuble en panne qui l'oblige à emprunter les escaliers pour monter non sans peine jusqu'au cinquième étage, le rapt de l'homme d'affaires par deux amateurs. le lecteur est happé par le ton singulier, à la fois drôle et grinçant, mais aussi mélancolique, de ce roman, où l'auteure dénonce l'hypocrisie et le ridicule de la téléréalité ou encore la froideur du corps médical. Comme tout roman noir qui se respecte, le suspense est présent : le lecteur se demande com-ment Úrsula va se sortir de l'imbroglio dans lequel elle s'est fourrée. À cet égard, la chute est plu-tôt réussie. Ainsi, L'autre femme mêle astucieusement thriller, histoire personnelle et familiale, mélodrame, ayant pour toile de fond la ville de Montevideo.
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